Cathédrale d'Albi © Anibal Trejo - stock.adobe.com.jpg
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Un blanc manteau d’églises

Le souffle de la foi a couvert de pierre villages et bourgades. De petites églises préromanes et du Premier âge roman remplacent les anciens lieux de culte gallo-romains. La période de prospérité qu'entraîne l'an Mil avec les règnes des Capétiens voit éclore dans les vallées pyrénéennes une multitude d’édifices. Rien que sur le département des Hautes-Pyrénées, on en compte une vingtaine dont celles d'Aragnouet ou de Jézeau. Sinon, Montbrun-Bocage ou Valcabrère (Haute-Garonne), Castillon-Couserans ou Mérens-les-Vals (Ariège) illustrent magnifiquement cette période. De plan rectangulaire, comprenant une ou trois nefs, une abside semi-circulaire voûtée en cul-de-four, elles sont couvertes d’une charpente en bois et accessibles par l'arc du porche à deux voussures au-dessus du linteau. Dominées par un clocher-tour percé de baies géminées ou carrées, parfois d'un clocher-mur à arcades, leur décor de lésènes (ou bandes lombardes) en partie supérieure des murs extérieurs permet de les dater aisément. 

Un vent de renouveau lié à l’organisation des routes de pèlerinage se déploie au cours des XIe et XIIe siècles, porté par l’ordre bénédictin clunisien. C’est le Second âge roman. De grandes abbayes accueillent reliques et pèlerins. Leurs églises sont vastes (de 3 à 5 nefs), hautes avec leur voûte maçonnée en berceau contrebutée par des tribunes (de 18 à 22 mètres), adaptées à la circulation vers les Corps Saints. Les chevets comprennent abside et chapelles rayonnantes, déambulatoire et transept donnant à l’édifice une forme de croix latine. De grands cloîtres réservés aux moines encadrent des jardins spirituels. L’abbaye de Moissac (Tarn-et-Garonne), St-Sernin de Toulouse (Haute-Garonne) en sont les plus beaux exemples. L’abbaye de Combelongue en Ariège est influencée par le style mudéjar espagnol, ce qui la rend unique dans la région. Peintures et sculptures délivrent leur message biblique. La voie est ouverte aux grands portails historiés. Les fresques recouvrent les murs, les chapiteaux et les tympans sont travaillés par des tailleurs de pierre dont les noms ont parfois dépassé les siècles comme Bernard Gilduin à Toulouse (Porte Miègeville et maître-autel).

La vision cistercienne remet de l’ordre dans l’Église romaine : finit le luxe abusif et les décors surchargés. Pureté et minimalisme sont désormais de rigueur. Si le plan des églises ne change guère, en revanche les chevets deviennent plats. Les décors sculptés se limitent aux chapiteaux des cloîtres, privilégiant les décors végétaux - feuilles d’eau (cistelles) - ou les corbeilles tressées. Point de vitraux ou de fresques historiés. De la lumière avant toute chose. Dans leur idéal, les Cisterciens introduisent des éléments du gothique dont les voûtes sur croisée d’ogives. Parmi les plus importantes : l’Abbaye de Flaran (Gers), l’abbaye de Belleperche ou celles de Beaulieu en Rouergue (Tarn-et-Garonne) et de L’Escaladieu (Hautes-Pyrénées).

Gothique du Nord contre gothique du Sud !

Si les premiers voûtements sur croisée d’ogives font leur apparition au XIIe siècle à Moissac ou à Flaran, il faut attendre le XIIIe siècle pour voir le plein épanouissement du gothique. Des gothiques devrait-on dire ! Effectivement deux styles bien différents vont émerger dans le Midi, conséquence directe de la croisade contre les Cathares et de la mainmise de la monarchie française sur le Languedoc historique.

Les cathédrales de Mirepoix et d’Albi, l’église de Rabastens présentent une bonne synthèse des caractéristiques du gothique méridional dit aussi languedocien : architecture de brique, nef unique, chapelles ouvertes entre les contreforts, absence de transept, voûte sur croisée d’ogives quadripartite, fenêtres hautes étroites, chœur polygonal à 5 ou 7 pans, portail sans ornement. Moins hautes que les édifices du nord (28 m aux Jacobins de Toulouse, 30 m à Albi), elles ont en revanche un vaisseau très large (22 m à Mirepoix, 35 m à Albi) adapté à la prédication. Le clocher toulousain s’impose : une tour octogonale coiffée d’une terrasse ou d’une flèche. De leur côté, les ordres mendiants, dans un souci de pauvreté, privilégient des couvertures plus économiques : charpentes apparentes sur arcs diaphragmes.

Avec l’affirmation du pouvoir royal, à partir de 1271, le gothique septentrional, venu d’Île-de-France, se propage dans des chantiers menés par le maître d’œuvre Jean Deschamps, restés souvent inachevés par manque de moyens financiers (Toulouse, Carcassonne, Rodez…). La cathédrale d’Auch clôture en 1489 ces campagnes de transformation des principales cathédrales du pays toulousain. De style gothique flamboyant, elle annonce l'arrivée d'un nouveau style à la mode, celui de la Renaissance.

Pour autant, le gothique revient dans de nombreuses églises ruinées par les guerres de religion qui rebâtissent leurs voûtes à l’identique, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles (Saint-Jacques de Montauban, Saint-Michel de Gaillac). Très en vogue au XIXe siècle, l’esprit historiciste et régionaliste lance la vague de construction d’églises de style gothique méridional, aussi bien en ville qu’à la campagne d’ailleurs.

Maison des villes, maison des champs

Si au cours du Moyen Âge, les manières d’habiter sont assez semblables dans toutes les régions de France et en Europe, on ne peut confondre une maison de Foix avec celles de Lauzerte ou d’Auvillar. Les matériaux bien sûr les différencient mais également le style, l’organisation ou les décors intérieurs. De très nombreuses demeures médiévales sont conservées en Midi-Toulousain et constituent le patrimoine de villages d’exception.

La maison urbaine combine activité professionnelle et logement. En rez-de-chaussée : le couple grande arcade et porte traduit cette double fonction. Atelier et entresol donnent sur la rue tandis qu’un couloir dessert une courette et un escalier pour rejoindre à l’étage, la grande salle aula, éclairée de belles fenêtres géminées liées par des cordons (Cordes-sur-ciel ou Saint-Antonin-Noble-Val).

Les maisons à pans de bois sont les plus mal connues et les plus difficiles à dater car ce type de bâti dura plusieurs siècles (seule la dendrochronologie peut y aider). Les pans de bois (en écharpe, en croix de Saint-André…) structurent l’édifice, ensuite le remplissage se fait en divers matériaux. Les façades en aplomb au-dessus de la rue permettent de gagner de l’espace. On dit alors qu’elles sont en encorbellement (Cologne - Gers, Saint-Lizier – Ariège, Castres - Tarn, Aurignac - Haute-Garonne…).

Les demeures praticiennes, souvent appelées palais ou hôtel particulier, ne sont que rarement le siège du pouvoir. L’hôtel dispose ses différent bâtiments autour d’une cour, multiplie les pièces de vie et s’agrémente d’un jardin quand les palais s’imposent dans le paysage urbain en occupant tout un ilot, en ouvrant largement leur façade sur rue et en dominant par leur tour (Toulouse, Rieux-Volvestre) le reste du voisinage. Le goût des décors peints se répand largement au XIIIe siècle. Le motif le plus fréquent, que l’on retrouve par ailleurs dans les églises, est le faux appareil de pierre de taille, à traits rouges sur fond blanc ou jaune. De nombreuses trames à motifs géométriques sont aussi utilisées. Néanmoins, les décors historiés restent l’apanage des familles fortunées : chevaliers, écus, caparaçon, armoiries prédominent (Tour de Palmata à Gaillac, Cordes-sur-Ciel).

A la seconde moitié du XVe siècle, l’ampleur économique liée au commerce international du pastel, des épices, des draps… voit fleurir de somptueux hôtels et châteaux. Les marchands investissent dans des charges au Parlement, plus sûres et rentables, ou accèdent au pouvoir municipal, anoblis par leur charge de consuls tels les Capitouls de Toulouse. Le milieu humaniste influencé par l’Italie installe la Renaissance. Si l’hôtel sur rue dérive de la maison marchande, l’hôtel sur cour devient un palais entre cour et jardin (Hôtel d’Assézat, Boysson-Cheverry, Ulmo – Toulouse). Les châteaux se construisent sur de vastes propriétés agricoles : Laréole, Saint-Élix-le-Château, Pibrac (Haute-Garonne), Caumont (Gers).

Si mener la vie de château vous fait rêver, ils sont nombreux en Midi-Toulousain et pour beaucoup ouverts à la visite : 29 en Tarn-et-Garonne, 60 dans le Tarn, 69 en Haute-Garonne, 5 dans les Hautes-Pyrénées, 30 dans le Gers et 24 en Ariège. Vous voyagerez dans le temps par tous les styles et par toutes les époques !

Au XIXe siècle, le thermalisme allie cure et séjour d’agrément. A cette époque, la médecine étudie les propriétés de l’eau. On construit alors des thermes modernes : l’établissement réunit buvette, cabine de bain, galerie de repos dans une architecture monumentale baignée de néo-classicisme ! Les marbres des Pyrénées sont employés pour donner de l’allure à ces stations qui reçoivent du beau monde à la suite du couple impérial qui, en 1859, vient en cure à Luz-Saint-Sauveur. Hôtels de luxe et casinos (Luchon), parc paysager (Argelès-Gazost) avec kiosque, théâtres (Cauterets), chemins de fer… attirent une clientèle fortunée européenne. La physionomie des Pyrénées change avec ces villes de villégiature où l’architecture est éclectique, exotique, agrémentée de parcs à l’anglaise et de grandes promenades pour la cure d’air.

Hormis les bassins houillers de Carmaux et Decazeville, l’industrialisation régionale est relativement tardive. Elle se bâtit sur la force hydraulique, utile à divers domaines comme la laine, le cuir, le papier, la corne ou le fer (Bazacle à Toulouse, vermicellerie des Moulins albigeois, minoterie Brusson-jeune à Villemur-sur-Tarn, séchoir à peau Graulhet…). Par suite de la Première Guerre mondiale, de nombreuses industries sont délocalisées hors d’atteinte des bombardements, donnant naissance à des secteurs de pointe tels que l’aéronautique. Pour autant, des manufactures royales (Auterive, Montauban, Lectoure…) ou d’État (Poudrerie ou Manufacture de tabac de Toulouse, Arsenal de Tarbes…) ont laissé un patrimoine industriel intéressant où la brique foraine et la tuile canal dominent. Des décors moulés viennent parer les architectures fonctionnelles, en particulier ceux créés par la manufacture des frères Virebent à Toulouse. Des cités ouvrières et des cités-jardins se greffent aux lieux d’embauche : Fontgrande à St-benoît-de-Carmaux, Séméac dans les Hautes-Pyrénées.

L’eau comme énergie, c’est aussi produire de l’électricité pour l’éclairage grâce aux chutes d’eau d’anciens moulins. La montagne est exploitée pour ses ressources : la centrale d’Éget à Aragnouet, qui puise l’eau par captage souterrain, est un bel exemple de dérivation avec chute.