THÉÂTRE ET CITADELLE DE BOSRA
Du birket Al-Hadj, on gagne rapidement la citadelle. De l’extérieur, rien ne laisse deviner le merveilleux monument enserré derrière ses hauts murs. Un fossé profond, un pont-levis et huit tours carrées massives en forment la défense. Des archères se dessinent dans les murs hérissés de mâchicoulis et surmontés de chemins de ronde. La majeure partie des travaux date de l’époque ayyoubide et sont l’initiative de Malik al-Adil, frère de Saladin. Seule la forme semi-circulaire a de quoi intriguer.
Passé quelques sombres galeries, le visiteur débouche, ébloui, à l’intérieur d’un théâtre romain parfaitement conservé. « Un théâtre militaire, voilà certes plus qu’il n’en faut pour exciter notre curiosité archéologique », remarquait le voyageur français Guillaume Rey en 1854. A cette époque, l’intérieur était encore encombré d’une mosquée et d’un arsenal.
Après de longs travaux qui ont duré jusqu’en 1947 et qui ont permis le dégagement des gradins et des passages, le théâtre put enfin renaître.
Ainsi, c’est sa conversion en place forte, entreprise dès l’époque omeyyade, qui a finalement permis de le garder intact : il n’est guère que le théâtre d’Aspendos (en territoire turc) qui soit dans un état aussi exceptionnel de conservation.
Sa construction remonte au milieu du IIe siècle. Les trois rangées de 14, 18 et 5 gradins de la cavea sont parfaitement conservées. Elles permettaient d’accueillir 9 000 spectateurs. Son diamètre de 100 m le range en troisième place des théâtres de Syrie, après Apamée et Cyrrhus.
Mais à la différence de ces deux derniers, ce théâtre n’est pas adossé à une colline. Un réseau complexe de galeries logées dans les substructions toujours en service permettent l’accès aux gradins. Du proskenion (scène), où évoluaient les acteurs, on accède par quelques marches à l’orchestra où se tenaient les chœurs. Derrière le proskenion, le décor est traité comme une façade de palais à trois étages. Seule la décoration du premier niveau demeure, avec ses colonnes aux chapiteaux corinthiens. Raffinement ultime, un vélum de soie était tendu au-dessus des spectateurs pour les protéger de l’ardeur du soleil en été et de la pluie fine de l’hiver. Le grand rideau renvoyait sur le public en fines gouttelettes l’eau parfumée que l’on faisait évaporer.