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L’islam, religion d’État

L’islam a atteint les rivages des Maldives en 1153, probablement importé par des commerçants arabes venus d’Afrique du Nord. Cette conversion a marqué un tournant important dans l’histoire du pays, soumis dès lors à l’autorité d’un sultanat. Professé depuis le XIIe siècle, l’islam est devenu religion d’État par le biais de la Constitution de 1968 promulguée « au nom d’Allah le Bienfaiteur et Miséricordieux ». Le président de la république islamique des Maldives est de ce fait chef politique et religieux du pays. D’obédience sunnite, le pays affiche une population 100 % musulmane. Un étranger désireux d’épouser un(e) Maldivien(ne) doit se convertir à l’islam. La religion est omniprésente dans la vie des citoyens qui ont le devoir d’être musulman. La pratique de toute autre religion est proscrite et l’importation d’idoles interdite. Il est déconseillé d’afficher des convictions religieuses différentes que celles prônées par l’État. En 1998, 19 chrétiens originaires d’Europe ont été expulsés pour avoir tenté de propager la religion chrétienne dans l’archipel. À la même époque, plus grave encore, plus de 50 Maldiviens soupçonnés de pratiquer le christianisme ont été arrêtés et emprisonnés. Les membres de la petite communauté chrétienne présente aux Maldives, souvent des Indiens du Sud, subissent de lourdes sanctions lorsqu’ils sont surpris dans la pratique de leur foi. L’islam est enseigné aux enfants dès leur plus jeune âge et l’apprentissage de l’alphabet arabe débute avant celui du divehi. À 3 ans, les petits Maldiviens commencent à déchiffrer le Coran dans les maktabs, les écoles coraniques élémentaires. Mais l’apprentissage s’arrête là. Si les Maldiviens arrivent à lire le texte sacré, ils ne comprennent pas la signification de ce qu’ils lisent. Ce n’est que récemment que le gouvernement maldivien a offert à ses habitants une traduction du Coran en divehi. La pratique de la religion rythme les journées maldiviennes. L’appel à la prière est effectué par le muezzin, cinq fois par jour, depuis le minaret de la mosquée. Chaque île maldivienne habitée et chaque île-hôtel compte sa mosquée. Le vendredi midi, à l’heure de la grande prière hebdomadaire, le pays se fige. Tous les hommes se rendent à la mosquée, y compris dans les îles-hôtels, ce qui fait que le déjeuner est souvent servi plus tard.

La loi coranique

L’État maldivien calque son système judiciaire sur la charia, qui régit aussi bien le droit civil que pénal. Cependant, l’État dispense une interprétation de la loi coranique plus douce que les autres États qui se sont choisi le même cadre juridique. Les femmes ne sont pas recluses dans la maison et elles ne sont pas obligées de se voiler. Une loi maldivienne interdit même le port du tchador. Officiellement, il s’agit de se prémunir d’attaques terroristes. Officieusement il s’agit de ne pas rebuter le touriste occidental. Les sanctions pour les délits mineurs et les entorses légères aux règles professées par le Coran sont plutôt légères. Appartenant à un peuple à l’âme tranquille, le Maldivien n’a jamais apprécié le « bienfait » des punitions violentes de la charia. Le voyageur marocain Ibn Battûta qui fut nommé cadi (officier de justice) aux Maldives au XIVe siècle essuya un vent de révolte lorsqu’il ordonna que l’on coupe la main des voleurs. Cette sanction ne fut appliquée qu’une seule fois aux Maldives, sous la présidence de Mohamed Amin Didi. Traditionnellement, les sanctions les plus courantes sont l’exil, la bastonnade, la flagellation ou l’emprisonnement. La peine de mort a été réinstaurée en 2014, applicable aux personnes dès l’âge de 7 ans, conformément à la loi coranique. Néanmoins, la sanction ultime n’a encore jamais été prononcée depuis la fin du moratoire, remontant à 1954 et l’occupation britannique.

Bouddhisme et croyances locales

Plusieurs vestiges archéologiques bouddhiques ont été mis à jour dans l’atoll d’Ari et sur l’île de Gan. Il semblerait que le culte était similaire à celui pratiqué en Inde. On peut supposer que les premiers colons arrivés vers 500 av. J.-C. aient importé la religion dans l’archipel. Une tête de Bouddha en corail du XIe siècle est exposée au Musée national à Malé. D’autres découvertes archéologiques faites dans les années 1980 font supposer qu’une croyance basée sur l’adoration au soleil existait également. De nombreuses croyances préislamiques perdurent encore, notamment dans les atolls isolés. Elles servent à expliquer ce qui ne peut l’être par le Coran ou la recherche scientifique. Nombre d’entre elles sont rattachées au monde de la mer. Ainsi, les Maldiviens croient à l’existence d’esprits maléfiques venus de la mer. Ces djinns ne peuvent être combattus que par des incantations (fanditas) récitées par le hakeem (médecin traditionnel). Plus on s’éloigne de Malé, plus ces croyances sont ancrées. L’historien Hassan Ahmed Maniku définit le djinn comme « un être invisible, mais parfois visible, capable de se déplacer à travers les océans, les terres et à travers les murs. Il peut être bienfaisant ou malfaisant. Il peut réclamer des supplications ou des sacrifices ». Ces djinns sont constitués de feu et possèdent des pouvoirs surnaturels. À ce titre, ils sont convoqués lors du Jugement dernier afin de se prononcer sur la conduite des hommes. Il existe de nombreuses « variétés » de djinns, qui tous possèdent leur légende propre. Le chef des djinns est Buddevi. Il vit dans la jungle, sur la plage, dans les sous-bois et près des maisons abandonnées. Parfois, il apparaît à l’endroit précis où des gouttes d’eau s’écrasent en tombant des feuilles de cocotier après la pluie. Il se montre aussi parfois sous la forme d’un chat ou d’un homme séduisant. On dit que quiconque le voit tombe malade. Le plus célèbre des djinns est Rannamaari qui, dans le temple de Budkhana, anciennement situé au cap est de Malé, attendait chaque mois le sacrifice d’une vierge de la part d’une population terrorisée. Aucune fandita ne parvenant à le chasser de son antre, il violait et tuait de jeunes Maldiviennes. En 1153, l’érudit somalien musulman Abu Al Barakat aurait fait regagner le fond de l’océan au djinn Rannamaari en lui récitant le Coran une nuit durant. Cet épisode aurait converti les Maldiviens à l’islam. Ou quand légende païenne et religion se valident l’une l’autre.