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Les origines de la pizza

On s’est longtemps interrogé sur l’origine du mot « pizza ». Le terme apparaît pour la première fois en 997 dans un document d’archive en latin médiéval de la cathédrale de Gaète. Mais l’étymologie du mot reste débattue. Plusieurs hypothèses font intervenir l’histoire tumultueuse du sud de l’Italie, envahie au Moyen Age par différents peuples aux origines et aux langues les plus diverses. Pour certains, le mot pizza pourrait dériver du lombard bizzo signifiant « morceau de pain ». Le terme aurait donc une origine germanique. Une autre hypothèse, plus communément admise, cherche l’origine du mot dans le grec pitta signifiant « galette de pain » et dont dérive le grec moderne pita. Le terme aurait été adopté entre le VIIe et le XIXe siècle, à l’époque où l’Empire byzantin contrôlait une grande partie du sud de l’Italie, et il aurait évolué pour aboutir au mot « pizza » au Xe siècle. Mais le document de Gaète ne nous informe pas sur ce que le terme désigne avec précision : nous pouvons, tout au plus, conclure qu’il s’agit d’un produit de boulangerie ou de pâtisserie. Il faut attendre le XVIe siècle pour voir apparaître dans les traités culinaires les premières recettes de la pizza. Elle est décrite comme une tourte salée ou sucrée, garnie de fromage, de fruits secs et d’amandes, à moins qu’elle ne soit farcie de chair de pigeon et de dattes. La pizza désigne aussi un gâteau feuilleté ou roulé, ou bien une focaccia (fougasse). Nous sommes encore loin de la pizza telle que nous la connaissons ! Une constatation, cependant : au XVIe siècle, la pizza est déjà associée à la ville de Naples.

La pizza, le plat populaire napolitain

Au cœur de la capitale du Royaume de Naples et de Sicile, la pizza de type focaccia s’impose. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les boulangers napolitains la proposent à la vente, agrémentée de saindoux, de fromage et de basilic. Il s’agit d’une pizza bianca, la tomate n’étant adoptée dans l’alimentation des Italiens qu’à partir du XVIIIe siècle. La pizza rossa, résultant de l’heureux mariage entre la saveur acidulée de la tomate et celle de la pâte à pizza, détrône rapidement sa version antérieure. La pizza connaît un véritable succès au XVIIIe siècle dans les milieux populaires napolitains du fait de son faible coût et de son goût savoureux. Pour les couches les plus pauvres de la population, occupant des logements dépourvus de cuisine et contraintes de se restaurer à l’extérieur, la pizza constitue un repas nourrissant et très apprécié. Elle est préparée par des pizzaioli et est consommée sur place, dans la pizzeria (même si le terme n'apparaît qu’en 1905), ou bien elle est achetée en rue à des lazzaroni, des vendeurs ambulants qui se fournissent auprès des pizzaioli et proposent des parts de pizza. Ses garnitures se diversifient : ail, origan, huile d’olive, petits poissons, mozzarella, prosciutto… Dans son laboratorio, le pizzaiolo opère sur un comptoir le long duquel sont disposés des bols contenant les différents ingrédients, devant le four à bois. Un document d’archive de Naples, daté de 1807, recense 54 établissements et, durant tout le XIXe siècle, ce succès ne se dément pas. Pourtant, la pizza reste cantonnée à la ville de Naples. Il faut attendre le XXe siècle pour qu’elle devienne un phénomène culinaire mondial, emblématique de la culture italienne. Cette diffusion ne démarre pas de Naples, mais bien du Nouveau Monde où les émigrés napolitains ont importé avec eux leur savoir-faire. Dès les années 1940, elle séduit les Américains qui la déclinent en une version proche de leur pie, étalée dans un moule à tarte et avec du fromage en abondance. Récupérée par l’industrie agroalimentaire, la pizza est vendue au rayon des surgelés dès 1957, puis proposée par les premières chaînes de pizzerias franchisées. Après la guerre, elle traverse à nouveau l’Atlantique pour conquérir l’Europe, parallèlement à l’immigration italienne qui a repris depuis 1946. De nos jours, la pizza est l’un des plats les plus consommés au monde. La France, qui en absorbe en moyenne dix kilos par habitant et par an, se hisse au deuxième rang dans le classement des plus gros consommateurs de pizzas, après les Etats-Unis et avant l’Italie.

La pizza margherita, la reine des pizzas

Une fine couche de sauce tomate, des tranches de mozzarella di bufala (au lait de bufflonne) ou fior di latte (au lait de vache), quelques feuilles de basilic et un trait d’huile d’olive : dans sa simplicité, la pizza margherita offre le parfait équilibre des saveurs et des parfums. Plébiscitée par les Italiens, elle est devenue un symbole culinaire national aux couleurs du pays. Son nom est aussi une référence à un personnage historique et à une anecdote que les Napolitains adorent rappeler. Lors d’une visite royale à Naples en 1889, le pizzaiolo Raffaele Esposito est appelé au palais de Capodimonte afin de préparer des pizzas pour le roi Umberto Ier et son épouse la reine Marguerite de Savoie. Esposito propose des pizzas aux garnitures diverses, comme la pizza marinara ou encore la pizza frite fourrée de ricotta. C’est toutefois la pizza à la tomate, à la mozzarella et au basilic qui a la préférence de la reine Marguerite. Esposito la baptise « pizza margherita » en l’honneur de la souveraine. Le four à bois utilisé à l’époque existe encore et est toujours fonctionnel : il se trouve au fond du parc de Capodimonte et a été rallumé le 6 décembre 2017 pour fêter l’entrée de l’art des pizzaioli napolitains au patrimoine immatériel de l’Unesco. L’événement a rassemblé les plus fameux pizzaioli de Naples (des pizzerias Sorbillo, Starita, Concettina ai Tre Santi, et la Notizia) qui ont préparé les pizzas servies en 1889. Quant au père de la pizza margherita, l’établissement dans lequel il officiait à Naples existe toujours et se situe aux abords des quartiers espagnols : la pizzeria Brandi arbore fièrement une plaque commémorative sur sa façade pour rappeler l’événement, et conserve une lettre de remerciement signée par le maître d’hôtel de la Maison royale et datée de 1889 (il s’agirait en fait d’un faux, rédigé par les neveux de Raffaele Esposito lorsque ces derniers reprirent la pizzeria familiale !).

Qu’est-ce qu’une vraie pizza napolitaine ?

Ce point nécessite une petite précision : il ne faut pas confondre la pizza napoletana avec la pizza napolitaine proposée à la carte de nos pizzerias et qui est une pizza garnie d’anchois et de câpres. La vraie pizza napolitaine désigne un plat traditionnel élaboré dans le respect de règles concernant les ingrédients et les étapes de la préparation. L’Associazione Verace Pizza Napoletana (Association de la Vraie Pizza Napolitaine), créée en 1984, a réuni les pizzaioli les plus renommés de l’époque afin de rassembler les traditions et les savoir-faire transmis depuis plusieurs générations. Il en est sorti un cahier des charges définissant les caractéristiques d’une pizza exécutée dans les règles de l’art. La vraie pizza napolitaine est cuite au feu de bois et offre une pâte élastique et facilement pliable, bordée du fameux cornicione, la croûte, dorée et moelleuse. Composée de farine de blé tendre, d’eau, de levure et de sel, la pâte est mise à lever deux fois, entre 8h et 24h, et est strictement étalée à la main (rouleau à pâtisserie proscrit !). L’Association ne reconnaît que deux variantes : la pizza margherita et la pizza marinara, cette dernière garnie de tomate, ail, origan et huile d’olive extra-vierge. Les ingrédients doivent être de préférence d’origine campanienne. Deux garnitures simples et justement dosées, de manière à ne pas dissimuler la saveur de la pâte mais, au contraire, de l’exalter, c’est ce que défendent les puristes de la pizza qui s’élèvent face aux versions modernes de pizzas « gourmet » proposées par certains restaurants de Naples. Mais ne boudons pas notre plaisir : une pizza bien exécutée et garnie d’ingrédients de qualité, quels qu’ils soient, quel bonheur pour le palais ! A consommer avec une bière, comme le font les Italiens - qui ne conçoivent pas d’accompagner leur pizza d’un verre de vin - ou bien avec un vin rouge régional légèrement pétillant comme le gragnano DOC.

Petit tour des meilleures pizzerias de Naples

Se rendre à Naples sans expérimenter la vraie pizza napolitaine, c’est passer à côté d’un authentique morceau de patrimoine ! Déguster une pizza constitue un incontournable d’une escapade napolitaine au même titre que visiter le musée archéologique national ou déambuler dans le centre historique. De toute façon, le parfum de pâte cuite au feu de bois qui se dégage de certains établissements aura tôt fait de rompre toute résistance. Première remarque : dans la plupart des pizzerias, la qualité est au rendez-vous et la différence de niveau se joue surtout dans les ingrédients sélectionnés. Deuxième remarque : certaines pizzerias réputées sont victimes de leur succès et pour obtenir une table, il faut s’armer de patience. Le repas terminé, on libère rapidement sa place car, dehors, la file s’allonge. Enfin, malgré son succès, la pizza napolitaine est demeurée un plat très démocratique. Dans le centre historique, la Via Tribunali est parfois surnommée Via della Pizza pour le nombre de pizzerias qu’on y trouve. La plus renommée est la pizzeria Gino Sorbillo. Fondée en 1935 par les grands-parents de Gino, elle est mondialement connue ; on la repère d’ailleurs facilement du fait de l’attroupement de gourmands qui se pressent devant l’entrée. L’enseigne possède une seconde adresse sur la Via Partenope, dans le quartier de Chiaia face à la mer, ainsi que quelques établissements proposant cette fois la pizza frite, à manger sur le pouce. Un peu plus loin, au n° 94, Di Matteo est une autre pizzeria historique qui a acquis une grande notoriété, surtout depuis qu’elle a accueilli le président américain Bill Clinton, en visite à Naples à l’occasion du G7 en 1994. La Via Tribunali compte encore d’autres enseignes de qualité, telles que la pizzeria I Decumani ou encore la pizzeria Dal Presidente, fondée par Ernesto Cacciali, l’ancien pizzaiolo de Di Matteo qui avait servi Bill Clinton, et baptisée en souvenir de son hôte illustre. A proximité, son fils Gigi a ouvert la pizzeria Il Figlio del Presidente (Via Duomo, 181). S’écarter du centre historique permet aussi de découvrir des adresses authentiques et populaires, à la qualité irréprochable et aux prix imbattables. Dans le quartier Materdei, Starita est considérée par beaucoup de Napolitains comme l’une des meilleures pizzerias de la ville, et pénétrer dans le quartier voisin de la Sanità pour s’attabler à la pizzeria Concettina ai Tre Santi est une expérience en soi. Vers la gare, Da Michele est un établissement historique de Naples où la tradition se perpétue depuis plusieurs générations de pizzaioli. Enfin, pour déguster une pizza “gourmet” garnie de matières premières régionales soigneusement sélectionnées, il faudra rejoindre, en périphérie, la Pizzaria La Notizia.