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L'histoire des Mayas

Bien que les premiers villages d'agriculteurs aient été datés à 1500 avant notre ère sur la côte pacifique du Guatemala et à environ 800 dans les Hautes Terres, le Préclassique – qui couvre la période allant d'environ -1500 à 250 – est encore mal connu des historiens. Ce qui est sûr, c'est que l'âge d'or de la civilisation maya et l’apogée de ses plus grandes cités viendront avec la période classique, entre 250 et 950 apr. J.-C.

La période classique (250-950). Après avoir profité de l’influence olmèque, les Mayas subissent, au début du classique ancien – jusqu’en 550 – celle de la civilisation de Teotihuacán, qui rayonne depuis l’actuel Mexique. Néanmoins, ces conquérants adoptent progressivement les coutumes mayas, pour créer une culture « mixte » : l'Esperanza, dont le symbole est la cité de Kaminaljuyú (à Guatemala Ciudad). Ensuite, de 600 à 900, la civilisation maya existe en dehors de toute influence extérieure pour finalement atteindre son apogée, dont l'illustration est Tikal, sa cité la plus prestigieuse – dans le Petén, au nord. Si les normes architecturales des différentes villes sont communes, leur topographie, la taille des constructions et les motifs de décoration employés sont spécifiques à chacune. À l’image du monde grec de l’Antiquité, il s’agit d’une civilisation formée par un ensemble de cités, et non d’un empire unifié politiquement. Ainsi, à la puissance de Tikal répond celle d'Uaxactún, d'El Ceibal, de Piedras Negras, ou encore de Quiriguá.

La période postclassique et le déclin de la civilisation maya (950-1523). Ce n'est pas l'arrivée des Espagnols, en 1524, qui met un terme à l’ère maya. L'essentiel de la civilisation s’était effondré bien avant, à la fin du classique récent, soit au début du Xe siècle. Les sources manquent pour établir les causes de ce déclin étonnamment rapide – en moins d’un siècle – et les hypothèses sont nombreuses. Parmi elles figure une trop forte densité de population, ayant abouti à un épuisement des sols tropicaux fragiles, des famines et des épidémies. Autre possibilité : une crise de sécheresse qui, combinée à un nombre insuffisant de paysans, aurait pu être mise en corrélation avec une modification des structures sociales. Il semble également que les élites mayas aient brusquement disparu, comme en témoigne l’arrêt des grandes constructions – peut-être ont-elles été balayées par des révoltes populaires massives ? Une dernière piste : la structure en cités indépendantes de l’Empire maya, favorisant des rivalités entre elles, ainsi que des troubles sociaux, les mettant à la portée d’ennemis extérieurs. Par exemple, entre 900 et 1000, des guerriers venus du Tabasco – de culture davantage mexicaine que maya – s'installent pour un temps à Altar de Sacrificios, au nord du Guatemala, dans le Petén, au confluent des rivières navigables les plus importantes de la zone centrale du pays. Dans les Hautes Terres, certains sites sont abandonnés, sûrement en raison de leurs liens étroits avec la civilisation classique. D'autres, à l'instar de Zaculeu, la capitale des Mayas Mam, continuent d'être habités. Par ailleurs, au sud du pays, dans l'Altiplano, les peuples Cakchiquel-Quiché subsistent autour de cités telles qu'Utatlán et Iximché, loin de connaître le rayonnement de celles de la période classique. Ce sont ces peuples auxquels se heurtent les Espagnols à leur arrivée.

La période coloniale et moderne (1524 à nos jours). Après la Conquista, les fuyards trouvent refuge dans la partie centrale de la zone maya. Progressivement, la population indigène du Yucatán et des Hautes Terres se concentre en villages d'évangélisation et devient victime de terribles épidémies : près de 90 % des habitants y auraient succombé au cours du XVIe siècle, causant le dépeuplement total de la côte pacifique. À l'image de l'Esperanza, une nouvelle culture voit le jour, constituée d'éléments indigènes et espagnols mêlés et modifiés. C'est celle qui existe aujourd'hui encore dans les villages des montagnes les plus difficiles d'accès du Guatemala et du Chiapas, au Mexique. Par ailleurs, l'accroissement démographique qui a débuté à la fin du XVIIIe siècle a permis à la population indigène de rattraper – voire de dépasser – les densités préhispaniques. Aujourd'hui, l'accélération des activités économiques modifie de plus en plus la culture traditionnelle héritée de la période coloniale.

La culture maya

Plutôt que des évènements historiques, il est plus aisé de caractériser les Mayas par leurs traits culturels. En voici une présentation non exhaustive :

Organisation du pouvoir. Les Mayas vivaient dans une monarchie absolue : chaque cité était dirigée par un Halach Uinik – « homme véritable » – qui concentrait tous les pouvoirs et les transmettait à son fils. Les Batabo'ob – « Batab » au singulier – eux, gouvernaient des petites villes et répondaient à des devoirs sociaux, religieux et militaires. Enfin, chaque localité avait son chef militaire, appelé Nacom. Cet ensemble constituait la noblesse, tandis que le clergé était dominé par les prêtres, les Ah Kin, dont la charge était héréditaire. Soumis à des règles de vie très strictes, ils devaient notamment s'adonner à des mortifications régulières, afin d’offrir leur sang aux dieux. Vient ensuite le peuple, essentiellement composé d’agriculteurs. La femme s’occupait du foyer – au travers de tâches telles que la cuisine, le tissage et le jardinage – alors que l’homme cultivait la terre.

Religion. Élément essentiel de la culture maya, elle repose sur une séparation de l’univers en trois niveaux : le monde souterrain, la terre et le ciel. Chacun d'entre eux est subdivisé en plusieurs royaumes, sur lesquels règnent différents dieux. Leur « hiérarchie » va de Ah Puch, le dieu de la mort au neuvième sous-sol, à Itzamná le dieu du ciel, fils du créateur Hunab Ku, au treizième étage. Les plus importants semblent avoir été le dieu du soleil, Kinich Ahau, celui du vent et de l'eau, Kukulkán, ou encore celui des plantes sauvages et des animaux, Yum Kaax. Dans la conception maya, la Terre est un entre-deux fragile, créée généreusement par les dieux pour que les hommes aient un territoire. En retour, ces derniers devaient manifester la plus grande gratitude, notamment par des dons de sang et de cœur : il fallait multiplier les offrandes, d'où le recours fréquent aux sacrifices humains, auxquels la religion maya est souvent réduite.

Écriture. L’écriture maya est la plus élaborée de l'Amérique ancienne. Riche d'idéogrammes et de phonogrammes, elle constituait le seul mode d’expression écrite sur le continent à avoir aboli toute représentation graphique d’un objet : elle le remplaçait par des éléments abstraits combinés pour former des mots.

Vêtements. Les hommes revêtaient un simple cache-sexe, une bande de coton autour de la taille et maintenue à l’entrejambe, qui tenait deux pans décorés – souvent de broderies et de plumes. Une tenue qui apparaît dès le Préclassique et perdure jusqu’au XVIe siècle. Les femmes, elles, portaient de grandes tuniques décorées, assez proches de celles portées aujourd’hui encore dans le Yucatán. Les Mayas se chaussaient de xanabs, des sandales prolongées par une talonnière décorée jusqu'à la cheville, que l’on retrouve aux pieds des autochtones du Guatemala actuel. Enfin, la civilisation accordait une importance particulière aux coiffures, moyen de reconnaissance sociale. Elles étaient composées des ornements les plus variés – bijoux, plumes et tissus brodés – reposant sur des structures en bois.

Sciences. Puisque c’est dans le ciel que les Mayas voyaient leurs dieux les plus puissants, ils ont cherché à observer les cieux. Cette fascination – se traduisant par un relevé méticuleux des heures de lever et de coucher du soleil – aura permis de calculer les cycles solaire et lunaire, et de prévoir les éclipses. En mathématique, ils avaient un système à vingt unités – de 0 à 19 – et des symboles de calcul logiques : le zéro était représenté par une coquille, le point valait un, et le tiret valait cinq. Ainsi, 11 s’écrivait avec deux tirets surmontés d’un point. Au-delà de 20, la position des signes de haut en bas indiquait le nombre de multiples de 20 à considérer.

Arts. La sculpture était utilisée pour décorer les constructions. La pierre était taillée, polie à l’aide d’abrasifs – souvent un mélange d’eau et de poussière de jade – puis peinte en rouge sombre – à base d’oxyde de fer. Omniprésent dans les cités découvertes, il s'agit de l’art maya le plus connu. La peinture était également utilisée pour les monuments, dans une large palette de tons liés au rang et au sexe des personnages représentés. Autre art maya réputé : la céramique. Datant d'au moins 2 500 ans avant notre ère, elle s’est progressivement raffinée, dans la technique comme dans les couleurs utilisées, pour atteindre son apogée pendant la période classique. On trouve alors les motifs les plus variés, d’inspiration naturaliste, géométrique ou mythologique.

Les Mayas aujourd'hui

Sur les 14,9 millions d'habitants que compte le Guatemala, près de la moitié – 6,2 millions, soit 41,66 % – appartiennent aux 22 peuples mayas. Même si la Constitution Politique de la République reconnaît l'existence des populations autochtones et malgré les accords internationaux ratifiés par le pays sur leurs droits, la fracture sociale, économique et politique perdure – une situation bien pire chez les femmes. En matière de santé, comme d'éducation, d'emploi et de revenus, les Mayas restent en marge de la société, victimes de fortes inégalités et d'exclusion sociale.

Cette dernière est notamment entretenue par les médias nationaux, qui privilégient l'espagnol comme langue officielle, alors que les médias en langues indigènes occupent une couverture locale limitée. Autre illustration du manque de représentation : le pourcentage de députés – et autres fonctions publiques de ce niveau – indigènes, atteignant péniblement les 15 % (Selon les travaux publiés en 2023 de l'ONG Grupo Internacional de Trabajo sobre Asuntos Indígenas - IWGIA). Par ailleurs, l'inégalité ethnique profonde qui prévaut dans le pays a été mise en exergue par les conséquences de la pandémie de Covid-19 survenue au début de notre décennie. La vulnérabilité des autochtones face à la crise a largement été aggravée par leur pauvreté, puisqu'elle touche 75 % d'entre eux, contre 36 % des autres habitants. Le fossé est le même lorsque l'on s'appuie sur l'indice de pauvreté multidimensionnelle : les taux d'incidence sont respectivement de 80 % et 50,1 %.

L'héritage maya faisant partie intégrante de la culture guatémaltèque, le contraste entre l'intérêt qu'il suscite et la situation des autochtones est saisissant. Car, chaque année, ce sont des centaines de milliers de touristes que les Mayas attirent, tant par leur histoire, leurs traditions, leurs fêtes, leur artisanat, que par leurs sites, comme Tikal. L'engouement est tel qu'il n'est pas rare de voir des circuits touristiques spécialement conçus autour de leurs secrets et leurs mystères. Alors, si le chemin vers l'égalité semble long, nous avons, nous aussi, voyageurs, une petite part à jouer. Cela passe par privilégier des magasins, établissements et agences d'excursions qui travaillent directement avec les communautés locales ou qui ont une vocation sociale – en soutenant des projets d'éducation, par exemple.