Maison rurale traditionnelle de Santana ©  mariusz_prusaczyk.jpg
Carreaux de céramique traditionnelle à Funchal (c) wjarek.jpg

L’habitat vernaculaire

L’habitat traditionnel est constitué de maisonnettes couvertes d’un toit de chaume. À côté de celles réservées à l’habitation prennent place d’autres chaumières qui servent de cuisine ou de remise. Vestiges du passé, quelques demeures entièrement en bois de tilleul ou en vinhático (laurier endémique) subsistent, en particulier dans la région de Santana. Ce type d’habitations repose sur de gros troncs d’arbres, eux-mêmes prenant assise sur de lourdes pierres afin d’assurer une protection contre l’humidité ambiante et les pluies hivernales. Le chaume, produit issu des récoltes de céréales, était non seulement peu coûteux, mais également reconnu pour ses qualités isolantes. En fonction des villages, les maisons pouvaient prendre différentes formes, d’ovales à rectangulaires. Mais lorsque l’on se rend dans le nord de l’île, on retrouve le modèle le plus courant, avec des maisons caractérisées par une façade en forme de triangle et un toit en pente raide qui descend sur les trois autres côtés. Le toit, composé de plusieurs couches de chaume, dépasse largement la façade, protégeant ainsi du soleil comme de la pluie. On trouve aussi autour de la bâtisse un petit jardin. Depuis les années 2010, le gouvernement a mis en place des politiques afin de conserver ces maisons qui font la fierté de l’île et qui permettent de préserver la tradition locale. Beaucoup ont également été restaurées afin d’accueillir les nombreux touristes qui souhaitent profiter d’un habitat propre à l’île. Ces maisons font partie de celles qui sont les plus photographiées dans le monde.

L’art manuélin et le style baroque

Si l’art manuélin est un terme utilisé depuis le XIXe siècle, le style tient son origine de l’époque des Grandes Découvertes portugaises. Celle où, sous le règne de Manuel Ier, le Portugal était l’une des plus grandes puissances du monde. De nombreux artistes s’installent alors dans le pays pour créer, et de ces différentes rencontres aux influences diverses naît l’art manuélin. Dans l’art portugais, il se définit comme la transformation du gothique, qui commence alors à décliner dans le reste de l’Europe. Ce style, que caractérisent des décorations enjouées et pleines de fantaisie, reflète les grandes expéditions maritimes de l’époque et les rencontres avec d’autres cultures qui en découlent. Les motifs décoratifs évoquent un mélange de roman et de gothique flamboyant, comme on peut le voir dans certains monuments phrares de la capitale : l’Alfândega, le convento de Santa Clara ou bien encore le colegio dos Jesuitas.

Beaucoup d’églises à Madère révèlent des éléments de style manuélin. Leurs créateurs inventent des fables sur des terres lointaines et exotiques. Pour contempler et entrer dans certains des plus beaux édifices religieux de l’île, il ne faut pas hésiter à quitter Funchal pour se rendre dans d’autres cités. À Santa Cruz pour voir l'igreja de São Salvador, puis à Machico pour scruter les détails de l'igreja de Nossa Senhora da Conceição. On a là avec ces édifices deux autres très beaux exemples des splendeurs de l’art manuélin.

Pendant l’occupation espagnole, on construisit peu de nouveaux édifices. Le XVIIIe siècle marque, quant à lui, l’avènement de l’art baroque. Grâce à l’or du Brésil, Madère participe à l’efflorescence de ce style, surtout pour les édifices religieux. Pour en voir un exemple, et même celle qui est considérée comme la plus grande église de style baroque de l’île, il est conseillé de se rendre au pied de l'igreja Matriz de São Jorge, qui fut construite en 1761 dans la commune éponyme.

Les quintas, anciennes demeures coloniales

Impossible d’aller à Madère sans admirer certaines des plus jolies quintas. C’est au XVIIIe siècle, dans les environs de la capitale Funchal, que ces anciennes fermes sont transformées en de magnifiques villas qui arborent un style colonial baroque. Les quintas se trouvent au milieu de jardins fleuris et où prennent également place une chapelle privée, un potager et de petites maisons destinées aux plaisirs des habitants.

Ces vastes maisons de maître sont aujourd’hui devenues des musées, comme le musée de la Quinta das Cruzes qui abrite du mobilier portugais et étranger, de la joaillerie, des sculptures et des céramiques. Ce sont aussi des lieux qui servent d’hôtels haut de gamme. Citons la Quinta do Furão, établissement de la côte nord-est de l’île, et la Quintinha São João, un manoir historique avec piscine extérieure et spa.

Le lien entre l’histoire du sucre et le mobilier

La production de sucre est, de façon surprenante, à l’origine d’un style de meubles propre à Madère : les meubles en « caisse à sucre ». À partir du XVe siècle, en effet, on introduit à Madère la culture du sucre. C’est alors une denrée de luxe et on le transporte dans des caisses spéciales faites à partir de bois de laurier, à l’odeur plutôt désagréable. Dès la seconde moitié du XVIe siècle, la concurrence brésilienne, dont les coûts de production sont largement inférieurs, oblige Madère à renoncer progressivement à sa production. Toutefois, c’est par l’archipel que transitent les exportations de sucre du Brésil vers l’Europe. Les caisses utilisées pour le transport sont alors en acajou, un bois brésilien fort résistant, jusque-là inconnu à Madère et que ses habitants vont beaucoup apprécier. On voit alors apparaître toutes sortes de mobiliers construits à partir de ces caisses. Le style s’affirme progressivement et l’on en vient finalement à produire des meubles à partir de variétés locales de bois ! L’arrivée des marchands de meubles anglais au début du XVIIIe siècle marque la fin de cette mode. Cependant, on trouve aujourd’hui encore de nombreux exemples de ce style dans les musées et chez certains particuliers, comme dans la Quinta das Cruzes.

Les azulejos, influence du Portugal continental

Les azulejos, typiques de l’architecture portugaise, sont très présents à Madère. Le mot viendrait de l’arabe al zuleiq qui signifie « petite pierre polie », la tradition de la céramique remontant au Moyen Âge et à la présence des Maures. Ces carreaux de faïence qui servent à décorer les monuments sont issus d’une production de masse qui a pris place à la fin du XVIIe siècle. Les azulejos ont évolué au cours du temps et portent les marques des principaux styles qui se sont succédé au Portugal, du manuélin à l’Art déco. On en voit des plus ou moins récents sur les façades des édifices publics, des banques, des maisons, des hôtels, et même d’un concessionnaire automobile japonais, bref un peu partout ! On trouve sur les azulejos des scènes religieuses, mais pas que, cela peut tout aussi bien être des scènes de la vie courante. Pour voir de très belles compositions, il faut se rendre du côté de l’entrée du Mercado dos Lavradores à Funchal.

Si le bleu et le blanc dominent, les azulejos peuvent aussi arborer d’autres couleurs qui symbolisent des éléments naturels comme des fleurs, des fruits et des feuillages.

Une place pour le contemporain ?

Madère n’est pas le lieu idéal pour ceux qui rêvent de voir de l’architecture contemporaine à profusion. Mais il faut tout de même noter la présence de quelques monuments à l’architecture intéressante, à commencer par le Casino de Madeira, œuvre de l’architecte brésilien Oscar Niemeyer, qui a été inauguré en 1976. Son design circulaire ainsi que les contreforts qui entourent la structure principale rappellent un autre monument construit par l’artiste : la catedral metropolitana Nossa Senhora Aparecida de Brasília.

Situé dans la municipalité de Calheta à 30 minutes de Funchal, le Mudas-Museu de Arte Contemporânea a lui été conçu par l’architecte Paulo David. Il est une extension de la Maison de la culture de Calheta et a été construit à base de roches volcaniques. Son architecture globale est sobre et le monument a été récompensé au niveau international pour sa parfaite intégration dans le paysage local. Depuis ce fascinant musée contemporain, on bénéficie de plus de panoramas sur la mer et les collines environnantes à couper le souffle.