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La forêt laurifère de Madère

Vestige d’un type de forêt vieille de plusieurs millions d’années, elle ne subsiste qu’en Macaronésie, aux Canaries, aux Açores et à Madère. Pourtant, il y a tout au plus 40 millions d’années, elle recouvrait une bonne partie du sud de l’Europe et du bassin méditerranéen. La forêt indigène peuple les secteurs sauvages de la côte nord, étagée entre 300 et 1 400 mètres. Elle vit dans un milieu où l’humidité est supérieure à 85 %. Quatre espèces d’arbres issues de la famille des lauracées dominent la forêt de Madère : le barbosano ou laurier de Ténériffe (Apollonias barbujana), le vinhático ou laurier royal (Persea indica), le til ou laurier de Madère (Foetid laurel) et le loureiro ou laurier des Açores (Laurel). D’autres espèces endémiques, telles que le fameux géranium de Madère (Geranium maderense), poussent dans ces milieux humides. Arbres à muguet, bruyères arborescentes, genêts sauvages et pittosporums s’y observent aussi communément. Sans oublier la ribambelle d’espèces de fougères (une quarantaine environ), les 80 espèces de plantes vasculaires endémiques de Madère, les bryophytes, les mousses (dont une vingtaine d’espèces menacées) et les lichens.

Un conservatoire de biodiversité...

Un climat subtropical humide au nord et sec au sud a permis la prolifération d'une flore diversifiée à Madère. Eden fleuri, Madère éblouit davantage au printemps lorsque l’éclosion des bourgeons tapisse ses vallées d’un panel de couleurs acidulées. L’orange vif des oiseaux de paradis, le mauve du bougainvillier, les teintes douces des fragiles orchidées ou l’exotisme du tison de Satan composent la flore bigarrée de l’île. Cette richesse biologique, aidée par un climat doux toute l’année, est également le fruit du travail passionné des botanistes qui ont introduit dans le paysage naturel de Madère des espèces collectées dans le monde entier, et ce, dès les premiers siècles de colonisation.

…qui s’épanouit jusqu’aux montagnes

Les hauts sommets de Madère bénéficient quant à eux d’un climat tempéré qui favorise la pousse d’une végétation typique de montagne. On y rencontre de nombreuses plantes endémiques : c’est le cas de la violette de Madère (Viola paradoxa) et de l’orchidée des montagnes. Les plantes herbacées et les bruyères, elles, abondent. Le plateau de Paúl da Serra avec sa surface plane sujette au vent et au brouillard présente une flore singulière dont les plantes ne dépassent que rarement les 10 centimètres. A Ribeira Brava, à Cabo Girão ou sur la Ponta de São Lourenço, un climat tout aussi venteux, mais bien plus aride, a encouragé la prolifération de plantes herbeuses et d’une flopée d’espèces endémiques, comme la vipérine élégante (Echium nervosum), avec ses reflets de bleu et de violet, ou l’Argyranthemum pinnatifidum, cousin de la marguerite.

Pigeon trocaz et faune endémique

Inféodé aux forêts de lauriers de la côte nord dont il apprécie les baies, le pigeon trocaz n’existe qu’à Madère. Cet oiseau rare bénéficie d’une protection stricte en tant qu’espèce menacée. Une protection qui a favorisé une augmentation récente de sa population. Il faut dire que son milieu naturel a été réduit de plus de 80 % lors de la colonisation de l’archipel. Il a d’ailleurs totalement disparu de Porto Santo qu’il habitait jadis.

C’est sur les versants montagneux du nord de l’île, au cœur de la forêt, que vous aurez peut-être la chance d’observer ce volatile à la robe grise uniforme, à la gorge rosée et à la nuque argentée, bien qu’il nidifie aussi dans quelques recoins isolés du sud de l’île. D’autres espèces à fort endémisme nichent dans la Laurissilva, à l’instar du roitelet de Madère (plus petit oiseau de Madère !), du pinson des arbres de Madère ou encore de la pipistrelle de Madère et de la noctule de Leisler, deux espèces rares de chauves-souris. Et pour ceux qui ont peur des petites « bébêtes », rassurez-vous, pas de serpents dans l’archipel, mais des milliers de lézards, une seule bête venimeuse (une araignée, la malmignatte) et une araignée vraiment effrayante, mais sans danger, la lycose aux pattes épaisses, sont à signaler.

Le Pétrel de Madère et l’avifaune marine

Lui aussi « en danger », plus menacé encore que le pigeon trocaz, le Pétrel de Madère est une autre espèce qui ne s’observe qu’à Madère. S’il s’agit d’une des espèces d’oiseaux de mer les plus menacées au monde, il est encore possible de le débusquer dans quelques sites de reproduction nichés au creux des massifs du centre de l’île (entre fin mars et mi-octobre), près des plantes typiques de corniche, et de nuit. Le reste du temps, en mer, poissons et calamars constituent son alimentation principale, mais il est, en mer, plus difficile à identifier. Citons encore le goéland leucophée, une espèce de taille moyenne à la robe grise et aux pâtes jaunes qui nidifie en colonie sur l'îlot du Desembarcadouro (à la Ponta de São Lourenço), ou encore l'océanite de Castro, la sterne pierregarin et le pétrel de Bulwer.

Le phoque moine de la Méditerranée, une espèce en danger

Il n’est plus répertorié sur la liste des espèces en voie d’extinction depuis 2015, mais il demeure une espèce en danger. On récence près de 700 phoques moines de la Méditerranée (Monachus monachus) dans le monde, dont une quarantaine pour l’archipel madérien. Victime des menaces anthropiques, les îles Desertas, la Ponta de São Lourenço et l’îlot de Rocha do Navio constituent le dernier refuge atlantique de ce « loup de mer » au dos foncé et au ventre clair. C’est ainsi que les découvreurs portugais surnommèrent ce phoque aux drôles de moustaches qu’ils observèrent dans la baie de Câmara de Lobos ou la « chambre des loups ». Ce mammifère marin est le plus grand de tous les phoques moines (dont il existe trois espèces), et peut peser jusqu’à 400 kilos !

Outre la vingtaine d’espèces de cétacés (cachalots, baleines, dauphins…), on ne peut omettre de vous parler du fameux sabre noir (peixe-espada) qui vit tapi dans les profondeurs, au large de Madère. Et pour cause, vous le consommerez à toutes les sauces lors de votre voyage ! Ce n’était pourtant pas gagné avec ses allures d’anguille vernie de noir, son corps long comme une épée et sa mâchoire pointue armée de dents acérées. De toutes les espèces de baleines, le cachalot, qui peut atteindre des profondeurs de 3 000 mètres, est quant à lui le champion de la plongée. Dès le XVIe siècle, on pêchait la baleine à Madère, notamment pour sa graisse et son huile, utilisées à des fins médicales et industrielles. La viande était mangée et les os étaient transformés en fumier, l’ambre était recherché pour sa senteur et l’huile de foie prisée pour sa teneur en vitamine D.