21_pf_195476.jpg
The Fort of L'Esseillon, Val de la Maurienne, France par Joseph Mallord William Turner, aquarelle, 1835-36 ©  Bequest of Walter C. Baker, 1971 - The MET  .jpg

Les églises, refuge de l’art dans les Alpes

Les Alpes abritent d’importants musées des Beaux-Arts, notamment à Grenoble, mais il est incontestable que les collections d’œuvre d’art les plus importantes dans nos montagnes se trouvent dans les églises et les chapelles. Qu’il s’agisse de peintures murales, de tableaux, mais encore de sculpture ou de pièces d’orfèvrerie remarquables. Dans les Alpes, aux XVIIe et XVIIIe siècles, la foi des habitants et le talent d’artistes locaux – venus de France et d’Italie selon les vallées – ont permis la création de véritables joyaux. Et si certaines églises peuvent paraître austères de l’extérieur, il faut absolument rentrer à l’intérieur pour découvrir de petits paradis où les peintures nous racontent de belles histoires. Impossible de citer tous les lieux à visiter, mais les églises baroques de Savoie et Haute-Savoie, les chapelles des Hautes-Alpes offrent des trésors de fresques murales à découvrir au gré de vos escapades. Parmi nos coups de cœur, l’église abbatiale d’Entremont abrite un retable fantastique et un incroyable trésor. Le Musée d’Art Sacré du Monêtier-les-Bains regroupe une riche collection de bois polychromes.

Plus près de nous, deux églises attireront les amoureux des beaux-arts : l’église Saint-Hugues de Chartreuse en Isère et Notre-Dame de Toute Grâce à Passy en Haute-Savoie. La première a été décorée de 111 vitraux par l’artiste Arcabas. La seconde ornée par des artistes parmi les plus importants du XXe siècle est un véritable écrin d’œuvres modernes signés Rouault, Bonnard, Fernand Léger, Jean Lurçat, Henri Matisse, Marc Chagall, Georges Braque, Théodore Strawinsky, Jean Bazaine, Germaine Richier, Odette Ducarne… Sans doute un des lieux les plus inspirants des Alpes.

Naturalisme et paysages dans les Alpes au XIXe siècle

Autrefois les peintres sortaient finalement peu de leur atelier pour peindre un paysage qu’ils composaient plutôt à l’intérieur. Et si les campagnes françaises les inspiraient, ils ne connaissaient que très peu les montagnes. Suivant la vague des premières expéditions d’alpinistes et la piste des premiers touristes en directions des montagnes des Alpes du nord, de nombreux peintres des XVIIIe et XIXe siècles ont voyagé vers les sommets enneigés et ont été inspirés par les paysages. Joseph Mallord William Turner (1775-1851) a pris la route des Alpes en compagnie de Newbey Lowson, lui-même peintre amateur. C’est Lowson qui prendra en charge presque les frais de route, parmi lesquels la location d’un cabriolet et les services d’un guide suisse, dont les connaissances permettront à Turner de documenter et d’annoter ses dessins avec une précision inaccoutumée. L’itinéraire de Turner l’emmena de Grenoble à Genève. En l’espace de quelques semaines, Turner va découvrir des sites d’une extraordinaire diversité : solitude et âpreté du mont Blanc et de Chamonix, calme et sérénité du lac Léman.

Les dessins exécutés au cours du voyage montrent l’évolution – pratiquement au jour le jour – de l’imagination picturale et de la technique graphique de Turner, et ouvrent une fascinante perspective sur l’esprit d’un artiste dans une période d’intense stimulation. Turner choisit différents supports pour son travail, tantôt crayon sur papier teinté, tantôt couleurs. A son retour à Londres, il rassemblera les plus beaux dessins dans un album à l’intention de ses clients, qui en commanderont par la suite des versions plus achevées. Le Suisse Ferdinand Hodler ou le Français Henri Deluermoz, élève de Gustave Moreau, peintre animalier feront également de superbes représentations des Alpes au tout début du XXe siècle.

Les affiches publicitaires, une certaine image des Alpes

Bien avant les méthodes numériques actuelles, la publicité mettait à profit le talent des plus grands dessinateurs pour faire passer ses messages auprès d’un large public. A partir de 1880, les Alpes découvrent le besoin de se faire connaître pour attirer à elles des touristes essentiellement parisiens séduits par la nouvelle ligne de chemin de fer PLM – Paris-Lyon-Méditerranée – qui dessert les grandes villes des Alpes. Si les premières lithographies – Hugo Alési – sont plutôt naturalistes essayant de montrer les charmes des alpages, elles n’en sont pas moins ravissantes. Les plus belles affiches publicitaires voient le jour au début du XXe siècle pour vendre les charmes des stations de ski comme Chamonix ou plus encore, celles qui – dans les années 20 – s’inspirent du cubisme pour nous proposer des sujets – souvent des femmes en train de pratiquer une activité sportive – aux lignes droites et aux couleurs vives. On peut encore admirer les affiches réalisées par Roger Broders ou le Suisse Eric de Coulon qui ont permis au style Art déco de s’inscrire dans l’imaginaire populaire au moyen de ces affiches – qui valent aujourd’hui une fortune.

Les Alpes-de-Haute-Provence, tous les chemins mènent à l’art

Sortir des sentiers battus, c’est le propre d’un Petit Futé. Alors, sortons un peu des Alpes du nord qui reviennent très fréquemment dans ce dossier consacré aux Beaux-Arts, pour parcourir ensemble une route, explorer la Route de l’art contemporain à la découverte d’œuvres d’art installées de manière pérenne en pleine nature ou dans des lieux patrimoniaux le long d’un nouveau territoire d’itinérance  transfrontalier entre France et Italie qui passe par Digne-les-Bains, Jausiers, Château Arnoux, Seyne-les-Alpes et le col de Larche. L’occasion d’admirer une nature merveilleuse, des sites exceptionnels et des œuvres comme élément d’un paysage recomposé par l’artiste, comme ce Donjon de l’ours qui dort par Mark Dion à Seyne-les-Alpes.

Et si vous appréciez le Land Art, mouvement artistique où l’artiste fait cohabiter son œuvre avec la nature, l’arboretum de Roure, dans la vallée de la Tinée, propose un parcours en forêt parsemé d’œuvres alimentant la réflexion sur les rapports entre l’homme et son environnement. Autre aventure artistique à vivre dans les Alpes-de-Haute-Provence, le Refuge d’art Andy Goldsworthy : une randonnée pédestre de 150 km autour de la plus grande réserve géologique d’Europe avec, à chaque étape, une œuvre sentinelle à découvrir.

Grenoble Alpes Métropole, du musée au street-art

Chaque grande ville des Alpes – Annecy, Chambéry, Grenoble, Gap – possède un musée, un lieu dédié aux Beaux-Arts. Mais le Musée de Grenoble, considéré comme le premier musée d’art moderne en France, compte parmi les plus grands musées d’Europe pour ses collections d’art ancien ou d’art du XXe siècle. Les amoureux de peinture et de sculpture se régalent avec des collections allant du XIIIe siècle au XXIe siècle avec de grands chefs-d’œuvre de la peinture classique flamande, néerlandaise, italienne, espagnole, sans oublier toutes les grandes tendances de l’art contemporain. Parmi les artistes incontournables du Musée de Grenoble : Le Lorrain, Fantin Latour, Véronèse, Paul Gauguin, Claude Monet, Georges de la Tour, Gustave Doré, Canaletto, Ingres… pour les « classiques » ; Delaunay, Chagall, Picabia, Matisse, Modigliani, Léger, Delacroix, Giacometti, Klee ou Picasso pour les modernes. Sans oublier Munoz, Nauman, Andy Warhol, Polke ou Boltanski pour les contemporains.

Grenoble est une véritable capitale culturelle, non seulement à l’échelle des Alpes, mais aussi de la France et de l’Europe. C’est là que vit le jour en 1968 la MC2, maison de la culture, une des plus importantes scènes nationales de France. Placer l’art au centre du quotidien des Grenoblois, telle était la volonté d’Hubert Dudebout, maire de la ville de 1965 à 1983. Mais à cette époque, le street-art n’en était qu’à ses balbutiements et s’inscrivait de manière totalement illégale sur les murs de la ville sous forme de tags, graffs et autres gravures urbaines. Aujourd’hui, le street-art à Grenoble est non seulement reconnu comme art à part entière, mais il est aussi encouragé, notamment à travers la tenue d’un important festival – Street Art Fest Grenoble Alpes – qui se déroule chaque année. En 2022, ce sont 50 nouvelles fresques qui ont vu le jour sur les murs de la métropole grenobloise. L’office de tourisme vous propose même 3 parcours pour explorer la métropole tout en admirant les œuvres de street-art ! Si vous ne voulez pas suivre une visite guidée passionnante (Petit Futé vous la conseille vivement), vous pouvez aussi charger l’application du Street Art Festival qui vous conduira vers l’ensemble des œuvres créées depuis 2015.

La photo à l’assaut des Alpes

Les Alpes ne manquent pas de clichés. D’ailleurs, parmi les sites les plus photographiés de France, les Alpes comptent quelques spots incontournables, dont le palais de l’île et le pont des Amours à Annecy qui se classent dans le top 10. Mais au-delà des téléphones portables, et des selfies qui n’ont pas grand-chose d’artistique, la photographie a permis aux alpinistes de témoigner de leurs exploits sur des sommets vertigineux, réalisant de véritables œuvres d’art. Là encore, et sans doute pour des raisons pratiques d’accès aux montagnes du côté de Chamonix, les photographes les plus remarquables réalisent leurs clichés dans les Alpes du nord. Pierre Dalloz, membre fondateur du maquis du Vercors, ami d’Antoine de Saint-Exupéry, était un alpiniste accompli – avec à son actif plus d’une trentaine de premières, il fut aussi rédacteur en chef de la revue du club alpin français – avant d’être un photographe de montagne qui contribua à faire connaître la beauté des Alpes et dans quelles conditions extrêmes se pratiquaient les ascensions. Pour voir les Alpes avec le regard des premiers alpinistes, vous pouvez visiter le site de la Maison Tairraz de Chamonix, spécialiste de la photographie alpine, avec ses collections qui vous font voyager dans le temps et à travers le massif du Mont-Blanc.