Guide du Béarn : Histoire

Les enfants du département

Henri IV. Le 13 décembre 1553, le petit Henri de Bourbon pousse son premier cri dans le château d'Henri d'Albret, son grand-père. Il passe ses nuits dans une carapace de tortue, berceau singulier qui laisse deviner un destin hors-normes ! Ce symbole de force et de longévité est toujours exposé au château palois et sachez que si la poule au pot est associé à celui qui deviendra roi de France, c'est d'abord une gousse d'ail qui frotta les lèvres du bambin et le Jurançon qui titilla ses narines selon la tradition. Il grandit dans une période marquée par la guerre de religion entre catholiques et protestants dont il devint chef en 1572 et Roi de Navarre sous le nom d'Henri III. En épousant Marguerite de Valois, soeur du roi Charles IX, il se convertit peu après mais change d'avis... aussi souvent que ses intérêts le nécessitent. Il devint roi en 1589 sous le nom d'Henri IV et est le premier de la branche des Bourbons. Guerre contre l'Espagne, Édit de Nantes, paix, prospérité économique, implantation française aux Amériques, annulation de son mariage et seconde noce avec Marie de Médicis : il meurt assassiné en 1610 par Ravaillac après un règne riche qui a marqué à jamais le pays et le Béarn.

Jean-Baptiste Bernadotte, une fabuleuse destinée. Des Palois les plus illustres, il est certainement celui qui a eu le destin le plus singulier ! Né le 26 janvier 1763, ce simple soldat a été le fondateur d'une dynastie qui règne encore aujourd'hui et rien ne laissait penser que ce petit roturier changerait de patronyme et de fonction en devenant maréchal de l'Empire, Charles XIV Jean, roi de Suède et... Charles III roi de Norvège. Cadet de Gascogne, surnommé le sergent " Belle-Jambe " il devint officier durant la révolution puis général de brigade en 1794. Sa carrière prend un nouvel élan lorsqu'il épouse Désirée Clary et devient le beau-frère de Joseph Bonaparte, futur empereur. Il participe aux campagnes napoléoniennes, après Austerlitz, la province allemande d'Ansbach lui est confiée avant qu'il ne soit honoré du titre de Prince de Ponte-Corvo. S'il se fait remarquer en 1806, c'est par sa bravoure à Lubeck où il défit les Prussiens mais aussi son égard envers les Suédois, notamment le comte Gustave Mörmer qu'il va jusqu'à héberger. Malgré la défaite de ces derniers, cette rencontre marque son humanité envers eux. Lorsque le roi Gustave IV est destitué suite à la perte de la Finlande, Bernadotte conclut une armistice avec les Suédois dont il loue les qualités. Entre promotions et disgrâces, ses relations avec Napoléon ne s'améliorent guère et lorsqu'il est élu prince héréditaire de Suède, il rejoint la coalition contre la France. Il se convertit, s'impose brillamment et... devient roi de l'union des royaumes de Suède et de Norvège en 1818, les faisant prospérer et régnant paisiblement pendant 26 ans !

Alexander Taylor, le précurseur du tourisme palois. On ne sait s'il aurait vendu de la glace à des inuits mais lorsqu'il s'agit de convaincre les Britanniques des vertus quasi-miraculeuse du climat palois, Alexander Taylor n'a pas filé à l'anglaise. Promoteur indirect de la transformation de la ville, c'est suite à son livre " De l'influence curative du climat de Pau et des eaux minérales des Pyrénées sur les maladies " que l'élégance s'invite et remplace les rues ternes en 1842. Apologie du climat, longévité exceptionnelle, guérison de diverses affections... Si les Britanniques étaient déjà friands de la ville, ils en deviennent fous et l'offre s'adapte avec emphase à la demande des touristes de plus en plus nombreux. Pour le médecin qui était venu soigner son typhus dans le Béarn, le doute n'a pas de place : statistiques à l'appui, il loue le micro-climat et préconise des travaux d'aménagement dans le secteur du Château, la place royale et initie la création du Boulevard des Pyrénées. Il décède en 1879, triplant le nombre de visiteurs anglais, anobli par la Reine Victoria et rue Serviez, un vitrail du Temple perpétue son souvenir.

Gaston Fébus. Actions militaires, politiques, châteaux, occitan et oeuvre littéraire : Gaston III de Foix Béarn est un personnage incontournable du département. Plus connu sous le nom de Gaston Febus, en hommage au dieu grec ou au soleil, nul ne l'a déterminé avec certitude, l'homme se singularise jusque dans l'orthographe multiple de ce nouveau patronyme. Né en 1331 au château de Moncade, à Orthez, l'enfant parle la langue d'Oc et prend la succession de son père à 12 ans pour régner sur le Béarn. L'indépendance sera au coeur de ses préoccupations et il construira de nombreuses places fortes pour la préserver. Il refuse de se positionner lors de la Guerre de Cent Ans mais en 1358 il participe avec bravoure à la répression de la jacquerie. Lorsque le Comte d'Armagnac souhaite annexer le Béarn, il entre dans une guerre qu'il remporte, s'enrichissant au passage et construisant de nouveaux édifices militaires. Le territoire connaît un bel essor et le château d'Orthez rayonne. Passionné de chasse, il écrit un manuel d'histoire naturelle, assassine son propre fils qui complotait contre lui, écrit de nombreux poèmes sur le pardon et meurt en 1391 lors d'une partie de chasse, marquant l'histoire pour toujours.

Francis Jammes, le poète. S'il est né en 1868 dans les Hautes-Pyrénées, ce poète et romancier grandit dans le Pays basque avant de faire ses études à Bordeaux. Il y écrit ses premiers textes, dont le manuscrit est visible à la bibliothèque municipale de Pau. Au décès de son père, il s'installe à Orthez avec sa mère et la plume prend de la force : Six sonnets, Vers, le Roman du lièvre, Pomme d'Anis... il est édité avec succès. De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir " est un de ses meilleurs recueils. Sa carrière toute en élégance et en sensualité prend un tournant avec sa conversion au catholicisme et sera marquée par la foi, la pratique religieuse, l'humilité mais aussi le Béarn où il puise son inspiration. Romancier, dramaturge, critique d'art et conteur, le poète séduit le gotha et son oeuvre traverse les frontières, jusqu'à sa mort en 1938 à Hasparren. " La prière " immortalisée par Georges Brassens en est un bel hommage.

Henri de Montpezat, une figure de l'Indochine. Il fut le seul fils d'Aristide de Montpezat, maire de Pau de 1875 à 1881, et est le grand-père d'Henri de Montpezat, prince consort du Danemark. Né à Pau en 1868, il fit ses études à Pau, au lycée Louis-Barthou. De Pau à l'Indochine, il n'y eut qu'un pas, ou presque. Henri de Montpezat fut un vrai colon, élu au Conseil supérieur des colonies de 1905 à 1929. Trappeur, planteur, pamphlétaire, il fit fortune et créa un périodique. Journaliste engagé, leader de l'opposition nationale, il mena un combat acharné, mais sa notoriété s'éteignit sur un drame personnel, puisqu'il devait assassiner le capitaine qui avait séduit sa seconde épouse.

Louis Barthou, l'homme aux 17 ministères. Il reste de l'homme qui fut 17 fois ministre, une rue à Pau et un lycée porte son nom. Après de solides études, le jeune Béarnais né en 1862 se révélera rapidement comme écrivain aux multiples casquettes, historien, critique littéraire, homme politique et bibliophile averti. En avance sur son temps, avec une passion pour la vie publique dès sa prime jeunesse, c'est par le journalisme qu'il entre en politique. Proche de Poincaré, il aura une carrière hors du commun, mais alors qu'il préparait un pacte franco-soviétique contre l'Allemagne, il sera assassiné en 1934 avec le roi Alexandre Ier de Yougoslavie qu'il recevait à Marseille.

Paul-Jean Toulet, poète des Contrerimes. A Pau, une stèle et une statue érigées à l'entrée de la roseraie du parc Beaumont, un collège et une rue témoignent de l'hommage de la cité au grand homme. Réputé pour être un dandy dilettante, noctambule et voyageur au long cours, le poète béarnais Paul-Jean Toulet, né en 1867, aura laissé divers écrits dont un recueil culte, Les Contrerimes, et des romans comme Mon ami Nane ou La Jeune Fille verte. De Billère où il vécut sa prime enfance à Guéthary où il termina sa vie, l'homme a beaucoup voyagé, posé ses bagages à l'île Maurice, en Afrique du Nord, plus longuement à Paris puis en Extrême-Orient. Dans la lignée de Verlaine, il inspire une forme de poésie qui légitime l'école fantaisiste, un mouvement de poètes se réclamant d'un style bien particulier. Une biographie de Daniel Aranjo , Paul-Jean Toulet, la vie, l'oeuvre, l'esthétique, se fait l'écho d'une vie riche.

Pierre Bourdieu. Lorsqu'on pense mécanismes de reproduction des hiérarchies sociales, on pense immédiatement à celui qui les a analysés toute sa vie, le sociologue Pierre Bourdieu. C'est pourtant un beau pied-de-nez au déterminisme que son goût pour l'ethnologie lui a fait faire, avant d'être l'érudit que l'on sait. C'est au village de Denguin qu'il a vu le jour en 1930. Fils de facteur de souche paysanne, son excellence lui fait obtenir une agrégation de philosophie, matière qu'il enseigne à la Faculté des Lettres d'Alger. En 1964, il fonde la revue Actes de la recherche en sciences sociales et il décrypte les facteurs culturels et symboliques dans les actes de la vie sociale. Humaniste engagé, il milite pour l'indépendance de l'Algérie, le mouvement social, le soutien aux sans-abris, contre le désengagement de l'État dans les années 70 et publie en 1993 La misère du monde, un traité coup-de-poing sur les populations les plus pauvres et reçoit la même année la médaille d'or du CNRS. Décédé en 2002, il reste un des intellectuels majeurs du pays.

Pierre Jéliote, le musicien. Chanteur lyrique exceptionnel, le Lasseubois Pierre Jéliote fut le favori de Louis XV et le chanteur le plus acclamé de son temps entre 1733 et 1755. Pierre de Grichon, qui devint Pierre Jéliote à 20 ans, est passé par l'église de Lasseube où il servait la messe et fut remarqué pour sa voix exceptionnelle, reconnue d'une parfaite maîtrise, à Bétharram puis à Toulouse, où il enchanta les mélomanes et notamment l'inspecteur général de l'Opéra de Paris, et enfin dans la capitale. Il côtoie alors Mozart, Rousseau, d'Alembert, pour arriver devant le trône du roi qui en fit son chanteur de prédilection, émerveillant son public en entonnant des chansons pyrénéennes extraites du répertoire de Cyprien Despourrins.

Tony Estanguet. Triple champion olympique de Canoë Monoplace slalom, à Sydney en 2000, à Athènes en 2004 et à Londres en 2012, Tony Estanguet est le seul athlète français à avoir gagné trois médailles d'or dans trois Jeux différents. Egalement triple champion du monde (2006, 2009, 2010), le natif de Pau a été le porte-drapeau de la délégation française aux Jeux olympiques de 2008 de Pékin. Désormais membre du comité international olympique, l'ancien sportif français était co-président du comité de candidature Paris 2024 puis a pris la présidence du comité d'organisation des JO de Paris 2024.

Vianney. A 27 ans, il s'impose comme une valeur sûre de la chanson française avec deux albums salués par la critique et le public : Idées blanches, disque de platine, et Vianney, triple disque de platine ! Vianney a notamment remporté le trophée d'artiste interprète de l'année aux Victoires de la musique 2016, un an après avoir été nommé dans les Révélations des Victoires de la Musique 2015. S'il a grandi à Paris, l'artiste est né à Pau et le Béarn est fier de ce représentant contemporain de talent.

Antiquité

Le nom Béarn vient de Vernani, désignant une tribu installée dans la moyenne vallée du gave de Pau au moment de la conquête romaine. C'est alors une petite entité territoriale, placée entre les Pyrénées et les Landes. Son terrain possède un relief contrasté entre les montagnes et les plaines du piémont. La douceur et l'humidité caractérisent le climat local.

On sait par les fouilles archéologiques que la région d'Arudy était active à l'époque préhistorique et faisait partie du peuplement basque. Par la suite, les Romains englobèrent les Vernani et les Iluronenses (Oloron) dans la cité des Tarbelles (Dax). L'influence romaine est surtout perceptible au nord de Lescar, où s'étendait dès l'Antiquité l'immense Beneharnum, dont le Béarn tire son nom. Les vestiges sont par ailleurs nombreux et les diverses fouilles archéologiques ont révélé des remparts gallos-romains datant du Ve siècle sur la butte, qui seront consolidés au Moyen Âge. C'est un mur de 2,40 mètres de large qui pourrait dater du Bas-Empire qui a initié ces recherches. Lescar n'est pas le seul témoignage, Salies-de-Béarn a mis en exergue des vestiges datant également de l'Antiquité, liés à sa source d'eau salée. Dans le Vic-Bilh, l'activité humaine se traduit par l'installation de villas et la diffusion de la culture de la vigne. La montagne est seulement traversée par la voie romaine. La toponymie basque laisse la place à la langue romane, dialecte gascon.

Moyen Âge

Haut Moyen Âge

Après la chute de l'Empire romain suit une période de chaos pendant laquelle les Basques reviennent en force. L'évangélisation de la région a lieu tardivement (entre le VIe et le VIIe siècle) autour de Iluron et Beneharnum. Les bastions chrétiens d'Aragon préservèrent le Béarn des musulmans, en revanche le pays a été détruit par les Normands (notamment autour de Lescar). C'est à cette époque que différents territoires se réunirent pour se renforcer et former le Béarn, organisé autour du diocèse de Beneharnum avec une capitale à Morlàas. Une bonne politique matrimoniale permit d'annexer la vicomté d'Oloron avec les vallées d'Aspe, Barétous et Ossau puis par un autre mariage le Montanérès. Enfin plusieurs guerres avec le vicomte de Dax permirent d'acquérir la région d'Orthez. Au début du XIIe siècle, le Béarn avait déjà ses frontières fixes et précises telles qu'elles existent encore aujourd'hui.

Du XIe au XIIIe siècle

Le Béarn a joué un rôle politique important dans l'Occident médiéval, notamment dans la reconquête de la péninsule Ibérique occupée par les musulmans. Gaston IV le Croisé (1090-1131), qui s'était déjà illustré pendant les croisades en 1099, a joué également un rôle majeur dans la Reconquista. Il détache le Béarn de la Gascogne et se place sous l'influence de l'Aragon, dont il a pris quelques fiefs. Cependant les relations vassaliques et militaires furent rompues au moment du règne du dernier Moncade, Gaston VII (1229-1290). Ce dernier a transféré la capitale du Béarn de Morlaàs à Orthez se tournant de nouveau vers la Gascogne, qui est anglaise depuis 1152. Et en 1240, il est obligé de rendre hommage à Henri III d'Angleterre. Avant de mourir, il lègue le Béarn à sa seconde fille mariée au vicomte de Foix créant ainsi un Etat Foix-Béarn, en conflit avec la maison d'Armagnac.

La guerre de Cent Ans en Béarn, les premières années :

Le territoire Foix-Béarn est sous influence directe des rois de France par l'intermédiaire du pays de Foix mais aussi vassal de l'Angleterre par le Béarn. Finalement l'hommage dû aux Anglais est refusé et les combats sont activement engagés contre les occupants de la Gascogne et les Armagnacs. Cependant le Béarn ne rend pas pour autant hommage à la couronne de France dont elle désapprouve la politique. Les seigneurs ont des terres sous influence anglaise, à laquelle ils sont plus favorables. A la mort du vicomte de Foix, sa veuve élimina sa bru (Jeanne d'Artois, étrangère et détestée en Béarn) et mena une politique d'équilibre entre la France et l'Angleterre. Après sa disparition, son petit-fils Gaston II mena une politique tournée vers la France en opposition avec la volonté des chevaliers béarnais qui quittent le Béarn pour rejoindre les rangs britanniques.

Gaston III Fébus :

La situation est explosive en 1343 quand Gaston III Fébus arrive au pouvoir. Il mena une nouvelle politique de neutralité et de souveraineté. Son objectif était de rendre le Béarn autonome. Il commence par déclarer le Béarn indépendant dans le conflit franco-anglais. Par ailleurs il engage une lutte pour le contrôle de la Bigorre qui sépare le Béarn de la vicomté de Foix. Il se concentre sur l'argent (ce qui est novateur pour l'époque) en prêtant sur gage, en demandant rançon... et travaille aussi sur la communication. Il oeuvre pour la diffusion d'une image favorable de sa personne par le biais des ménestrels mais aussi en entretenant de bonnes relations avec Jean Froissart, chroniqueur-reporter qui brosse des portraits flatteurs de lui. Il construit ainsi sa politique sur une structure économique solide et profite du chaos instauré par la guerre pour contrôler la route commerciale entre Toulouse et Bayonne. Seule ombre à ce tableau, il limite le pouvoir des nobles et se met en conflit avec la noblesse béarnaise, si bien qu'il doit répudier son épouse et faire face à son fils, qui complote contre lui avant d'être obligé de l'exécuter pour protéger sa propre vie. A sa mort, Gaston Fébus n'a plus d'héritiers. Les Etats de Béarn sont constitués. Il s'agit d'un conseil de gouvernants qui rassemble nobles et non-nobles sur une base très égalitaire pour gouverner.

Les descendants de Fébus :

C'est Mathieu de Castelbon, son cousin, qui succède à Gaston Fébus et à sa suite Jean Ier et Gaston IV, dont les rôles permettent de conserver la neutralité du Béarn, dans le contexte troublé de la fin de la guerre de Cent Ans. Le Béarn est désormais gouverné par les Etats pour le pouvoir législatif et le vicomte pour le pouvoir exécutif instaurant ainsi un gouvernement parfaitement équilibré. Pendant un siècle (jusqu'en 1620), la neutralité renforce la souveraineté du Béarn, y instaure durablement la paix et rapporte de gros profits par le contrôle des routes de commerce. Par mariage, Gaston IV est uni à l'infante de Navarre, mais il n'y a qu'une relation d'union personnelle entre les deux Etats. Le Béarn et la Navarre sont réunis par l'intermédiaire de la Soule et contrôlent les principaux cols pyrénéens : le Somport et Roncevaux. Jusqu'à la fin du XVe siècle, le Béarn n'est entouré que de principautés au pouvoir central faible, mais la situation va se compliquer car les rois de France tentent une conquête de tout le Sud-Ouest de la France, alors que les rois catholiques en Espagne réunifient la péninsule Ibérique. La neutralité devient difficile à défendre. François-Fébus (fils de Gaston IV) marie sa fille Catherine à Jean d'Albret, seigneur lié au roi de France. Cette décision entraîne une rupture entre le Béarn et la Navarre. Après de grandes difficultés avec le roi de France et les rois catholiques, Catherine et Jean d'Albret parviennent à sauver le Béarn de la mainmise française mais perdent l'essentiel du territoire de la Navarre dont ils ne gardent qu'une petite partie. Ils n'ont pu maintenir une neutralité totale entre les puissances françaises et espagnoles. Au début du XVIe siècle, les rois de France ont pour objectif de rattacher le Béarn et la Basse-Navarre à leur territoire.

De la Renaissance à la Révolution

Le Béarn protestant et souverain (1517-1620)

Après les derniers événements, la politique extérieure du Béarn est exclusivement tournée vers le Royaume de France qui veut de son côté rattacher le Béarn à son royaume. Ce désir se traduit par une série de mariages.

- en 1527, Henri II d'Albret épouse Marguerite d'Angoulême (soeur de François 1er, appelée ensuite Marguerite de Navarre),

- en 1548, Jeanne d'Albret épouse Antoine de Bourbon,

- en 1572, Henri III de Navarre (futur Henri IV de France) épouse Marguerite de Valois.

Seulement la politique des rois de France se heurta au protestantisme en Béarn.

Introduites par Marguerite de Navarre, les idées des réformateurs sont répandues par Jeanne d'Albret après la mort d'Antoine de Bourbon. Elle crée une Académie à Orthez sur le modèle genevois. En 1568, elle obtient la majorité au sein des Etats pour appuyer sa politique religieuse. Mais, alors qu'elle est partie rejoindre l'amiral Coligny à la Rochelle en révolte ouverte contre le gouvernement royal, Charles IX ordonne l'occupation du Béarn et assiège la place forte de Navarrenx. La cité résiste jusqu'à la victorieuse contre-attaque de Jeanne d'Albret en 1569. Par la suite, le Béarn est déchiré par les guerres de religion, par exemple le cas d'Orthez qui d'abord est occupée par les armées catholiques puis reprise par les troupes protestantes qui la mettent à sac. Jeanne d'Albret écrase le catholicisme. En 1571, les biens des églises catholiques sont sécularisés et les pratiques calvinistes instaurées. Les successeurs de Jeanne poursuivent sa politique. Marguerite de Valois, femme d'Henri III de Navarre, ne peut même pas faire prononcer des messes catholiques privées pour elle-même. Dans sa correspondance, elle parle de " ce petit Genève de Pau ".

Les victoires protestantes en Béarn ont des répercussions sur le plan des relations de la région avec la France. En effet, depuis l'ordonnance de Blois en 1512, le royaume de France menait une politique d'ouverture vis-à-vis du Béarn, pour permettre une inclusion progressive. Les tensions religieuses remettent en question cette position voulue par le roi de France. L'aristocratie protestante contrôle les Etats de Béarn qui résistent contre la France, recueillant les hérétiques chassés par les officiers du roi, totalement impuissant dans cette partie du Sud-Ouest. Etant à la frontière avec l'Espagne, le Béarn a une position stratégique majeure, il n'est donc pas dans l'intérêt du roi de France de perdre tout contrôle sur la région. Après la mort de Jeanne d'Albret, en 1572, commence une période de crise qui s'achèvera avec l'annexion du Béarn en 1620.

Henri III de Navarre, bien qu'ayant abjuré sa religion lors de son mariage avec Marguerite de Valois en 1572, reste attaché à la cause protestante. Avec sa soeur Catherine de Bourbon, ils préparent le Béarn à faire face aux troupes catholiques. Cependant, devenu Henri IV de France, il met un terme à ces conflits avec l'édit de Nantes en 1598 puis surtout avec l'édit de Fontainebleau en 1599, qui abolissent les ordonnances de Jeanne d'Albret. Les évêques retrouvent leur place à Oloron et Lescar, le culte catholique peut de nouveau être célébré.

Après l'assassinat d'Henri IV en 1610, le Béarn pense pouvoir rester un Etat souverain, indépendant et majoritairement protestant. Louis XIII, en 1617, tente de rétablir complètement le culte catholique. Comme la région résiste, il décide d'intervenir par la force. Il organise une expédition militaire à Pau en 1620. Le 20 octobre, il fait enregistrer par le conseil souverain un édit qui rattache le Béarn et la Basse-Navarre au royaume de France. Le 10 juin 1622, les Etats de Béarn, présidés par l'évêque de Lescar selon la tradition antérieure à la réforme, votent des compromis. Un parlement est créé à Pau réunissant le conseil souverain et l'ancienne chancellerie de Navarre mais les Fors et les coutumes du pays sont préservés. Quelques seigneurs tentent de résister en vain. Jean-Paul de Lescun, fervent défenseur de la cause protestante depuis la mort d'Henri IV, est exécuté après avoir été jugé à Bordeaux. Sa mort à valeur de symbole.

Le Béarn dans le royaume de France (1620-1789)

Pour la première fois, la population en Béarn est soumise à une autorité étrangère, la région étant sous contrôle d'agents royaux. Il y a d'abord le Gouverneur (membre de la famille de Gramont) qui commande les troupes locales. Le Lieutenant surveille les Etats avec le pouvoir d'interdire la discussion de certains projets. A partir de 1631 intervient l'Intendant, qui est secondé à partir de 1638 du Maître des Eaux et Forêts et par cinq délégués aux sénéchaussées de Pau, Orthez, Sauveterre, Morlàas et Oloron. Les Intendants ne demeurent pas longtemps en place, seul Megret d'Etigny est resté dans les mémoires pour son action sur l'économie béarnaise. D'un point de vue judiciaire, des milices (bandes béarnaises) sont chargées à partir de 1630 de s'occuper de l'ordre et de garder la frontière. Ces institutions ont contribué à limiter les libertés béarnaises. Il ne reste du passé que la langue bien que très francisée et l'autonomie financière (on bat monnaie à Pau).

Du côté religieux, Louis XIII rétablit le culte catholique et tente de limiter le protestantisme en confiant aux jésuites la tâche de convertir les Béarnais. A la veille de la révocation de l'édit de Nantes, presque un tiers de la population béarnaise appartient à la religion réformée. A partir de février 1685, l'Intendant Foucault commence à réprimer les protestants pour faire disparaître leur culte (dragonnade, destruction de temples, usage de la force ou de la corruption). Lors de la révocation de l'édit de Nantes le 26 octobre 1685, le protestantisme semble avoir disparu. Pourtant sous la Régence, au XVIIIe siècle, l'Eglise réformée profite d'un relâchement pour exercer son culte en semi-clandestinité. Après une autre période de répression, elle obtient une liberté complète en 1787, à cette époque on compte plus de 4 000 protestants en Béarn.

D'un point de vue universitaire, ces répressions eurent des répercussions. L'université d'Orthez a été fermée en 1620 et pendant un siècle les jeunes gens partaient à Toulouse et à Montpellier pour suivre leurs études. En 1724, une nouvelle université est inaugurée à Pau, d'abord spécialisée dans le droit et les arts puis en 1780 en théologie. Une Académie royale des Sciences et des Beaux-Arts permet un développement culturel avec des concerts et des concours de poésie.

Les prémices de la Révolution et la Révolution (1750-1804)

L'artisanat connut aussi un grand progrès entre 1750 et 1789 avec des papeteries à Oloron, Bizanos et Maslacq et des tanneries à Pau, Orthez, Pontacq, Arudy et Oloron. Si ces productions restent locales, les ateliers textiles (à Pau, Oloron et Nay, entre autres) exportent beaucoup notamment vers l'Espagne, les Antilles (où se trouvent des émigrés béarnais) et au Levant. En effet, les Intendants et les Etats collaborèrent pour faire venir de nouveaux métiers et des ouvriers spécialisés. La laine et le lin restent des produits de base. Le commerce est facilité au XVIIIe siècle par la construction de routes et de ponts en pierre. On importe la laine et le cuir, on exporte le textile, le vin et le bois. Des maisons de commerce béarnaises étaient installées le long de la route entre Cadix et le Somport.

Lors de la rédaction des cahiers de doléances puis au moment des Etats généraux, la délégation béarnaise se compose de membres de la noblesse et du clergé et de quatre membres du tiers état dont maître Mourot. Ce dernier, la nuit du 4 août 1789, plaide pour l'abolition des privilèges, permettant aux Béarnais de devenir totalement français. Dès lors, la vicomté de Béarn créée au IXe siècle disparaît. L'intégration à la France fut l'oeuvre d'une minorité éclairée dynamique ayant le soutien d'un grand nombre de paysans et d'artisans.

Pendant la Révolution, le Béarn connut d'importants problèmes économiques comme partout en France. Malgré l'installation de manufactures textiles modernes en 1795, pour les jeunes la principale solution pour trouver du travail était d'entrer dans l'armée. Jean-Baptiste Bernadotte fait partie de cette jeunesse qui embrassa la voie des armes. Soldat en 1780, il est adjudant en 1790, grâce à la Révolution il monte en grade rapidement et devient en 1794 général de division, puis maréchal d'Empire jusqu'à devenir roi de Suède. Nombre de ses compatriotes suivirent ses traces. Cette présence béarnaise dans les armées de la Révolution puis de l'Empire confirme l'intégration de la région dans la France, assimilation amorcée en 1620 par l'administration royale. En 1815, la seule différence entre le Béarn et la France est la pratique du béarnais à la place du français qui a des difficultés à s'imposer.

De la Révolution au XXIe siècle

Au XIXe siècle

Il n'y a pas de fait marquant en Béarn pendant l'Empire, si ce n'est au moment de la chute de ce dernier. En février 1814, les troupes espagnoles, alliées des Anglais de Wellington vainqueurs sur les Français, pillent la région d'Oloron. Au même moment les conditions météorologiques sont très mauvaises et les années 1814-15 sont marquées par la disette. Il faut également souligner que le XIXe siècle est le siècle du charbon et du fer, et le Béarn ne dispose d'aucune source d'énergie et d'aucun capital qui sont nécessaires à l'industrialisation. La situation économique est déplorable. En 1830, seul le jambon et le sel de Salies alimentent encore l'économie régionale. Sous la monarchie de Juillet, un acte politique permet un essor national de l'économie. La région de Nay se spécialise dans le béret, Oloron dans la flanelle. Le château est restauré à la demande de Louis-Philippe. Mais le Béarn va surtout connaître un renouveau grâce au tourisme lié à l'installation d'une colonie anglaise à Pau, la mode romantique et le thermalisme. Le climat béarnais s'avère excellent pour lutter contre la tuberculose. Les Eaux-Chaudes et Eaux-Bonnes connaissent une activité intense à partir de 1836 et les sommets intéressent les pyrénéistes. Le Béarn retrouve une certaine prospérité. Dans les villes qui ne bénéficient pas de ces progrès les jeunes se tournent vers l'émigration (Algérie, Amérique du Sud et Californie).

Pendant le Second Empire, les séjours de Napoléon III et de son épouse à Biarritz et dans les stations pyrénéennes renforcèrent ce plébiscite. Le chemin de fer arrive à Pau en 1863, mais aucun train ne peut passer les Pyrénées, le commerce avec l'Espagne se fait à dos de mulet : les montagnes deviennent un mur et le Béarn un cul-de-sac. Côté industrie, les entreprises doivent importer du charbon pour le fonctionnement des machines. Si tout l'Empire se modernise, le Béarn se maintient dans une forme d'artisanat désuet.

La IIIe République annonce cependant un renouveau. La victoire républicaine coïncide aussi avec une amélioration de la situation économique restée précaire jusqu'en 1900. Le maire Henri Faisans met tout en oeuvre pour rendre le centre-ville et la promenade des Pyrénées attractives. La ville est très propre et bien éclairée. L'aristocratie étrangère est sous le charme, la population devient cosmopolite avec des Britanniques, notamment des Ecossais, tant et si bien que la ville se dote d'une église presbytérienne et d'un temple anglican. Il y a aussi des Russes, pour lesquels une église orthodoxe s'installe en ville. Des Américains, des Belges et des Espagnols complètent ce tableau. Par ailleurs, la culture britannique s'impose dans le sport. Le rugby fait sont entrée dans une ville déjà touchée par l'hippisme (l'hippodrome du Pont-Long a été créé en 1840). La chasse à courre devient pratique courante. Le golf de Billère est créé. L'absence de vent et de brouillard en fait une région propice aux expériences d'aviation. En 1909, Wilbur Wright fit son premier vol en avion au-dessus du Pont-Long. En outre, cette belle population se divertit. De grands musiciens et lettrés font des séjours dans les Basses-Pyrénées. Malgré tout le Béarn reste pauvre. Grâce à la progression du français dans les écoles, des jeunes parviennent à entrer dans la fonction publique. C'est une promotion sociale pour eux.

Les guerres du XXe siècle

Pendant la Première Guerre mondiale, un arsenal et un centre de formation pour l'aviation sont installés dans le secteur du Pont-Long. Les pertes en Béarn furent importantes comme partout en France. Après l'armistice, une masse d'Espagnols immigra dans la région pour combler le manque de main-d'oeuvre. Le tourisme est arrêté net par la guerre. Les familles anglaises et américaines ont été aussi décimées. L'économie est au plus bas, malgré des initiatives lancées pour la faire remonter. Un train transpyrénéen est créé à Canfranc en 1931 pour relancer le commerce avec l'Aragon. Mais celui-ci n'a aucun succès et là-dessus la guerre civile espagnole acheva tout espoir en 1936. La polyculture et la subsistance d'un tourisme entre Lourdes et Biarritz permettent à la région de se maintenir.

En 1940, après l'armistice, seule la partie occidentale du Béarn est occupée (Sauveterre, Salies et Orthez). Le Béarn accueille alors la vague d'exode. Les Belges sont nombreux ainsi que les Français du Nord et d'Ile-de-France. Des centres d'accueil sont ouverts, les hôtels sont bondés. Des groupes de résistants se forment et leur tâche principale est d'assurer le passage en Espagne. Leur travail devint ardu en 1942 avec l'installation d'une milice locale. Les arrestations se multiplièrent. Le camp de Gurs rassemble les futurs déportés. Le maquis affronte l'armée d'occupation et la milice. En 1944, les Allemands battent en retraite et font des massacres sur leur passage dans le Vic-Bilh.

Après 1950, la naissance d'une industrie

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Béarn vit une mutation économique très rapide. Cette transformation est liée à la naissance du gisement de gaz sulfureux de Lacq et d'un complexe industriel tourné vers la chimie, l'aluminium, les industries mécaniques qui impliquent aussi l'installation d'industries de transformation (chaussures, vêtements...). Par ailleurs, la culture d'un maïs hybride se répand, remplaçant la polyculture. Les exploitations agricoles se dotent de nouvelles technologies. L'essor industriel permet d'embaucher une main-d'oeuvre nombreuse. Pau, autrefois ville de résidences bourgeoises, de villas isolées et de retraites paisibles, est métamorphosée. Les parcs et champs sont construits. L'Institut d'Enseignement Supérieur laisse place à des facultés réunies dans le cadre de l'UPPA (Université de Pau et Pays de l'Adour) doté de tous les enseignements supérieurs (excepté médecine), d'IUT et de laboratoires de recherche. Le lycée Louis-Barthou possède des classes préparatoires aux grandes écoles. Pau affirme son rôle de chef-lieu de département. Le maïs reste la culture principale, mais on s'intéresse aussi à l'élevage (porc, canard, poulet...) et à la production de conserves régionales. La viticulture est prospère, le Jurançon et des vins du Vic-Bilh se vendent toujours très bien. L'élevage de brebis assure la production de fromages appréciés dans toute la France. Le gisement de Lacq, épuisé en 2014, vit actuellement une reconversion dans les bioénergies, un investissement vers l'avenir qui profite à l'activité économique locale.

Organisez votre voyage avec nos partenaires dans le Béarn
Transports
Hébergements & séjours
Services / Sur place

Trouvez des Offres de Séjours uniques avec nos Partenaires

Envoyer une réponse