Témoins antiques et byzantins

L’Antiquité grecque se caractérise par une quête du rationnel et de l’harmonie. Une grande importance est donnée à la recherche des proportions idéales, cette recherche formelle ayant donné naissance aux ordres grecs. L’ordre dorique s’illustre par sa simplicité. L’ordre ionique, au contraire, se manifeste par son élégance, sa légèreté et ses chapiteaux à volutes. Ces deux premiers ordres seront suivis par les feuilles d’acanthe de l’ordre corinthien, caractéristique de la période hellénistique. On quitte le rationalisme pour le grandiose et désormais tous les édifices, et non plus seulement les temples, bénéficient de cette recherche formelle. Ainsi théâtres et portiques (galeries de colonnes) se multiplient. Parmi les chefs-d’œuvre de l’Antiquité grecque à ne surtout pas manquer : l'Asclepieion (sanctuaire médical) et l’Agora (marché et lieu de commerce) de l’île de Kos et surtout le vaste ensemble de l’île de Lindos composé de l’Acropole (centre religieux et politique) et du Temple d’Athéna fermé par d’impressionnants propylées (porche monumental). L’Antiquité romaine reprend les codes formels grecs mais dans une recherche permanente d’ostentation : à Kos et Rhodes-ville, théâtres, temples et villas romaines le montrent bien.

L’époque byzantine marque une rupture dans la continuité. Si le christianisme devient la source et la finalité de toute architecture, l’architecture byzantine n’en épouse pas moins certains codes formels anciens. Les édifices religieux byzantins institutionnalisent le plan basilical en croix grecque et se caractérisent également par l’emploi de coupoles et de chœurs à absides multiples. Les nombreuses églises byzantines de Patmos ou de Rhodes en sont de beaux exemples.

Puissance médiévale

Les îles du Dodécanèse furent l’objet de toutes les convoitises. Les Vénitiens et les Génois, adeptes de fortifications et châteaux défensifs, y ont laissé leur marque. Mais ce sont surtout les Chevaliers de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem qui marquèrent durablement les îles au Moyen Age : on visite encore certaines de ces forteresses aujourd'hui. Les plus beaux exemples de cette architecture médiévale se trouvent à Rhodes et Patmos. Présents à Rhodes entre 1309 et 1522, les Chevaliers ont construit le castrum au sein de la cité, considérée comme l’un des plus beaux ensembles urbains de la période gothique. Parmi les monuments à ne pas manquer : le Palais des Grands Maîtres, l’hôpital et les auberges de la rue des Chevaliers. Dans le burgus, zones commerçantes et résidentielles côtoient les églises byzantines. L’ensemble de la cité médiévale est ceint par des remparts longs de 4 km. Observez notamment la Porte d’Amboise, construite en 1512, et sa courtine (mur joignant les flancs de deux bastions voisins) épaisse de 12 m. Le joyau médiéval de Patmos, lui, est immanquable puisqu’il surplombe la ville du haut de ses remparts : c’est le monastère de Saint-Jean-le-Théologien dont les arrêtes crénelées et les tours fortifiées surplombent toute l'île, depuis la ville haute perchée sur une colline. A l’intérieur du monastère, on observera certains éléments primitifs du XIe siècle, dans l’église principale ou catholicon.

Influence ottomane et richesse néoclassique

Pragmatiques, les Ottomans cherchent principalement à adapter les structures et le bâti existants. Ainsi, les églises se transforment en mosquées, mais les minarets ajoutés se fondent harmonieusement dans le paysage. De même, les villes se dotent de bains publics et hammams, ainsi que de superbes maisons témoignant de l’identité sociale de leurs propriétaires, le plus souvent de riches marchands. Cette architecture est l'un des vecteurs utilisés par l’Empire ottoman pour manifester sa puissance. Parmi les très beaux témoins de la présence ottomane, notons les bains et mosquées de la ville de Rhodes, notamment la mosquée de Soliman. De très belles maisons de marchands sont à voir dans le quartier ottoman de la vieille ville, le Bourgos, autour de la rue Sokratous.

Le tournant du XXe siècle est une époque de relative richesse, grâce au calme retrouvé dans la région depuis l'indépendance grecque, obtenue en 1830. Le style néoclassique est alors en vogue en Europe, notamment dans la capitale du nouvel État grec où le roi Othon Ier fait venir un architecte allemand, Ernst Ziller, pour marquer l'urbanisme d'Athènes. Signe d'opulence et de réussite sociale, l'architecture néoclassique est reprise un peu partout dans le Dodécanèse. Demeures patriciennes aux frontons sages, mosaïques folles et façades colorées fleurissent dans les îles de Symi, Halki ou encore Kastellorizo.

Domination italienne

En 1912, l’archipel passe sous domination italienne. En matière architecturale, cette présence italienne peut se diviser en deux grandes périodes. Jusqu'en 1936, certaines îles vont se parer aux couleurs de l’éclectisme italien, tout en restant dans la lignée du Novecento. On voit ainsi fleurir des édifices aux allures de palais vénitiens ou décorés d’arabesques et coupoles à la mode ottomane, sans oublier les styles gothique et roman qui font leur grand retour. Le port de Mandraki et la cathédrale catholique de Rhodes en sont de très beaux exemples. A cette époque, les fronts de mer de Kos et Rhodes sont transformés en grandes promenades le long desquelles on retrouve hôtels et bâtiments administratifs. Durant cette période, l’esthétisme se fait l’égal de la fonctionnalité. Puis, de 1936 à 1941, le rationalisme supplante l’éclectisme. Certains parlent même de purification architecturale tant le nouveau pouvoir veut gommer toute trace d’éclectisme. L’Hôtel des Roses de Rhodes se voit ainsi dépouillé de ses arabesques et de ses balustres. Simple, massive et standardisée, telle est l’architecture de l’époque, comme en témoignent le Musée archéologique de Kos, les bâtiments administratifs de Rhodes-ville ou le port de Lakki à Leros (Porto Lago).