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Premiers échos

Narcís Puget i Viñas (1874-1960) s’impose comme le premier peintre d’Ibiza à avoir suscité un intérêt au-delà de l’archipel. Il multiplie les paysages de l’île, traités dans un style impressionniste. Les thèmes chers au costumbrismo, à savoir ceux qui reflètent les us et coutumes, dominent sa longue carrière. 130 de ses créations ont rejoint en 2007 la collection du fabuleux Museu Puget, à Dalt Vila.

Son contemporain Laureano Barrau compte parmi les premiers artistes qui ont élu domicile à Ibiza. Le peintre né à Barcelone en 1863 étudie Madrid avant de poursuivre sa formation à Paris. Il s’installe à Ibiza à l’âge de 47 ans, plus précisément à Santa Eulària des Riu, où il continue de produire jusqu’à l’âge de 98 ans. A sa mort en 1957, sa femme ouvre un musée dans le village pour abriter ses œuvres. Le musée a fermé et, en attendant de le réinstaller dans la salle paroissiale, ses œuvres sont visibles au Musée ethnographique du Puig de Missa. Barrau assiste à la première vague d’exils de 1930. Des têtes pensantes, des peintres et des architectes de toute l’Europe fuyant le fascisme trouvent alors refuge dans les îles. La vie culturelle s’en trouve grandement dynamisée. Raoul Haussman, cofondateur du mouvement dadaïste, s’installe à Ibiza à cette époque.

Loin de l’agitation de la Seconde Guerre mondiale, l’île offre un cadre préservé aux artistes. Ajoutons à cela un environnement et un climat pour le moins propices et l’on comprend son succès. A la fin des années 1950, on peut même parler d’engouement. Les beatniks, bientôt suivis par des voyageurs, marginaux et réfugiés de tous horizons s’établissent ici pour peindre, sculpter ou écrire.

Grupo 59 et Grupo Puget

L’Allemand Erwin Bechtold s’établit à Ibiza en 1954, en préservant des ponts artistiques avec les capitales européennes. En 1959, il fonde avec Erwin Broner le Grupo Ibiza 59 qui réunit l’avant-garde occidentale : les Allemands Hans Laabs, Egon Neubauer et Katja Meirowsky ; les Américains Robert W. Munford et Erwin Broner, le Suédois Bertil Sjoeberg et les Espagnols Antonio Ruiz et Carlos Sansegundo. Il s’agit davantage d’une alliance que d’une école, chacun développant son propre style. La première galerie d’Ibiza, El Corsario, ouvre ses portes la même année. Les musées, salles d’expositions et galeries se développent rapidement dans l’archipel. Les galeries Ivan Spence ou Carl Van Der Voort ouvrent la scène d’Ibiza à l’international.

De leur côté, les locaux Marí Ribas, Vicent Calbet, Ferrer Guasch et Antonio Pomar constituent le premier collectif d’artistes d’Ibiza, le Grupo Puget, en 1962. Ils nomment leur association en hommage au précurseur Narcís Puget i Viñas. Marí Ribas, dit Portmany (1906-1974), produit plusieurs milliers de dessins qui font état de la vie populaire d’Ibiza. Antoni Pomar (1927-2017) se forme à Ibiza puis à Valence, avant de devenir enseignant à l'École des Arts et Métiers d'Ibiza. Attaché à la technique, il peint des scènes de la vie locale empreintes de nostalgie.

La première biennale des Baléares a lieu en 1964, peu avant la création du premier musée d’art contemporain espagnol.

Havre de culture

L’inauguration du Museu d’art contemporani d’Eivissa (MACE) en 1970 change la donne. Implanté dans le quartier historique de la ville, il est le premier musée d’art contemporain ouvert en Espagne. Il affirme d’emblée son ambition de transmettre l’héritage culturel de l’île. Par la suite, afin de mettre l’accent sur la création contemporaine, le musée enrichit sa collection d’œuvres du Majorquain Miquel Barcelò, célèbre pour ses fresques monumentales, et du sculpteur Barry Flanagan, qui passa une grande partie de sa vie à Ibiza. Ces dernières années, l’institution s’associe à des galeries locales pour promouvoir des artistes renommés. En collaboration avec la galerie Parra & Romero, orientée art minimaliste et conceptuel, l’institution a soutenu le projet de l’Uruguayen Luis Camnitzer. L’art d’Ibiza se déjoue des limites. Bars, restaurants et hôtels se prennent même au jeu en recevant des expositions.

Officiellement Street art

L’art urbain se veut également accessible à tous. Deux galeries relaient la tendance : l’Adda Gallery et Art Projects Ibiza contribuent à intégrer cette forme d’expression à l’agenda culturel.

Du côté des artistes, deux graffeurs majeurs sont originaires d’Ibiza. Hosh pratique le graffiti depuis 1991. Il se laisse porter par son inspiration mêlée de pop art et de l’univers du cartoon pour embellir l’île. Jerom se reconnaît quant à lui à ses figures hyperréalistes et ses sujets sociaux.

Fondé en 2011, le Festival Ibiza BLOOP pousse les street-artistes sur le devant de la scène. De ce fait, des entreprises sollicitent leurs talents. Des hôtels, notamment, font redécorer leur façade par des muralistes. Okudart et Felipe Pantone ont ainsi orné les murs de l’Ushuaïa (Playa d'en Bossa).

Rencontrer l’art

Les associations d’artistes multiplient les projets de proximité. La Ruta del Arte implique 80 artistes qui ouvrent la porte de leurs ateliers au public tous les ans au mois de juin. Infos sur le site de l’association d’artistes Art Club Ibiza. La galerie Ibiza Best Photo et Art découle d’un groupe Facebook créé dans l’idée de partager des photographies de l’île. Amateurs et professionnels ont rencontré un tel succès qu’ils ont monté une galerie photo épatante.  

Parmi la multitude de lieux d’exposition, le plus original (et peut-être le plus beau) : le Far de Ses Coves Blanques à Sant Antoni. Une salle d’exposition dans un phare avec vue sur la baie. La plus pointue : la Galerie Can Daifa à Santa Eulalia associe créateurs locaux (Laura Bofill, Juan Alcalde) et grands maîtres (Picasso, Tàpies). Le plus grand centre culturel de l’île, le Palacio de Congresos de Ibiza, à Santa Eulària, abrite toutes sortes d'événements autour d’artistes locaux et internationaux. Le mécène et collectionneur Lío Malca défend l’art contemporain à bord d’un bateau : la Galerie d’art - La Nave Salinas, à Ses Salines, reste l’un des lieux les plus exaltants pour prendre le pouls de l’actualité artistique d’Ibiza.