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Les musiques et danses traditionnelles

Comment penser au sud de l’Italie sans songer à ses tarentelles ? Cette famille de danses est constituée de formes propres à chaque région, celle de Naples étant la fameuse tammurriata. Cette dernière est vraiment la danse napolitaine par excellence, celle qui sait autant faire tourner les têtes que les cœurs. Rythmée à la tammorra, un tambourin chargé de cymbales et accompagnée de mélodies vocales, la tammurriata se danse en rond sur un rythme binaire, en couple face à face, les bras tenus devant le corps et les coudes vers l’extérieur. Des artistes comme Peppe Barra ou la troupe Nuova Compagnia di canto popolare, sont d’excellents points de départ pour découvrir la musique traditionnelle napolitaine (et plus largement celle du sud italien).

Côté instruments, impossible de ne pas citer la percussion iconique de la région, le putipù, tambour à friction, doté d’une poignée qui comprime l’air à l’intérieur de la chambre ; autre percussion, l’étonnante triccaballacca se compose d’un « éventail » de maillets de bois coulissant pour se frapper les uns aux autres. Mais l’instrument adoré de la région, c’est bien entendu la mandoline. Dans sa version napolitaine traditionnelle, la mandoline a une forme de larme et un dos rond. Instrument de prédilection, c’est souvent elle qui accompagne la musique populaire traditionnelle, la fameuse Canzone Napoletana.

La musique populaire

Naples est une terre fertile pour la chanson. Surtout lorsque l’on découvre que des airs comme O sole mio ou Funiculi, funicula sont napolitains, on comprend que la région cultive un vrai talent pour composer des chansons qui savent traverser les frontières et résister au temps. Le XIXe siècle est la grande époque de la Canzone napoletana, la chanson napolitaine. Diffusées par les chanteurs de rue, avec leur guitare ou leur mandoline, ces chansons symbolisent le plaisir du chant, l’amour de Naples, la nostalgie. Beaucoup de ces chansons napolitaines sont devenues mondialement célèbres, aussi parce qu’elles ont accompagné les migrants napolitains entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. L’exemple le connu est sans doute celui d’Enrico Caruso - célébrissime ténor napolitain - qui chantait de la musique populaire napolitaine lors des rappels sur des grandes scènes telles que le Metropolitan Opera de New York. Caruso a par ailleurs enregistré de nombreuses interprétations de ces standards.

Entre les années 1950 et 1980, de nouveaux grands musiciens ont renouvelé la Canzone napoletana comme Totò et sa chanson Malafemmena, Mario Trevi et son très populaire Indifferentemente, Renato Carosone, connu entre autres pour Maruzzella, ou encore Roberto Murolo et Nino D’Angelo.

La musique classique

L’importance de la musique à Naples apparaît dès le Moyen Age, principalement sous les Angevins. Cela dit, c’est au XVIe siècle qu’elle s’épanouit, avec l’apparition du compositeur Don Carlo Gesualdo, joueur de luth et auteur de beaux madrigaux (pièces vocales polyphoniques sur un texte profane), à la réputation sulfureuse (il poignarde sa femme et fait tuer son amant). L’apogée napolitaine s’établit au siècle suivant, lorsque sont fondés les premiers conservatoires, lieux d’initiation et de formation des enfants à l’art du chant. Installées dans quatre églises - Santa Maria di Loreto, Pietà dei Turchini, Sant'Onofrio a Capuana et I Poveri di Gesù Cristo –, ces institutions ont fait de Naples l’un des plus importants centres de formation musicale d’Europe en son temps. Et c’est aussi en grande partie grâce à eux qu’à la fin du XVIIe siècle, Naples, avec Paris, domine la scène musicale du continent. L’effervescence artistique est telle que 400 églises possèdent alors leur propre formation musicale, sans compter les couvents et le palais du vice-roi. Portée par cette ébullition, Naples forge alors deux formes théâtrales propres, l’opera buffa (« l’opéra bouffe » comique et léger) et l’opera seria (plus « sérieux », descendant de la commedia dell'arte), toutes deux créées à partir du modèle d’opéra vénitien, adapté aux codes napolitains. Cette forme singulière, qui va devenir influente dans l’Europe entière, est en grande partie imputable à ce que l’on appellera par la suite « l’école napolitaine ». Initié par l’illustre Alessandro Scarlatti (1660-1725), musicien prépondérant, ce groupe de compositeurs était formé des huiles de la Naples de l’époque : Francesco Provenzale, Nicola Porpora, Francesco Durante, Giovanni Battista Pergolesi puis plus tard Niccolò Jommelli, Tommaso Traetta, Niccolò Piccinni, Giovanni Paisiello et Domenico Cimarosa, pour ne citer qu’eux….

L’avènement, au début du XVIIIe siècle, des castrats, la plupart formés à Naples, va participer grandement à la promotion de l’opéra napolitain. Pour rappel, les castrats étaient ces chanteurs (de sexe masculin) dont on avait ôté, par opération chirurgicale, les glandes génitales entre 7 et 12 ans afin que la voix ne mue pas. Ainsi l’appareil vocal ne se développait pas tandis que le reste du corps, lui, murissait, permettant de conserver le timbre lumineux d’un enfant mais avec le « coffre » d’un corps adulte. Ces voix flamboyantes pouvaient exalter des sentiments puissants et permettre des interprétions ambiguës, chose qui les a rendues très populaires pendant près de deux siècles auprès du public et des compositeurs européens tels que Monteverdi, Haendel ou Rossini (qui leur écrivaient des rôles sur mesure). Les castrats les plus célèbres vivaient dans une gloire absolue, comme Farinelli, resté dans la légende autant pour sa voix exceptionnelle que pour ses caprices...

Le XVIIIe siècle est également, à l’initiative du roi Charles de Bourbon, celui de la construction du théâtre San Carlo, en 1737, qui précède La Scala (1776-1778) à Milan et demeure l’un des temples mondiaux de la musique lyrique et l’un des plus beaux opéras sur Terre. Il est aujourd’hui dirigé par Stéphane Lissner, ancien directeur de l’Opéra de Paris. Au XIXe siècle, cette scène mythique est le théâtre des triomphes de grands musiciens de l’époque comme Gioachino Rossini (1792-1868), auteur épatant d’opéras immortels comme Le Barbier de Séville ou Guillaume Tell, et de son héritier direct, Gaetano Donizetti (1797-1848) dont l’opéra Lucia di Lammermoor marque la naissance du romantisme italien.

Plus récemment, l’ensemble Cappella Neapolitana - initialement appelé Pietà de’Turchini - créé en 1987 s’est spécialisé dans la valorisation du répertoire des XVIIe et XVIIIe siècles, âge d’or de l’école napolitaine, et a permis la redécouverte des œuvres de compositeurs comme Francesco Provenzale ou Leonardo Vinci. Aujourd’hui, on peut retrouver l’excellence vocale napolitaine chez la soprano Maria Grazia Schiavo, ancienne élève du Conservatorio San Pietro a Majella. Autre grand nom faisant briller les couleurs de Naples dans le monde entier : Riccardo Muti. Star de la direction d’orchestre, le Napolitain a marqué de son empreinte de grandes institutions comme La Scala de Milan ou l’Orchestre symphonique de Chicago.

Hormis le fabuleux San Carlo, Naples propose quelques adresses intéressantes pour les mélomanes. C’est notamment le cas du Teatro Augusteo, dont la programmation alterne entre pièces, opéras et ballets, ou du Teatro Bellini, accueillant du classique, du contemporain et pas mal de spectacles lyriques.

Les musiques actuelles

C’est suffisamment surprenant pour le spécifier : Naples a eu en son temps des scènes disco et funk bien à elle. Entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1980, la ville produisait une excellente disco, chose que nous savons grâce au fantastique travail de chasse et de collecte du duo de DJ Nu Guinea qui a consigné toutes ses trouvailles sur les compilations Napoli Segreta et Nuova Napoli. De petits trésors qui sont autant d’occasions de découvrir une autre facette de cette fameuse italo-disco, mais en plus funky et chantée en napolitain.

Dans un autre registre, aujourd’hui Naples est l'une des capitales du rap italien. Entre la misère et la mafia, les rappeurs ne manquent pas de sujets locaux pour nourrir leurs textes et certains MC de la ville ont atteint un prestige national. C’est le cas de Rocco Hunt, Clementino, Enzo Dong ou Ntò.

Le théâtre

La tradition théâtrale napolitaine plonge ses racines loin dans l’histoire, remontant même à l’époque romaine. L’empereur Néron en son temps (premier siècle de notre ère) se produisait sur la scène du théâtre romain de Neapolis, payant la plèbe pour qu’elle vienne assister à son spectacle ! Le théâtre est donc l’une des traditions artistiques les plus anciennes et les plus connues de la ville et quelques noms associés à cet art demeurent particulièrement chers aux Napolitains. À commencer par Raffaele Viviani (1888-1950), écrivain italien, dramaturge, acteur et musicien dont l’œuvre racontait sans fard la sévère réalité des Napolitains de son temps. Autre grand nom napolitain, Eduardo De Filippo (1900-1984) est resté célèbre pour ses textes humoristiques et mélancoliques mettant en scène des personnages issus de la petite bourgeoisie et incarnant les aspirations d’un public désireux de s’émanciper et pétri de contradictions.

Autre tradition napolitaine : le théâtre de Polichinelle (Pulcinella). Personnage incarnant le regard napolitain sur le monde, Polichinelle apparaît au XVIIe siècle, joué pour la première fois par l’acteur Silvio Fiorillo. La personnalité de Polichinelle, toujours vêtu de blanc, dont seul le masque noir rehausse l’ensemble, est complexe : toujours dans le besoin, son discours mêle ironie, bouffonnerie, voire même méchanceté. C’est le symbole par excellence de la commedia dell’arte italienne. L’amour illimité que lui portait la population s’explique, sans doute, par le fait que Polichinelle savait être tour à tour le portrait, la caricature ou l’idéal du Napolitain.

Amoureuse de théâtre, la ville lui ouvre de nombreuses scènes et l’on peut voir des pièces au Mercadante, au San Ferdinando, à l’Augusteo, au Sannazaro, au théâtre Bellini, au Mediterraneo et dans bien d’autres. Mentionnons également le Napoli Teatro Festival qui pendant près de trois semaines propose sur les différentes scènes de la ville une grande diversité de spectacles. Une programmation théâtrale nationale et internationale.