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Entre lumière ténébriste et touches vibrantes

On est toujours très impressionné en découvrant les Grottes de la Préhistoire : on se demande comment ces premiers humains ont osé s’avancer si loin dans ces espaces souterrains obscurs, comment ils se sont éclairés pour se déplacer et réaliser leurs œuvres ? On se demande qui de ces Magdaléniens, hommes ou des femmes, ou peut-être les deux, est à l’origine des silhouettes peintes des bisons, chevaux ou bouquetins de Niaux, ou des gravures animalières du Mas d’Azil ? Qui a laissé les traces de mains positives ou négatives dans les Grottes de Gargas ou de Bédeilhac, et pourquoi ? On n’ose avancer le terme de spiritualité, si fermement affirmé dans les décors peints des nombreuses églises de la région.

Si les grottes attestent d’un patrimoine universel exceptionnel, il en est de même pour les édifices religieux du XIe au XVIIe siècles. Dans un but d’alphabétisation, les murs se sont couverts de fresques. Même si elles demeurent rares dans les édifices romans de la région, d’une façon traditionnelle, on représente l’Église sous forme de collège apostolique (à Saint-Lizier). Sur l’abside sont relatées des scènes de la vie du Christ, de son enfance (cathédrale de Saint-Lizier ou à Vals) à sa Passion (Montgauch). Ces ensembles sont très influencés par l’Espagne toute proche et l’activité du Maître de Pedret. En-dehors des zones pyrénéennes, des peintures romanes notables sont conservées à Saint-Sernin de Toulouse ou dans de petites églises telles que celles de Nogaro ou de Volpillon (Gers), ou encore dans l’ancien logis abbatial de Moissac où la voûte date de la fin du XIIe siècle.

Les portails et les chapiteaux des cloîtres, quant à eux, se couvrent de sculptures bibliques. Moissac, St-Sernin de Toulouse, Valcabrère ou St-Bertrand-de-Comminges pour parmi les plus connus. Les ateliers dits « de la Daurade » ont œuvré au cours des XIe et XIIème siècles à Toulouse, Moissac ou St-Lizier, en suivant les chemins de Compostelle.

Plus tard, le XVIe siècle va voir une explosion créative dans les Pyrénées centrales, liée à une période de prospérité, de reconstruction et de réfection des nombreux édifices ruinés pendant la guerre de Cent Ans. Dans les vallées de Luchon (Haute-Garonne) et de la Barousse (Hautes-Pyrénées), un même atelier travaille dans les églises d’Ourde, Génos et Saint-Pé d’Ardet. Melchior Rodigis, venant de Saint-Bertrand-de-Comminges. Il réalise le décor de l’église de Mont (Hautes-Pyrénées), identifiable aux bordures faites de nombreuses bandes ornées chacune d’un motif différent, sa signature. Dans le Quercy, le « style français » se retrouve dans la petite église de Saux, à Montpezat-de-Quercy ou dans le chapelle castrale de Bioule (Tarn-et-Garonne). D’élégantes figures, aux lignes sinueuses et aux drapés retombant souplement sur les pieds, rappellent les sculptures du maître de Rieux (Musée des Augustins – Toulouse).

A la fin du XVe siècle, les thèmes iconographiques récurrents sont ceux du Jugement dernier - le plus célèbre est celui de la cathédrale d’Albi (Tarn) qui servit de modèle à Lézat-sur-Lèze (Ariège) - et le défilé des Péchés capitaux, visible à Montbrun-Bocage et St-Aventin (Haute-Garonne), Ourde et Ilhan (Hautes-Pyrénées) ou à Puycelci, dans l’église Saint-Julien-le-Vieux (Tarn). Églises et chapelles s’ornent de Mises au tombeau, un ensemble de sculptures grandeur nature qui reconstitue l’inhumation ou la descente de croix de Jésus (Monestiés -Tarn ou cathédrale d’Auch-Gers). Le XVIe siècle affiche son goût italianisant (Ste-Cécile-Albi) ou baroque (Chapelle des Carmélites-Toulouse). L’atelier de Nicolas Bachelier répond aux commandes de portails, façades, retables dans le style de la Renaissance quand à son tour, aux XVIIe et XVIIIe siècles, la dynastie des Ferrère habille les églises de la Bigorre de somptueux retables (Beaudéan, Campan, Pouzac, Antist, Orignac…). A découvrir également à la Maison des Ferrère et du Baroque pyrénéen à Asté (Hautes-Pyrénées).

Des stars de l’art

Que ce soit le néo-classique Ingres (musée Montauban), le trublion des cabarets parisiens Toulouse-Lautrec (Musée Albi), les paysagistes Henri Martin (Capitole de Toulouse) et Marcel Lenoir (musée Montricoux), le sculpteur Antoine Bourdelle ou plus contemporains, Monique Frydman et Jean-Paul Chambas… nombreux sont les artistes originaires de la région qui ont laissé leur nom dans l’histoire de l’art. D’autres s’y sont installés pour répondre à des commandes comme le franc-comtois Nicolas Tournier - artiste caravagesque de premier plan, du XVIIe siècle (musée des Augustins – Toulouse), ou le niçois Raymond Moretti (arcades du Capitole et croix du Languedoc-Toulouse - 1997) ; certains pour fuir la guerre, à l’exemple du parisien Yves Brayer à Cordes-sur-ciel (Tarn) - un des maîtres de l’École de Paris : terme qui désigne des artistes souvent d’origine étrangère rassemblés dans la capitale entre 1900 et 1960 -, ou de Nicolaï Greschny, né en Estonie, fresquiste et peintre d’icônes fuyant le nazisme et installé jusqu’à sa mort près d’Albi ; d’autres encore pour s’inspirer de la beauté des paysages comme l’aquarelliste Blanche Odin à Bagnères-de-Bigorre.

Si la peinture espagnole est admirablement représentée au musée Goya de Castres (Tarn) - environ 170 peintures du XIV au XXe siècles avec des toiles de Murillo, Ribera, Zurbaran… et trois œuvres de Goya en plus des gravures de ce dernier (séries des Caprices, La Tauromaquia, Les Désastres de la guerre, Disparates) - l’art moderne n’est pas en reste. Il est largement mis en avant à l’abbaye de Beaulieu (Tarn-et-Garonne) avec sa collection d’art abstrait, commencée dans les années 1940 par le couple Bonnefoi-Brache, et les œuvres d’artistes de la « Nouvelle École de Paris » (Hans Hartung, Jean Dubuffet, Simon Hantaï, Jean Fautrier, Henri Michaux…) ; ou dans la collection de Michael Simonov, un britannique tombé amoureux de l’abbaye de Flaran (Gers) qui a réuni en ce lieu 200 œuvres de l’art européen, du XVe au XXe siècles, dont de nombreuses toiles impressionnistes et fauves.

Que dire de l’art contemporain. Qu’il se démarque par son originalité. Pour exemple, les lignes de métro et de tramway de la ville de Toulouse ornées d’œuvres contemporaines d’artistes à la renommée internationale (une quarantaine, soit une dans chaque station) ; ou le château de Terraube et l’univers du feu de Jean-Paul Marcheschi. Mais également par sa spécificité : en effet, Toulouse est une ville pionnière du Street-art en France, dès les années 80. Son histoire démarre avec la Truskool et une génération d’artistes (Tilt, CeeT, Der, Miss Van, Miss Kat ou encore Fafie) qui aime investir l’espace urbain et ses murs. Aujourd’hui, la rue Gramat sert toujours de mur d’expression. Chaque année, des manifestations s'accordent avec les bombes aérosols des graffeurs : à Toulouse, le festival Rose béton transforme la ville en galerie à ciel ouvert tout comme Street’Art’Maganc à Éauze (Gers) et son édition du Mur Éphémère », ou Mister Freeze (Toulouse) qui investit des bâtiments industriels de fresques démesurées ! Autre lieu : Le 50cinq avec ateliers d’artistes et expositions de la culture urbaine.

Enfin, même si cette région n’a pas d’ateliers aussi renommés que ceux d’Aubusson, la tapisserie a connu son heure de gloire grâce au travail de Dom Robert (Abbaye de Sorrèze – Haute-Garonne), un moine bénédictin peintre-cartonnier à l’univers rempli de poésie florale.

Les arts de la pellicule

Le cinéma est à l’honneur en Midi-toulousain. La raison : la modernité d’une époque qui s’intéressait aux nouvelles technologies de capture d’images et à l’expérimentation artistique. Ce sont les Surréalistes qui vont s’approprier ce médium. A Toulouse, le groupe se fait appeler le Trapèze volant (ou Mouvement KO). Parmi eux, le poète Gaston Massat (1909-1966), le photographe Jacques Matarasso (1916-2015), la future résistante Élise Lazes (1908-1989), le poète et militant communiste Jean Marcenac (1913-1984), ainsi que le futur psychiatre Lucien Bonnafé (1912-2003) - qui fonde en 1933 le premier ciné-club de France. Par la suite, ce club a donné naissance à la Cinémathèque de Toulouse, fondée en 1964 par Raymond Borde, un critique de cinéma et essayiste (la deuxième en France après celle de Paris). Située dans l’enceinte de l’ancien Collège catholique de l'Esquile, un magnifique bâtiment datant du XVIe siècle, elle conserve entre ses murs environ 50 000 bobines de tous genres, nationalités ou époques, près de 90 000 documents datés de 1908 à aujourd’hui (affiches, photos, documents publicitaires, fonds d’archives, etc.) et quelques 550 000 clichés de tournage, de plateau, de promotion ou de stars de cinéma ! L’été, c’est sur grand écran en plein-air que s’y vit le cinéma !

Sortez les tapis rouges ! De nombreux festivals honorent le 7ème Art. A Toulouse :  Cinespaña, festival du cinéma espagnol depuis 25 ans ; Cinélatino, le Festival du cinéma d'Amérique latine ; ou plus déjanté FIFIGROT, le Festival International du Film Grolandais – avec sa sélection de films (documentaires et fictions, longs et courts métrages) accompagnée de musique et de défilés. A Luchon (Haute-Garonne), courant mars, les créations télévisuelles sont à l’honneur : fictions, documentaires et webséries reçoivent leur trophée, le Pyrénées d’or ! A Foix (Ariège), en juillet, c’est le Festival International « Résistances » qui assure la promotion d’un cinéma plus rarement diffusé sur les écrans. A Auch (Gers), Festival de cinéma Indépendance(s) et Création d'Auch ont vu le jour grâce à Ciné 32. S’y rassemblent professionnels du métier, cinéphiles, curieux et lycéens autour d’une cinquantaine de films d’Art et Essai. Et ça marche plutôt bien depuis plus de vingt ans ! Car le Bonheur est dans le pré, n’est-ce pas ?

Clic-clac ! C’est dans la boîte !

Si Daguerre est à l’origine du concept, de nombreux autres photographes ont fait entrer les pellicules dans le grand art de l’image. La région du Midi-Toulousain a ses maîtres : les frères Eyssalet (une saga familiale qui remonte à 1860) ont sillonné les routes, sommets et lacs pyrénéens, réalisant quantités de clichés sur la vie traditionnelle locale, développés au studio Alix - un studio créé par leur mère en 1907 et actif jusqu’en 1961. Un fonds de 50 000 pièces a été légué à la ville de Bagnères-de-Bigorre (il servait jadis à la production de cartes postales) ; ou encore Germaine Chaumel (1895-1982), dont l’oncle Antoine Provost a immortalisé les terribles crues de 1875. A la fois dessinatrice, musicienne, chanteuse d’opéra, son destin l'a conduite sur les chemins de la photographie (gravitant dans un univers masculin en photographiant les rencontres de rugby) puis vers ceux de la Liberté puisqu’elle va couvrir l’exode massif de la Retirada, l’Occupation puis la Libération de Toulouse, toujours là où il fallait avec un cadrage pudique, armée de son Rolleiflex, travaillant à plein temps pour Paris soir ou en tant que correspondante pour divers journaux dont le New York Times. Fondatrice avec onze de ses camarades du Club des Douze, elle y remarque le Jeune Dieuzaide, un photographe dont la renommée internationale rayonne aujourd’hui encore. Au moment de la Libération de Toulouse, ce dernier immortalise le général de Gaulle au balcon du Capitole, son premier portrait officiel. Sous le pseudonyme de Yan, il poursuit sa carrière allant jusqu’à photographier des stars comme Picasso et Dali. Honoré de nombreux prix, membre fondateur des Rencontres internationales d’Arles, il fonde en 1974 à Toulouse la galerie du Château d’eau, premier lieu d’exposition en France dédié à la photographie sous toutes ses formes. Photo toujours à l’honneur grâce aux Festivals toulousains MAP et Manifesto.