Une jeune femme avec un chien, de Torii kiyonaga© Fletcher Fund, 1929- The MET.jpg

Urushi, ou l’art de la laque japonaise

La laque urushi est tirée de l’arbre laquier du même nom et s’est épanouie au Japon il y a plus de 2 000 ans. Les premiers objets en laque datent de la période Jōmon tardive (13 000 à 300 av. J.-C.). Jusqu'au Xe siècle, si la technique est largement autochtone, les motifs empruntent les formes et motifs chinois, avant que ne se développe de manière déterminante l’urushi japonais pendant les époques Nara (710-794) puis Heian (794-1185). La technique du maki-e, qui consiste à saupoudrer la laque d'or ou d'argent s'affranchit alors des techniques ancestrales. À l'époque Kamakura (1185-1333), la décoration d'objets de grande taille, le travail de la laque en relief et la technique d’incrustation de perles (ou raden) se développent. Les shōguns portant une grande admiration aux produits chinois ; cette période voit s'épanouir de nouvelles techniques mâtinées du savoir-faire des dynasties Song et Ming. Réciproquement, les laques s'exportent fort bien vers la Corée et la Chine. Au XVIe siècle, l'arrivée des Portugais fournit un nouveau marché, tandis que les Européens se prennent de passion pour les objets laqués. Plus tard, la reine Marie-Antoinette elle-même en fait la collection ! Depuis lors, la laque japonaise jouit d’une renommée internationale sans cesse renouvelée.

La sculpture japonaise, de la tradition bouddhique à la modernité

Au pays du soleil levant, la majorité des sculptures est liée à la tradition bouddhique, dont l’âge d’or est celui de l'école Kei, apparue au début de l’époque Kamakura (1185-1333) et influente jusqu’à la fin du XIXe siècle. Tout en restant liés au bouddhisme, les sculpteurs Kei contribuèrent au développement de cet art, affinant les traits des œuvres. Les deux grands noms de cette tradition sont Unkei (1151-1223) et Kaikei (1183-1223), qui, dans des styles très différents, ont marqué l’histoire artistique du pays. On trouve de nombreuses œuvres de cette période à Nara, à l’instar des Niō du Tōdai-ji.

Dans le Japon moderne, la sculpture inspirée du style occidental se développe, et tout particulièrement à Tokyo où de nombreuses statues et autres monuments sculptés ont dessiné le paysage urbain. Au XXe siècle, le pays donne naissance à de grands artistes qui marquent l’histoire de la sculpture moderne, par exemple Isamu Noguchi (1904-1988), également designer. Aujourd’hui, la sculpture contemporaine n’est pas en reste, avec des figures de proue comme Tadashi Kawamata (né en 1953) ou Kohei Nawa (né en 1975).

De l’influence chinoise au Yamato-e

La peinture japonaise est dotée d’une histoire très ancienne, comme en témoignent les objets décorés des périodes Jōmon (13 000 à 300 av. J.-C.) et Yayoi (300 av. J.-C. – 300 ap. J.-C.). C’est avec le développement de l’art bouddhique à l’époque de Nara (710-794) que la peinture, principalement murale, commence à s’épanouir de manière décisive. Cet art est fortement influencé par les dynasties Sui et Tang de Chine, où le paysage est à l’honneur. Ce n’est que plus tard, au début de l’époque Heian (794-1185), que naît le yamato-e, un style de peinture profane proprement japonais, plus décoratif, détaillé et inspiré du quotidien. Ne pas manquer de cette période le paravent avec paysage du Tô-ji, aujourd'hui exposé au Musée national de Kyoto, l’un des rares trésors d’alors toujours visible. Pendant les périodes Heian et Kamakura (1185-1333), les peintres vont donc illustrer la vie des religieux mais aussi celle de la noblesse et des grands personnages nationaux, notamment ceux des romans de la cour impériale. À la même époque, un nouveau style de peinture à l’encre monochrome venue de la Chine et fondée sur le lavis, voit le jour, mais il ne prendra réellement son élan que durant la période Muromachi (1336-1573). Sous le régime des Ashikaga, la représentation du paysage bénéficie du soutien de la famille régnante et est fortement influencée par le zen. Des moines, également peintres et calligraphes, à l’instar du célèbre Sesshū (1420 - 1506), s’emparent de la technique du lavis pour lui donner un style proprement japonais.

De Muromachi (1336-1573) à Meiji, la grandiose école Kanō

L’époque de Muromachi voit également l’essor de la fameuse école Kanō, qui, au plus près du pouvoir, va influencer l’archipel pendant plusieurs siècles. L’un de ses membres, Kanō Motonobu (1476-1559), mêle habilement des lavis légers et transparents à de larges lavis d'encre. Pendant l’époque Edo (1600-1868), l'école Kanō décore les résidences et les palais, notamment Eitoku Kanō (1543-1590) qui entreprend la décoration de la résidence de Hideyoshi Toyotomi. Le maître Tan-yu (1602-1674) décore quant à lui les sépultures de Nikkō et les mausolées du parc Shiba, à Edo, pour le compte des Tokugawa. Il décore également à Kyoto le Nan Zen-ji et le palais impérial.

Entre réalisme et formalisme, l’école Maruyama-Shijō

Face aux écoles officielles de l’époque, comme l’école Kanō, est créée l’école Maruyama-Shijō à l’initiative de Maruyama Ōkyo (1733-1795) et Matsumura Goshun (1752-1811), deux monuments de la peinture japonaise. Les artistes de l’école Maruyama-Shijō développent un style à la synthèse des deux grandes tendances du XVIIIe siècle : d’une part l’idéalisme des lettrés promu par les vieilles écoles, qui met en valeur la dimension décorative des œuvres, et d’autre part le réalisme, qui pose un regard précis sur la nature en s’inspirant du naturalisme scientifique occidental apporté par les Hollandais à Nagasaki.

L’estampe, une révolution dans l’art japonais

Il serait plus exact de parler de xylographie, ou gravure sur bois, une technique qui permet de reproduire à la fois images et textes et se développe à l'époque Edo (1603-1868) avec l’ukiyo-e, ou « images du monde flottant ». Le dessin est d'abord gravé sur un bloc de bois, avant d'être imprimé sur une feuille de papier. Si les amateurs d'estampes japonaises en Europe font souvent référence aux estampes érotiques – les shunga ou « images du printemps » –, les sujets représentés sont variés et correspondent aux centres d'intérêt de la bourgeoisie urbaine d’alors, en quête de culture et de divertissement : personnages populaires (courtisanes, acteurs de kabuki, lutteurs de sumo, yōkai), paysages et monuments. Cette nouvelle culture urbaine se développe tout d'abord dans le Kansaï, à Kyoto et Osaka, puis à Edo (aujourd'hui Tokyo). Elle correspond à une ère de paix et de prospérité, d’évolution sociale et économique qui s'accompagne d'un changement des formes artistiques. L’ukiyo-e, qui permet une reproduction sur papier peu coûteuse, concorde avec l’esprit de l’époque et ses images rappellent la fragilité du monde et la volonté de jouir des choses de la vie. Pour ne citer que quelques-uns des grands noms de l’ukiyo-e, il ne faut pas manquer les travaux de Torii Kiyonaga (1752-1815), Kitagawa Utamaro (1753-1806), Katsushika Hokusaï (1760-1849) bien sûr, ou encore Utagawa Hiroshige (1797-1858). Pour ce faire, rendez-vous au Ōta Memorial Museum of Art de Tokyo ou encore au minuscule et pittoresque Kyoto Ukiyo-e Museum.

Meiji (1868-1912), une rencontre avec l’esthétique occidentale

Si l'espace pictural est bouleversé au milieu du XVIIIe siècle par l’introduction de la perspective linéaire par les Hollandais de Nagasaki, les techniques occidentales ne jouent qu'un rôle superficiel jusqu’à l’ère Meiji. L'ouverture sur l'Occident à partir de 1868 provoque un engouement pour les méthodes européennes et particulièrement la peinture à l'huile, que le gouvernement se met à promouvoir activement. Si dans un premier temps les artistes japonais qui s’y essayent peinent à s'affranchir du style des maîtres européens, une voie nouvelle s’affirme à partir des années 1880. Le nihonga (littéralement « peinture japonaise ») incorpore ainsi des éléments de l’art occidental tout en respectant les règles esthétiques de la tradition japonaise.

C'est sous l’influence d’Ernest Fenellosa (1853-1908), sociologue américain proche des peintres Kanō, qu’est créée l'Université des Beaux-Arts de Tokyo en 1887. Elle vise à remettre en valeur l’art traditionnel japonais tout en le modernisant, sans pour autant se plier aux tendances européennes. Les recherches se multiplient et, tandis que l'huile se développe, certains reviennent au yamato-e, d’autres aux sources chinoises, ou d’autres encore au sumi-e. La peinture reste très attachée aux courants littéraires, et ce jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les peintres les plus représentatifs de cette période sont Meiji Hashimoto (1904-1991), Kokei Kobayashi (1883-1957) ou encore Yasuda Yukihiko (1884-1978). D’autres viennent chercher l'inspiration en Europe et aux États-Unis, à l’instar de Foujita (1886-1968).

La photographie, de l’influence européenne au règne nippon

La photographie est introduite au Japon en 1848 par l’intermédiaire des Hollandais de Nagasaki. L’un des premiers Japonais à s’emparer de cette technique est Shimazu Nariakira (1809-1858), un daimyō fasciné par les savoirs occidentaux. Avec l’ouverture croissante du Japon dans la seconde partie du XIXe siècle, davantage de matériel photographique circule et les étrangers commencent à parcourir l’archipel pour capturer ses habitants et ses paysages, ou y installent leur studio comme l’Italo-Britannique Felice Beato (1832-1909). Nombre de photographes japonais vont suivre, à l’instar de Ueno Hikoma (1838-1904) ou Shimooka Renjo (1823-1924). Le développement de la presse et de l’industrie photographique au début du XXe siècle encourage l’essor du photojournalisme, avec de grands photographes comme Ken Domon (1909-1990), Ihee Kimura (1901-1974) ou Yōnosuke Natori (1910-1962). Si la Seconde Guerre mondiale affaiblit le secteur, un nouvel élan s’impose dans les décennies qui suivent. Le pays devient le leader de la technologie photographique entre les années 1960 et 1980, et nombreux sont les praticiens japonais à honorer cette première place, à l’instar des incontournables Daidō Moriyama (1938), Nobuyoshi Araki (1940) ou Hiroshi Sugimoto (1948). Bien que depuis les années 1990 cette tendance se soit atténuée, la photographie d’art continue de se renouveler dans l’archipel, avec de talentueux artistes parmi les nouvelles générations, comme Mika Ninagawa (1972), Akihito Yoshida (1980) ou Motoyuki Daifu (1985).

Du néo pop art aux datas-artistes, une scène contemporaine hybride

La scène contemporaine japonaise est riche, diversifiée, et offre beaucoup à découvrir au-delà des stars du néo pop art comme l’incontournable Takashi Murakami (1962). Dans le domaine des nouvelles technologies, le pays s’illustre avec des artistes dont les travaux ont révolutionné notre rapport au multimédia, comme Shiro Takatani (1963) ou Ryoji Ikeda (1966). Ne pas manquer à ce sujet le musée TeamLab qui vient d’ouvrir à Tokyo, à la pointe de l’art digital. Dans une veine plus politique, l’archipel est également doté d’artistes critiques dont les œuvres engagées bouleversent les normes de la société japonaise, à l’instar de Makoto Aida (1965) ou Koki Tanaka (1975) et ses installations composites. Un autre pan de la création contemporaine se tourne vers la question de l’intime, avec des œuvres délicates et sensibles comme celles de Rei Naito (1961) ou Chiharu Shiota (1972). Pour les découvrir, rendez-vous au spectaculaire Mori Art Museum de Tokyo.

Un street art qui peine à gagner sa reconnaissance

Bien que le street art soit encore largement perçu comme du vandalisme au Japon, on peut trouver dans les grandes villes comme Tokyo et Yokohama plusieurs quartiers dotés de belles fresques ou d’œuvres malignes et discrètes qui jouent avec le décor urbain. À Shibuya, Harajuku, Shinjuku et Tennozu Isle notamment, le dédale des rues offre à voir quelques merveilles, parfois peintes sur les devantures ou rideaux des boutiques, rares lieux où l’on ne risque pas une grosse amende. Jeter un œil également à la carte du Koenji Mural City Project (www.bna-hotel.com/projects) qui encourage la création locale dans l’un des quartiers les plus underground de la ville ! Pour n’en citer que quelques-uns, les « blazes » des stars locales sont Suiko, Esow ou encore Aiko.