Ecluse sur le canal de Moscou © Viacheslav Lopatin - shutterstock.com.jpg
Monastère de Valaam © Roman Babakin - shutterstock.com.jpg

Le canal de Moscou

Depuis le canal de Moscou, il faudra environ 10 heures et 6 écluses pour arriver à la jonction de la Volga. Aboutissement du rêve de Pierre le Grand, fondateur de Saint-Pétersbourg, et préfiguration de l’idée d’une liaison Moscou–Saint-Pétersbourg, le canal est officiellement inauguré en 1937. Staline peut désormais s’enorgueillir que Moscou ait un port relié aux 5 mers. Pourtant, la liaison avait été envisagée bien avant Staline. Dès 1825, un canal est creusé reliant Moscou à la Volga afin d’acheminer les matériaux nécessaires à la construction de la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou. Hélas laissé à l’abandon après la construction de la ligne de chemin de fer Moscou – Saint-Pétersbourg, il est dynamité, suivant les ordres de Staline. Ce dernier entreprend, à partir de 1930, d’en rebâtir un nouveau et opte pour une ligne droite. Sept ans et 200 millions de m3 de terres excavées plus tard, le canal est achevé. Il a nécessité des aménagements pharaoniques (digues, tunnels...). Le coût humain est conséquent : la construction des canaux signa l’arrêt de mort de nombreux prisonniers du Goulag.

D’Ouglitch à Kostroma

Naviguer sur ce tronçon, c’est partir à la découverte de l’Anneau d’or le long duquel s’égrènent les sites grandioses de la Russie des tsars.

Clocher de l’église Saint-Nicolas submergée de Kaliazine. Un peu avant d’arriver à Ouglitch, on remarquera le clocher de Kaliazine, délicatement posé sur le fleuve. À l’origine, c’est le clocher de la cathédrale Saint-Nicolas construite dans les années 1800 sur la place du village de Kaliazine, construit autour d’un monastère fondé au XVe et connu pour ses manuscrits rares. Staline fait raser ce monastère, et la construction du barrage va inonder toute la zone.

Ouglitch. Située sur la rive droite de la Volga, dans un environnement très boisé, Ouglitch est un des joyaux de l’Anneau d’Or : le fleuve dans son écrin. À droite, dans le vieux Kremlin, vous pouvez apercevoir la façade rouge et blanc et les bulbes bleu nuit constellés d’étoiles dorées de l’église Dimitri-sur-le-Sang-Versé et le dôme vert de la cathédrale de la Transfiguration. L’église de la Nativité-de-Saint-Jean-Baptiste qui possède un bulbe vert à écailles. Au centre, se dresse le palais de Dimitri.

Mychkine. Vous croiserez cette toute petite ville où tout a commencé par une histoire… celle d’un beau prince endormi un jour d’été sur les bords de la Volga. Après quelques heures, son sommeil est troublé par une petite souris lui courant sur le visage. Il se réveille en sursaut, épouvanté, non par la présence du petit rongeur, mais par celle d’un serpent. La souris, sans le vouloir, venait de sauver la vie du grand-prince ! À l’endroit où a eu lieu le miracle, le prince ordonnera à ses troupes de construire une cathédrale dédiée aux deux saints russes, Boris et Gleb. Une ville s’établira peu à peu autour d’elle, et sera baptisée… Mychkine, capitale des souris (mych en russe) et, chaque année, une fête unique leur est consacrée. La ville a donné aussi son nom au héros de L’idiot de Dostoïevski.

 Aux km 425-440, la ville de Rybinsk. Son nom, « ville de poissons », lui vient du XIIe siècle, lorsqu’elle était un centre de pêche slave. Si le premier contact est fort romantique (on aperçoit du navire les coupoles de la cathédrale), aujourd’hui, c’est surtout une cité industrielle, avec ses chantiers navals et son usine d’allumettes.

Au km 512, le monastère de la Présentation-de-la-Vierge ou couvent de Tolga sur la rive gauche, dans une forêt. Fondé au début du XIVe siècle, il est constitué de deux églises dont les tours sont couronnées de flèches grises.

Iaroslavl fait partie des plus anciennes et plus célèbres villes de Russie qui possède plusieurs églises splendides que vous pourrez apprécier depuis le fleuve. On s’y intéresse de près aux arts et l’on sait y prendre le temps de vivre. Les boutiques, les bars et les boîtes y sont plus accueillants qu’ailleurs dans le pays.

Kostroma a gardé son aspect du XIXe siècle, puisqu’aujourd’hui toute construction y a été interdite. Des 40 églises du XVIIIe siècle, il n’en subsiste que 10.

Voie navigable Volga-Baltique

Après avoir repassé l’écluse de Rybinsk, vous arriverez au début du canal Volga-Baltique. D’une longueur totale de 360 km, il s’est autoproclamé « canal le plus long du monde ». Ce n’est vrai qu’en partie, car il est constitué autant de voies artificielles que de cours d’eau naturels. Officiellement ouvert à la navigation en 1964 et nommé Lénine, il permet aux navires de relier le nord de la réserve Rybinsk au sud du lac Ladoga plus rapidement. En effet, le vieux système Mariinskaïa les obligeait à emprunter nombre d’écluses et de canaux. Les forêts occupent les deux tiers de la région. Les arbres à feuilles caduques et les conifères donnent une sombre majesté, et quel charme que celui de ces villages du bord de fleuve !

Tcherepovets. Fondée en 1777 au croisement de deux rivières, c’est aujourd’hui une ville industrielle surtout connue pour son musée consacré à Vassili Véréschaguine (1842-1904), l’une des grandes figures de l’art russe.

Au km 714, les ruines de la belle église inondée de Krokhino marquent l’entrée du lac Blanc.

Lac Beloïe. Le lac Blanc était considéré comme le lieu de pêche du tsar au XVIIe, alors que celui-ci ne s’intéressait pas vraiment aux poissons, mais plutôt aux impôts qu’il prélevait auprès des pêcheurs. Il constitue un véritable trait d’union pour les relations commerciales entre le nord et le sud de la Russie.

De Kiji à Saint-Pétersbourg

L’arrivée sur Kiji est spectaculaire, car après avoir croisé de nombreuses îles plus ou moins boisées, l’ensemble se détache au loin. Voilà un des moments forts de la croisière tout comme le passage de l’écluse du Bas-Svir qui permet d’entrer sur le lac Ladoga, ultime étape avant de s’émerveiller devant la grandeur pétersbourgeoise.

Lac Onega. Il a une superficie de 9 900 km² et une profondeur moyenne de 30 m qui peut aller jusqu’à 120 m. Cela en fait le second plus grand lac d’Europe, après le lac Ladoga, auquel le relie le Svir qui est le seul à en sortir. Au nord, le paysage est constitué de près de 1 300 îles, les rives rocheuses sont couvertes de forêts de pins. Au sud, les tilleuls et les ormes prennent la place le long des rivages de sable qui abritent des roseaux. Nous entrons là au cœur de la Carélie avec ses quelque 60 000 lacs et 25 000 rivières. Vous pourriez y rencontrer ours, lynx, élans, renards et loups sans parler des fameux cygnes et oies sauvages. Plus de 40 espèces de poissons cohabitent dans le lac. Il faut dire que l’eau du lac est d’une rare pureté et qu’elle serait excellente au goût. Le climat de cette région est particulièrement rude avec de très nombreux orages créant des houles pouvant atteindre 5 m sur le lac.

Des gravures rupestres sur des falaises à l’est du lac attestent d’une présence ancienne de tribus primitives. Et la région a été longtemps le principal producteur de bois. Aujourd’hui, elle fournit 22 % du bois scié et 44 % du papier russe. L’industrie du bois, premier employeur, a entraîné ainsi la création de dizaines de petites villes industrielles.

Petrozavodsk, aujourd’hui la ville la plus peuplée des alentours du lac, a été fondée en 1703 par Pierre le Grand, qui y a installé une fonderie de canons (Petrozavodsk signifie « usine de Pierre »). On y a fait venir les meilleurs armuriers du Kremlin, afin de réaliser canons, pistolets et diverses armes à feu. En 1798, elle deviendra la manufacture tsariste des poids et mesures, avant de connaître un déclin en raison de son enclavement.

On citera également Medvezhegorsk, petite ville industrielle, Pryazhya, à 40 km au sud, réputée pour son festival d’humour, et Pudozh, la plus exotique, l’une des plus vieilles villes de Russie.

L’île de Kiji offre de superbes exemples d’architecture religieuse et traditionnelle paysanne : maisons, greniers, granges, moulins à vent. L’architecture civile du nord est caractérisée par le fait que l’hiver long et rigoureux impose l’organisation de la vie à l’intérieur.

Le Svir. Après avoir traversé le lac Onega du nord au sud, le bateau entre dans le Svir. Bien que de taille modeste (224 km), il est un véritable enchantement pour ceux qui le parcourent. Prenant sa source dans le lac Onega pour se jeter dans le lac Ladoga, les deux plus grands lacs d’Europe, on le surnomme « la route bleue » en raison de ses méandres sinueux, sa traversée des marécages, forêts denses et villages alanguis.  

Svirstroy. Ce petit village est situé à la hauteur du km 1 087, peu après que les rivières Mondraga et Sara ont rejoint le Svir. Une halte ici permet de découvrir les maisons en pierre et bois des anciens ouvriers et la population locale habituée à recevoir des touristes.

Aux km 1 159-1 166, l’embouchure du fleuve mesure 700 m de large. Au-delà des rives, cette région de 40 000 ha forme une grande réserve naturelle où vivent ours, lynx, élans et nombreuses espèces d’oiseaux.

Lac Ladoga. C’est sur ses eaux glacées, dont nous entamons la traversée au km 1 366, que transitait le ravitaillement de Leningrad lors du blocus allemand de 1941 à 1944, 1 million de Pétersbourgeois ont fui par cette voie, empruntant des navires en été et des camions en hiver. Ceux-ci utilisaient des routes de glace sur le lac gelé. Ses rives sont tantôt raides au nord et à l’ouest, avec des esquisses de longs, mais modestes fjords, tantôt marécageuses et couvertes de forêts au sud-est. Sur la côte sud s’étendent de belles plages de sable. Beaucoup moins peuplées que celles du lac Onega, les rives du lac Ladoga sont parsemées de petites villes au charme suranné : Olonets, Sortavala, et Pitkiaranta qui survivent grâce à la pêche et de l’industrie du bois.

La perle du lac est incontestablement l’archipel Valaam, d’une superficie de 36 km², constitué d’une cinquantaine de petites îles, dont la principale, Valaam, est une réserve naturelle abritant l’un des monastères les plus prestigieux de l’Église orthodoxe russe. Sept lacs, au milieu d’une somptueuse forêt, de nombreuses criques et de petits chemins font de ce lieu un havre de paix propice au recueillement. Le monastère a été fondé en 992 par deux moines grecs. Il a connu un rôle très important au fil des siècles.

La Neva prend sa source dans le lac Ladoga et va jusqu’au golfe de Finlande où elle se jette dans la mer Baltique avec un estuaire imposant (280 km²). Avec une largeur de 250 à 1 300 m et des berges plutôt hautes entre 6 et 9 m, son parcours de 74 km est très varié et agréable. Par contre, la proximité de la mer Baltique et son climat pluvieux ne permettent pas de bénéficier à coup sûr du beau temps.

La Neva a toujours été un problème dans la relation entre les Russes et les Suédois. C’est à la source même du fleuve, en face de la ville de Petrokrepost, que le prince de Novgorod décide en 1323 d’édifier une petite forteresse en bois, sur la route commerciale reliant l’Europe de l’Est à la Baltique. En 1582, les Suédois tentent, en vain, de s’emparer de la citadelle. Jusqu’en 1914, la forteresse devient une prison, la plus redoutée de toute la Russie.

Après avoir dépassé, au km 1 330-b, Kivorsk, sa centrale hydroélectrique et sa production de fleurs, nous nous trouvons, au km 1 332-b, devant un pilier en granit dédié à la ville d’Arbuzovo, entièrement détruite pendant la Seconde Guerre mondiale. Le navire donnera sûrement un coup de sirène, en mémoire des soldats soviétiques qui y ont laissé leur vie.

Aux km 1 353-1 357-b, une église se dresse à l’endroit même où, le 15 juillet 1240, Alexandre Iaroslavitch, prince de Novgorod, a défait les troupes suédoises. C’est à partir de ce jour qu’il s’est fait appeler Alexandre Nevski.