Découvrez DUBROVNIK : Architecture (et design)

Avec ses maisons de pierre aux toits de tuiles d’un rouge orangé éclatant, Dubrovnik arbore un visage d’une douceur toute méditerranéenne. Mais à l’abri de ses remparts, la Perle de l’Adriatique abrite des trésors, témoins d’une histoire pour le moins mouvementée. Puissants systèmes de fortification, églises et monastères illustrent l’effervescence médiévale. Les élégantes villas de la côte portent, elles, la marque de la Renaissance. Meurtrie par le séisme de 1667, Dubrovnik renaît sous les ors du baroque. Un temps séduite par la mode néo, la ville glisse ensuite dans une douce torpeur que la guerre viendra brutalement rompre. Depuis, secondée par l’Unesco, Dubrovnik ne ménage pas ses efforts pour réhabiliter son cœur historique désormais classé. La ville est aussi le point de départ idéal pour partir à la découverte des joyaux des régions de Kotor au Monténégro et de Mostar en Bosnie-Herzégovine. Alors, prêt pour le voyage ?

Aux origines

La région de Dubrovnik possède quelques intéressants vestiges romains. À Polače, les traces d’un des tout premiers villages de la zone sont encore visibles, et notamment les vestiges d’un immense palais, jouxté par des thermes et d’autres grandes villas. À Ston et Mali Ston, des pans de fortifications romaines sont encore visibles, tout comme les traces d’un urbanisme raisonné utilisant un découpage géométrique selon les deux grands axes que sont le Cardo et le Decumanus. Des vestiges de grandes villas agricoles, les villae rusticae, ont également été retrouvés. Monumentalisme et pragmatisme caractérisent cette architecture romaine. À Polače, des ruines de basiliques paléochrétiennes ont été retrouvées, tandis que l’église Saint-Michel de Ston représente un bel exemple de transition entre l’Antiquité et le Moyen Âge. Bâtie sur le site d’un ancien castellum romain, l’église possède la puissance et la sobriété d’un art roman naissant que l’on devine dans sa petite abside rectangulaire à laquelle mène une nef unique voûtée en berceau et séparée en trois travées par des doubleaux, des arcs perpendiculaires à l’axe de la voûte et appuyés contre la face intérieure des murs. De nouvelles recherches formelles qui s’accompagnent également de recherches stylistiques, comme en témoignent les superbes fresques. La chapelle romane de Lastovo avec son toit de lauze ou bien encore la chapelle Saint-Luc, sur l’île de Lastovo également, partagent cette même sobriété romane, à laquelle elles mêlent un travail de la pierre inspiré des traditions locales. Travail que l’on retrouve dans les maisons de pierre et toits de lauze et les petites chapelles des hameaux du Konavle.

Trésors médiévaux

Les fortifications actuelles de Dubrovnik datent principalement des XIIIe et XIVe siècles et révèlent l’ingéniosité d’une puissante architecture défensive. Côté mer, le fort Saint-Jean est relié à la tour Saint-Luc. Au large, un puissant brise-lames a pour fonction autant de protéger la ville des assauts de la mer que de ralentir l’avancée de potentiels ennemis. Un dispositif complexe qui protège les quais à arcades et arsenaux du port. Côté terre, zone soumise à des menaces plus importantes encore, les murailles peuvent atteindre jusqu’à 6 m d’épaisseur, tandis qu’à l’extérieur, un mur légèrement oblique a été ajouté pour protéger contre les attaques des canons. Un fossé défensif et la puissante forteresse Minčeta, originellement carrée puis progressivement arrondie et surélevée et au sommet orné de créneaux et mâchicoulis, renforcent le dispositif. À cela s’ajoutent d’autres tours, rectangulaires ou arrondies, de puissants bastions – tels le Mrtvo Zvono et le fort Lovrijenac, aux murs pouvant atteindre jusqu’à 12 m d’épaisseur –, ainsi que 2 portes auxquelles on accédait par d’imposants ponts-levis. Ces fortifications sont d’autant plus impressionnantes qu’elles épousent parfaitement la topographie accidentée du site. Un art de l’adaptation que l’on retrouve dans les volées d’escaliers menant aux remparts, ainsi que dans les ruelles étroites et les passages voûtés de la vielle ville typiques de l’urbanisme médiéval.
Alors que la plupart des villes de la région utilisaient l’eau de pluie, Dubrovnik, elle, s’approvisionnait à une source située à une dizaine de kilomètres dont l’eau était acheminée par un aqueduc en partie souterrain. C’est lui qui alimentait les belles fontaines de la ville, telle la grande fontaine d’Onofrio avec son élégant dôme. La fontaine porte le nom de son architecte, à qui l’on doit également le bel étage gothique du palais du Recteur. Cette période médiévale s’est également accompagnée d’une grande effervescence religieuse. Plan en croix, dallage en rosace, coupoles de pierre, motifs à redans et arcatures aveugles sont autant de motifs propres au roman qui s’exprime dans toute sa sobre puissance dans le monastère bénédictin de l’île de Mljet.
Les monastères de Dubrovnik, eux, opèrent une élégante transition entre roman et gothique. Le cloître du monastère des Franciscains est un chef-d’œuvre du roman tardif avec ses arcades portées par d’élégantes colonnettes jumelées aux chapiteaux sculptés. Le monastère des Dominicains, lui, n’est pas sans rappeler les forteresses médiévales… on comprend mieux dès lors pourquoi il fut en partie intégré aux remparts. Si l’abside de son église et romane, les arcades de son cloître ajourées de baies trilobées se font, elles, résolument gothiques. Mais les deux grands trésors médiévaux à ne surtout pas manquer sont Korčula et Ston-Mali Ston. Tous deux témoignent d’un urbanisme devenu outil du pouvoir. Construite par les Vénitiens, la ville de Korčula domine l’Adriatique du haut de son éperon rocheux. Ses murailles témoignent de l’évolution de l’architecture défensive, entre hauts remparts gothiques et bastions plus trapus. Une dizaines de tours rondes et carrés ponctuent un chemin de ronde qui entoure toute la cité. Korčula est aussi un magnifique exemple de symbiose entre architecture et nature. Les nombreux escaliers permettent de compenser la topographie accidentée, tandis que les rues incurvées ont été pensées pour éviter au vent de s’y engouffrer. Si l’on regarde la ville du ciel, on remarque que son plan a la forme d’un… poisson. Sa rue la plus longue en est la colonne vertébrale, elle-même traversée de dizaines de petites rues rejoignant aux extrémités le chemin de ronde. Au cœur de la cité, ne manquez pas la cathédrale dont les motifs sculptés typiques du gothique fleuri sont l’œuvre de Marko Andrijić, l’un des meilleurs tailleurs de pierre de la ville. Le grand complexe Ston-Mali Ston a été, lui, imaginé par la République de Dubrovnik pour démontrer son pouvoir. L’originalité de ce système défensif réside dans la forme pentagonale des remparts englobant les centres urbains, eux-mêmes pensés selon un plan en damier offrant une lecture claire de l’espace entre blocs résidentiels et grandes maisons patriciennes. L’organisation de la ville se fait le reflet de l’organisation de la société.

De la Renaissance au baroque

À Dubrovnik, la Renaissance est toujours teintée de gothique comme en témoigne le palais du Recteur. Son bel atrium et les chapiteaux historiés de son portique sont résolument Renaissance, mais son premier étage conserve la marque du gothique fleuri. Le plus bel exemple de ce mélange des styles est le palais Sponza dont on admire les arcatures nervurées et la loggia centrale aux arcs trilobés gothiques, et les belles galeries à arcades et les frontons et corniches décorés typiques de la Renaissance. Les résidences d’été des riches marchands et nobles de Dubrovnik se font les grandes représentantes des idéaux humanistes de la Renaissance. Si ces villas ont toutes leur identité propre, elles n’en possèdent pas moins des caractéristiques communes : taille modeste, plan en L, mariage des formes gothiques et Renaissance et surtout un jardin entièrement clos. Portiques, loggias et terrasses permettent une fusion entre intérieur et extérieur, tandis que de belles pergolas abritent les allées perpendiculaires bordées d’essences variées. L’Arboretum de Trsteno est un superbe exemple de cette architecture paysagère. Voyez sa fontaine de Neptune, ses grottes et statues et surtout son aqueduc, réplique étonnante des aqueducs romains. Le séisme de 1667 détruisit presque entièrement Dubrovnik. Mais la fière Raguse ne se laisse pas dompter par les colères de la terre et renaît sous les ors et la théâtralité du baroque. Architectes et urbanistes s’accordent sur un plan en damier, définissant au centimètre près largeur et longueur des rues et hauteurs des habitations. Une uniformité renforcée par l’obligation d’employer la pierre blanche de Dalmatie. Les façades gothiques et Renaissance sont remplacées par des façades aux consoles et balcons résolument baroques. Le plus beau représentant de ce renouveau urbanistique et architectural est le Stradun (« grand-rue » en vénitien), grande artère dallée de blanc et bordée de galeries et boutiques et que beaucoup surnomment « les Champs-Élysées de Dubrovnik » !
En matière religieuse, ce sont les Jésuites, grands artisans de la Contre-Réforme, qui vont contribuer à la diffusion du baroque. Imaginée par l’architecte Andrea Pozzo, sur le modèle de l’église du Gesù à Rome, l’église jésuite Saint-Ignace de Dubrovnik est l’un des plus beaux complexes baroques de la région. Formes torses et arrondies, frontons stylisés et dômes élégants décorent sa silhouette extérieure, tandis que moulures, fresques et dorures inondent l’intérieur. Ne manquez pas non plus le superbe escalier conçu par Pietro Passalacqua reliant le collège jésuite au reste de la ville. Avec leurs dômes stylisés et leur profusion ornementale, l’église Saint-Blaise et l’église de l’Assomption portent également la marque de ce foisonnant baroque.

Depuis le XIXe siècle

Français et Autrichiens convoitèrent la région de Dubrovnik, comme en témoignent la forteresse napoléonienne de l’île de Lastovo ou la résidence d’été que se fit construire, sur l’île de Lokrum, Maximilien de Habsbourg. Avec son beau jardin botanique, cette villa se fait très néo-Renaissance. Une vague néo qui se fait très légère à Dubrovnik. Certaines façades se parent d’harmonieux frontons et corniches néoclassiques, tandis que le Théâtre municipal se fait néogothique. Au tournant du XXe siècle, certaines grandes villas se parent de motifs végétaux stylisés et de ferronneries d’art inspirés des idéaux de l’Art nouveau. Une période qui voit également les petits ports se transformer progressivement en stations balnéaires prisées, à l’image de Vela Luka sur l’île de Korčula. C’est sur cette île que Drago Ibler, grand maître du modernisme fonctionnaliste croate, réalisa des villas aux lignes géométriques épurées. Terriblement meurtrie par la guerre de Croatie des années 1990, Dubrovnik fait l’objet d’un grand programme de restaurations coordonné par l’Unesco. Grâce à ces efforts acharnés, le cœur historique de la ville est désormais classé. Un classement qui s’est accompagné d’un afflux sans précédent de touristes entraînant aux abords de la ville la construction de marinas et autres grands complexes hôteliers… autant d’éléments qui ont récemment menacé le classement même de la ville à l’Unesco. Fort heureusement, certains font le choix d’une architecture contemporaine tout en sobriété, à l’image de la célèbre agence 3LHD, basée à Zagreb, à qui l’on doit ici la V2 House aux lignes minimalistes et aux vues imprenables sur la mer, la rénovation du mythique hôtel Le Belvédère, la House U en pierre locale blanche, ou bien encore le One Suit Hotel à Mlini aux lignes sobres et épurées et à la façade reconnaissable à son aspect argenté brillant permis par un plâtre mêlé d’un granulat de verre. Étonnant !

Escapades au Monténégro et en Bosnie-Herzégovine

Depuis Dubrovnik, il vous sera très facile de rejoindre quelques-uns des plus beaux sites monténégrins. Risan d’abord, avec les vestiges de l’acropole gréco-illyrienne sur la colline de Gradina, et ceux du forum et des fortifications romaines, sans oublier les somptueuses mosaïques des villas patriciennes, faites d’un méticuleux assemblage de petits cubes ou tesselles dessinant des motifs géométriques ou floraux. Kotor, ensuite, le joyau médiéval classé du pays. Voyez son spectaculaire système de remparts long de près de 4 km. Fermés par trois portes massives, ces murailles pouvaient atteindre 15 m d’épaisseur et 20 m de haut. Entièrement ceinte de remparts, la cité se déploie dans un enchevêtrement de venelles, ruelles et placettes pavées typiquement médiéval. Si elle possède encore quelques édifices romans et gothiques à l’image des églises Sainte-Anne et Sainte-Marie, Kotor porte également la marque d’un baroque vénitien. La Sérénissime fit en effet reconstruire la cité après le séisme de 1667. La place d’armes, la tour de l’horloge et les palais organisés autour de grandes cours intérieures et aux façades rythmés de balcons et consoles à volutes sont typiquement vénitiens. La puissante République imposa également son système de défense maritime baptisé Stato da Mar, dont les fortifications bastionnées devaient protéger ports et routes maritimes de l’Adriatique. L’autre joyau monténégrin à ne pas manquer est Perast, qui a connu son âge d’or aux XVIIe et XVIIIe siècles. 200 palais, 100 demeures et 14 églises y déployaient alors leurs lignes symétriques et leur richesse ornementale. Façades à bossage, fenêtres palladiennes trilobées, loggias, balustrades joliment courbées, pignons stylisés… chaque édifice participe à transformer la ville en un véritable décor. Ne manquez pas le palais Bujović avec ses arcades et sa terrasse ceinte d’une balustrade ornée du lion de Saint-Marc, Notre-Dame-du-Rosaire avec son impressionnant campanile octogonal, ou bien encore l’église Saint-Nicolas et son campanile de 55 m de haut !
En Bosnie-Herzégovine, vous partirez sur les traces de l’Empire ottoman. Classée au patrimoine mondial de l’Unesco, la vieille ville de Mostar possède de véritables trésors, à commencer par le Stari Most, le Vieux Pont, qui donna son nom à la ville, et qui fut imaginé par l’architecte Hajruddin selon les plans et préceptes de son célèbre maître Mimar Sinan. Impossible de manquer son arche unique de plus de 28 m de portée et ses tours quadrangulaires qui le protègent. Ruelles en pentes pavées de galets ronds, échoppes traditionnelles et étals protégés par des auvents de pierre, fontaines, bains et hammams, mosquées… autant d’éléments qui plongent le visiteur dans un Moyen Âge oriental. Sans oublier les très belles maisons ottomanes que l’on reconnaît à leur mélange de pierre et de bois, à leurs balcons fermées, à leurs cours intérieures et à l’organisation de la maison autour de l’unique pièce publique : le diwan. Le village-forteresse de Pocitelj abrite également de très beaux trésors orientaux. Voyez la mosquée Hadj Halija, superbe exemple du style ottoman classique avec une pièce unique surmontée d’un dôme. La mosquée était également reliée à des hammams, imarets (cuisines solidaires), auberges, caravansérails et médersas pour former un grand complexe urbain et spirituel. Organisée autour d’une grande cour intérieure et reconnaissable à ses six dômes (cinq petits pour les salles de cours et un grand pour la salle de lecture), la médersa de Pocitelj est immanquable. Entre influences orientales et méditerranéennes, le village-forteresse possède également de très belles maisons. Dubrovnik est une porte ouverte sur des cultures uniques !

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