1419

João Gonçalves Zarco, à en juger par le succès de son nom dans les firmes de Madère, est bel et bien le « découvreur officiel » de l'archipel. Envoyés en mission sur le chemin du Cabo Bojador (que l’on surnomma le « cap de la peur »), Zarco et le navigateur Tristão Vaz Teixeira débarquent pour la première fois sur l’île de Porto Santo en 1419, balayés par une terrible tempête. Ce n’est qu’un an plus tard qu’ils accostent à Madère, accompagnés de Barthélemy Perestrello et du pilote Jean Moralès. Ils baptisent l’île « Madeira » (« bois »), car elle est couverte de forêts. 

João Gonçalves Zarco (vers 1390-1470)

Ce navigateur portugais né en 1390 était un écuyer d’Henri le Navigateur (prince du Portugal et figure majeure des Grandes découvertes portugaises). Le prince lui conféra le titre de chevalier après son illustre participation à la prise de Ceuta menée par les Portugais contre le Sultan marocain en 1415. Une victoire décisive pour le prince Henri qui décida par la suite d’envoyer Zarco explorer les côtes africaines. 

Statue de João Gonçalves Zarco © LizaFoto - shutterstock.com.jpg
La légende des deux amants

Au XIVe siècle, un Anglais et une Française vivaient une belle histoire d’amour quelque peu en dehors des liens sacrés du mariage. Elle s’appelait Anne d’Hertford ; il portait le nom de Robert MacKean, que les Portugais traduisirent par « Machim » et que le premier Français qui passait par là prononça « Machin ». Fuyant un mari jaloux et un père colérique, les deux amoureux prirent le large et firent naufrage sur l’île de Madère. Si Anne mourut de maladie et Machin de tristesse, les marins qui les accompagnaient, de retour vers l’Angleterre, furent capturés et vendus comme esclaves au Maroc. L'histoire serait ensuite arrivée aux oreilles des Portugais dont le sport national était alors la découverte du monde ! Ce ne serait donc pas tout à fait un hasard si le téméraire Zarco a mis le cap sur Madère.

1427-1465

A défaut de plaines faciles à cultiver, le climat et la fertilité du sol, accrue par les cendres de l’incendie, allaient permettent toutes les cultures. La canne à sucre, importée de Sicile, devient l'une des principales productions, faisant de Madère un point important du commerce mondial. Le pain de sucre remplace même, sur le drapeau de Funchal, l'emblème des châteaux portugais. On fait également venir de la vigne de Crète qui, elle aussi, contribue grandement au développement économique de l'archipel. Les colons affluent en nombre pour prendre part à l’épopée rurale de Madère. Zarco meurt en 1465, laissant derrière lui un territoire prospère alimenté par une main-d’œuvre essentiellement constituée d’esclaves guinéens. 

1478

En escale sur l’île pour commercer sur ces terres riches en cannes à sucre, Christophe Colomb fait la rencontre d’Isabel Moniz, fille du gouverneur de Porto Santo qui devient sa femme. Véritable « or blanc », le sucre attire en effet de nombreux négociants dans l’archipel durant l’ère sucrière et, parmi eux, l’illustre Christophe Colomb qui aurait, paraît-il, eut à Madère l’idée de lancer une expédition sur la route des Indes. 

Christophe Colomb (1451-1506)

S’il n’est pas le premier homme à avoir découvert l’Amérique, le célèbre navigateur fut l’un des premiers instigateurs des explorations européennes vers le continent américain. Il débarque à Madère en 1478 pour le compte d’un négociant génois en vue d’acheter du sucre et déniche au passage de précieuses informations concernant la navigation (cartes maritimes, traités…). Mais cela ne sera pas suffisant pour convaincre le roi João II ou « le Prince parfait » de rallier les Indes par l’ouest. En plus d’avoir un fils sur l’île de Porto Santo, le découvreur se doutait-il, en ramenant du sucre de son voyage d’affaires, qu’il allait mettre son grain de sel dans l’une des plus formidables découvertes de l’histoire de l’humanité ?

Statue de Christophe Colomb à Funchal © Jurgis Mankauskas - shutterstock.com.jpg

1479

Sur le plan politique, la Castille et le Portugal, alors dirigé par Alphonse V, signent en 1479 le traité d'Alcáçovas. Il stipule que le Portugal renonce à revendiquer ses droits sur la Castille et reconnaît donc ceux de la Castille sur les Canaries. En contrepartie, la Castille reconnaît les droits du Portugal sur les Açores, les îles du Cap-Vert et Madère. Les eaux baignant l’archipel de Madère allaient demeurer en paix pour un temps.

1497

Le roi décide de rattacher les deux capitaineries de l’île de Madère à la Couronne portugaise.

1508

Rattachée à la Couronne, Madère continue de se développer (surtout le sud de l'île, plus ensoleillé). La population y croît régulièrement. En 1508, Funchal obtient même le statut de Cité. Plusieurs villages sont alors fondés, comme Machico, Ponta do Sol, Calheta ou Santa Cruz. Mais les richesses de l'île font l’objet de convoitises et les pirates viennent régulièrement piller les côtes madériennes…

1566

Et les Français sont assez habiles à ce jeu : en 1566, Bertrand de Montluc, le fils du maréchal de Montluc, officiellement à la recherche de protestants en cavale, accoste à Praia Formosa après une étape à Porto Santo, accompagné de 1 300 hommes et de 11 galions. Quinze jours sur place suffisent pour mettre à sac Funchal et occire quelque 300 Madériens. Montluc périt dans la bataille, mais sa flotte a le temps de quitter l'île avant que l'armada portugaise n'arrive à la rescousse.

1578-1640

La disparition du roi portugais Sébastien Ier à Ksar El Kébir au Maroc plonge le Portugal dans le chaos, le laissant à la merci de la Couronne espagnole. En 1578, décidant qu'il était aussi roi du Portugal, Philippe II d'Espagne n'oublie pas Madère parmi les possessions de sa Couronne. L'archipel demeure ainsi possession espagnole durant soixante ans, jusqu'en 1640, quand, sous l'égide de João IV (surnommé « Jean le Restaurateur »), le Portugal retrouve son indépendance.

1662

Puis le mariage de l'Anglais Charles II avec la Portugaise Catherine de Bragance (fille de Jean IV) renforce la présence anglaise au Portugal, et plus particulièrement à Madère. On dit même qu'une clause particulière du contrat de mariage accorde aux Anglais résidant dans l'archipel des conditions particulièrement favorables.

1665

Grâce à un accord commercial entre Madère et l'Angleterre, le vin de Madère devient le seul autorisé à être exporté directement vers les colonies américaines, à la seule condition que son transport se fasse à bord de navires anglais. Voilà de quoi attirer sur l'île un grand nombre d'Anglais alléchés par les perspectives d'exportation de ce vin fameux. Ils y fondent même de grandes dynasties, comme celles des Blandy et des Leacocks.

1762

A l'aube du XIXe siècle, la production viticole est plus que jamais une activité lucrative pour l'archipel : on estime que le nombre de bouteilles de vin de Madère exportées était alors de 9 millions environ par an. Le déclin de la canne à sucre, qui laisse place à la viticulture, avait déjà sonné le glas de l’esclavagisme sur l’île, avant que ce dernier ne soit officiellement aboli par le Portugal en 1762. Dix ans plus tard, l’île de Porto Santo, quelque peu délaissée, est elle aussi rattachée à la Couronne portugaise.

1801-1814

Le début du XIXe siècle est marqué par les guerres napoléoniennes. Pour y faire face, le Portugal s'allie avec l'Angleterre qui envoie à plusieurs reprises des troupes pour protéger les habitants de l'île de Madère. Ainsi, entre 1801 et 1802 (signature du traité d'Amiens), puis, à nouveau, de 1807 à 1814, près de 4 000 soldats anglais posent le pied à Madère. Bon nombre d'entre eux se marient et s'établissent dans l’archipel. 

1815

Napoléon, lui, passe bien par l'archipel en 1815, mais il n’a alors ni le prestige d’un conquérant ni la faconde d’un négociant : l’île n'est qu’une escale sur la route de son exil à Sainte-Hélène, située dans l’Atlantique Sud. Exil définitif, celui-là. Lors de l’escale, seul le consul d’Angleterre reçoit l’autorisation de monter à bord du navire. Il en profite pour offrir à l’empereur déchu quelques bouteilles de vin de Madère millésimées, histoire de l’aider à passer le temps et d’oublier, peut-être, son infortune. Entre-temps, en 1807, Napoléon avait fait fuir la famille royale portugaise vers le Brésil. Elle y reste jusqu’en 1820, avant de revenir à Lisbonne.

1822

Pour répondre à la contestation montante du régime, la monarchie constitutionnelle est proclamée au Portugal. Un peu plus tard, c’est le Brésil qui, ayant acquis son indépendance, plonge le Portugal dans une grave crise économique, dont les effets se font sentir jusqu'à Madère. Les esprits s’échauffent peu à peu : ainsi, en 1847, la population locale se soulève. Tout au long de la seconde moitié du XIXe siècle, l’histoire de l’île est aussi marquée par de nombreuses vicissitudes. Les cultures sont atteintes par diverses maladies, comme le phylloxéra ou le mildiou qui détruit, à partir de 1852, près de 90 % des vignes ; puis en 1856, le choléra fait 7 000 victimes parmi une population d’environ 150 000 habitants.

5 octobre 1910

C’est la fin de la monarchie constitutionnelle, rongée par la corruption et la crise financière. La république du Portugal est proclamée. A cette occasion, Madère acquiert une large autonomie administrative. Le nouveau régime s’avère toutefois quelque peu instable : ainsi, entre 1911 et 1926, on assiste à pas moins de 44 changements de gouvernement (encore mieux que sous la IVe République française !).

1916

La Première Guerre mondiale apporte à l’archipel son lot de déboires et de désenchantements. Madère dispose en effet d’une position stratégique au milieu de l’océan Atlantique et les bateaux et sous-marins des flottes françaises et anglaises, alliées du Portugal, y font escale. Les 3 et 12 décembre 1916, l’armée allemande bombarde la flotte ennemie dans le port de Funchal. La ville est également touchée et on compte quelques victimes parmi les habitants de l’île. La forêt madérienne est mise à mal : le conflit mondial ayant fait s’envoler le cours du charbon, on la met sans vergogne à contribution pour ravitailler les bateaux de passage. 

1926

Menés par les généraux Gomez da Costa et Carmona, les militaires prennent le pouvoir au Portugal. La République disparaît. Mais les habitants de l’archipel ne l’entendent pas de cette oreille : en 1931, ils se soulèvent contre le régime dictatorial et entreprennent une grève générale. La répression de Lisbonne est sévère et met fin au mouvement au bout de trois semaines. Ce soulèvement populaire, s’il n’eut aucune conséquence directe au Portugal, n’en reste pas moins le seul qu’ait connu l’ensemble du pays et de ses possessions territoriales durant ces longues années de dictature.

1932

Salazar prend le pouvoir à la faveur du coup d’Etat mené par l’armée quelques années plus tôt. Professeur à l’université de Coimbra, puis ministre des Finances sous le régime militaire précédent, il paraît tout entier au service d’une idée : sauver le Portugal, lui redonner une place légitime dans le grand concert du monde. Personnage plutôt réservé, tourmenté, d’une logique extraordinaire, qui répugne à se soumettre aux « bains de foule », il prend peu à peu le contrôle du pays, n’hésitant pas, en période de crise, à cumuler plusieurs ministères. Sous le nom d’Estado Novo (Nouvel Etat), il instaure un régime très austère, autoritaire et discipliné, vigoureusement anticommuniste, antiparlementaire et officiellement catholique. Des prisonniers politiques sont déportés à Madère.

1964

Malgré l’instabilité politique qui touche le continent, l’archipel de Madère ne cesse de se développer. La construction de l’aéroport de Santa Catarina est achevée, favorisant le large essor touristique que connaîtra Funchal dans les années à venir. 

1974

Mais l’actualité politique rattrape l’archipel ! Le 24 avril 1974, le régime dictatorial est renversé par la révolution des Œillets qui marque la fin de la dictature de Salazar et l’instauration d’une vie politique démocratique. Les Madériens partisans de l’ancien régime s’enfuient au Brésil.

1976

L'archipel devient officiellement une Région autonome de la République portugaise.

1987

Avec le Portugal, Madère entre dans l’Union européenne, ouvrant de nouvelles perspectives. A travers les différents programmes d’aides régionales, l’archipel va grandement bénéficier de la construction européenne, à l’instar du FEDER (fonds européen de développement régional).

1990-2000

Les infrastructures de l’île se modernisent (construction de la voie rapide, aménagements urbains…). Son ouverture au tourisme européen s’élargit considérablement, injectant de nouvelles ressources providentielles dans l’économie de l’île.