Découvrez Ibiza : Les enjeux actuels

Ce n'est qu'au début des années 1980 que le territoire des Baléares accède au statut d'autonomie, statut lui permettant de légiférer dans la majorité des secteurs clés de son économie et de prendre des décisions importantes au niveau social sans attendre Madrid. Après une dizaine d'années de gouvernance de droite, la communauté entame un mouvement d'alternance politique mandat après mandat, ponctué d'un certain nombre de scandales de corruption et d'interrogations identitaires, le tout sur fond de crise économique mondiale. Profondément rurale, vivant essentiellement de l'agriculture, la société ibicenca a, dès les années 1960, été forcée de se réinventer pour demeurer compétitive sur le marché, bouleversant les modes de vie traditionnels pour se tourner vers le tourisme. Le tourisme est en effet devenu un élément central dans une île fonctionnant à plein cinq mois sur douze, tant d'un point de vue économique qu'écologique.
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Corruption politique et débats linguistiques

Premier président du gouvernement autonome des Baléares depuis l'accession territoire îlien à l'autonomie en 1983, Gabriel Cañellas Fons (droite) est contraint en 1995, après maintes réélections à ce poste, de démissionner. Il est en effet impliqué dans une vaste affaire de corruption dans laquelle une bonne partie de la classe politique est mouillée. S'ensuit une alternance politique entre le socialisme de Francesc Antich i Oliver et le Parti Populaire, jusqu'à ce qu'un nouveau scandale de corruption éclate en 2010 (Palma Arena), où cette fois-ci des dirigeants de gauche sont impliqués. Le président socialiste doit alors se séparer d'une partie de son soutien, mais ce ne sera pas suffisant pour asseoir sa position et c'est la droite qui l'emporte l'année suivante, année au cours de laquelle le gendre du roi d'Espagne Iñaki Urdangarin se trouvera compromis dans une affaire de détournement de fonds publics, l'affaire Babel, dérivée de celle de Palma Arena.

Au cours des années qui suivirent la crise systémique mondiale de 2008, les ravages économiques n'épargnèrent pas l'Espagne, et les Baléares encore moins. L’emploi dans l'archipel étant très saisonnier, en hiver, la situation se dégrade, Ibiza se distinguant par un rythme de travail calqué sur l’arrivée des touristes. A ce problème économique s'ajoute celui de la réforme du système éducatif : le gouvernement de José Ramón Bauzá décide de remplacer l'usage du catalan dans les écoles des Baléares par l'anglais, créant un profond malaise social sur l'île. La réforme est finalement annulée à l'automne 2014 et la ministre de l'Education Juana Maria Camps est démise de ses fonctions. De nombreuses manifestations s'ensuivent en faveur de la démission de Bauzá. Depuis, la politique linguistique occupe une place prépondérante dans les débats politiques. En 2016, le gouvernement de Francina Armengol avait fait du catalan une condition obligatoire pour accéder à un poste de fonctionnaire régional. En 2018, un décret a même été mis en place faisant du catalan un prérequis pour travailler dans les hôpitaux publics des Baléares. Une mesure qui a provoqué l'indignation des services de santé et le départ de certains médecins étrangers, alors même que le système de santé actuel souffre d'un sous-effectif.

Une agriculture qui se cherche

Ibiza et les Baléares, avant la phase d’ouverture de 1963 décidée par le général Franco, avaient une économie typiquement méditerranéenne, tirant leur richesse, toute relative, du travail de la terre. Le sol fertile et le climat très doux en font, jusqu'à aujourd'hui, un territoire producteur de fruits et de vin : amande, caroube et citron sont toujours cultivés. L’olivier, qui a pendant de nombreux siècles fait la richesse de l’île continue d'être cultivé à Ibiza, avec pas moins de neuf producteurs officiels. Mais avec le temps, l’agriculture intensive a entraîné de profondes modifications du paysage : le couvert végétal et les forêts primitives de l'île reculent. On assiste toutefois depuis quelques années à un nouvel élan agricole sur Ibiza, à l'initiative de néo-paysans fervents défenseurs du km0 et sachant tirer profit des terres fertiles de l'île.

La pêche continue d’occuper également quelques familles à Ibiza, où l’on est pêcheur de père en fils. Les flottilles de petits bateaux qui faisaient le charme de nombreux ports de l'île ont toutefois été remplacées par des chalutiers, productivité oblige. Même si elles sont l'objet d'un regain d'intérêt depuis quelques années, les salines quant à elles, qui constituaient naguère l'une des principales activités d'Ibiza, ont tendance à disparaître. Le tourisme est en effet devenu la principale ressource économique de l'île.

Un tourisme à maîtriser

Avec l’ouverture du pays vers l’extérieur, au début des années 1960, l’agriculture a ainsi perdu son statut de leader de l’économie insulaire. La faute en revient au tourisme. Cela concerne essentiellement les visiteurs étrangers, mais aussi les Espagnols continentaux. Dans les années 1960, le pays était bon marché, comme aiment à le rappeler les fidèles d'Ibiza. Question prix, tout a changé aujourd’hui. Mais chaque année, des millions d’amoureux continuent de filer sur les traces des hippies, dans les boîtes de nuit ou encore sur les bords de mer dorés de la belle île blanche.

Malgré une mauvaise période en 2009 due à la baisse de la livre par rapport à l'euro (entraînant une baisse de 1 million de visiteurs en seulement un an), Ibiza (et les Baléares en général) s'est vite redressée, profitant des événements du « Printemps arabe », qui ont permis de capter de nouveaux visiteurs. Au cours des années suivantes, le tourisme n'a fait qu'augmenter jusqu'à atteindre un nombre record en 2016 : 7,1 millions de visiteurs pour la seule Ibiza ! Soit une augmentation de 14,6 % par rapport à l’année précédente. Avec la taxe touristique entrée en vigueur au début de l'été 2016, le gouvernement des Baléares est d'ailleurs parvenu à récupérer 40 millions d'euros en un an, budget réinvesti dans la protection du patrimoine et de la nature de l'archipel. Mais l’économie d'Ibiza et des Baléares est devenue dépendante de ce flot de touristes. Si le tourisme représente à lui seul près de 35 % du PIB de l’archipel, il atteint pas loin de 90 % du PIB en ce qui concerne Ibiza ! En 2018, l'île a accueilli un peu plus de 4 millions de visiteurs, nettement moins que deux ans plus tôt, pour baisser encore l'année suivante. Puis 2020 et la pandémie mondiale sont arrivés, mettant presque à l'arrêt la filière touristique...

Les conditions de vie n'y étant toutefois pas désagréables et les mesures de contrôle d'entrée sur le territoire étant plutôt souples, l'île s'est convertie en terre d’accueil des télétravailleurs en 2020-2021. Egalement, les nombreux étrangers qui possèdent une résidence secondaire sur l'île ont décidé de s'installer à Ibiza de manière permanente. Si les chiffres du tourisme 2021 n'étaient pas encore disponibles au moment de la publication de ce guide, il semblerait que l'été 2021 – malgré les lieux de fête fermés – ait profité au secteur de l'hôtellerie-restauration de l'île. Les témoignages recueillis lors de notre enquête laissent en effet suggérer que la saison 2021 fut bien meilleure que 2019... Avant même la pandémie !
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