La Corée du Nord est certainement le pays le plus fermé du monde et le dernier des bastions du totalitarisme communiste. Cette relique anachronique de la guerre froide survit désormais difficilement, quasi délaissée par ses anciens alliés chinois et russes. Son idéologie dominante, le juche, ou autosuffisance, façonnée par le leader mythique Kim Il-sung décédé en 1994, semble plutôt un échec, au vu de l'état désastreux de l'économie. De récentes catastrophes naturelles en série (inondations, choléra...) ont plongé le pays dans une misère et une famine sans précédent. Les nombreuses aides internationales, venues principalement de Chine, et même du Sud, se sont montrées insuffisantes, et les défections se sont accélérées. On a assisté à de nombreux mouvements de population, beaucoup essayant de fuir vers la Chine, et les premiers boat-people nord-coréens ont fait leur apparition en Corée du Sud il y a peu. Le régime reste cependant en place, et Kim Jong-il, le fils et héritier désigné du Grand Leader, occupa le poste suprême pendant près de deux décennies. Sa mort en décembre 2011 a une nouvelle fois justifié un espoir de changement, mais l'intronisation au pouvoir de son fils cadet, Kim Jong-un, troisième dirigeant d'un régime dont le pouvoir est fortement associé au clan Kim, a confirmé le caractère statique du régime, en dépit de quelques timides réformes soutenues par Jang Song-taek, oncle du jeune Kim et véritable régent (exécuté en 2013). En Corée du Nord, les années passent et le clan Kim reste solidement installé au pouvoir... le tout sur fond de menace nucléaire, avec six essais à ce jour, le dernier en septembre 2017.
Quelques négociations bilatérales, les premières depuis 1994, ont vu le jour depuis l'arrivée au pouvoir des démocrates en Corée du Sud en 1998. Kim Dae-jung était très engagé dans le processus de réunification avec sa sunshine policy. On a ainsi pu assister à deux sommets intercoréens en 2000 et 2007 durant lesquels le président sud-coréen et son successeur Roh Moo-hyun rendirent visite à leur homologue du Nord à Pyongyang, deux visites historiques. Suite à l'épisode réussi des JO d'hiver organisés en Corée du Sud en février 2018, un véritable processus de rapprochement entre les deux Corées s'est amorcé. En avril 2018, un sommet historique entre les deux pays a abouti à une déclaration commune s'engageant à une dénucléarisation complète de la péninsule et à la fin de toute activité hostile. Kim Jong-un devrait aussi accueillir à Pyongyang son homologue du Sud et rencontrer le président américain au cours de l'automne 2018.
Tous les pays européens, sauf la France, ont reconnu diplomatiquement la Corée du Nord suite aux premiers efforts de dialogue. On peut dès lors se poser la question essentielle : doit-on voyager en Corée du Nord ? Dans les conditions actuelles, l'argent du tourisme ne profite qu'au régime et n'améliore en rien les conditions de vie de la population. Mais comme cela représente bien peu finalement, vu le petit nombre de touristes, cette question n'est peut-être pas primordiale. Le vrai problème est le coût élevé d'un tel voyage pour une liberté de déplacement minimale. C'est regrettable, car la Corée du Nord, un des berceaux de la civilisation coréenne, terre d'origine des grandes dynasties de Goguryeo et Goryeo, est riche en monuments naturels et historiques. Elle abrite les plus belles montagnes du pays, Geumgangsan et Baekdusan, réputées pour être parmi les plus beaux paysages du monde. La taille du territoire, la population assez faible et l'industrialisation limitée à certaines zones ont préservé le pays et ses beautés naturelles. Pour beaucoup, c'est la Corée du Nord qui détient l'héritage culturel le plus authentique de la péninsule, du moins pour ce qui n'a pas été éradiqué par l'idéologie communiste. Il est évident qu'on y rencontrera moins d'occidentalisation qu'au sud où un capitalisme forcené a fait aussi des ravages. D'autre part, Kim Il-sung a largement favorisé par une politique ultra-nationaliste le développement et l'entretien de la culture et des arts traditionnels.
Il est possible de visiter la Corée du Nord. Les formalités sont cependant difficiles, notamment pour obtenir un visa. C'est pourquoi des agences spécialisées se chargent de ce voyage (voir rubrique) à la fois dans sa préparation et ses aspects logistiques une fois sur place.
Alors que voit-on ? Pourquoi y va t-on ? Pour comprendre ce mystère qu'est le régime de l'idéologie du juche ? Ce voyage ressemble plus à une photo dans le passé, tels les oubliés de la guerre froide. Le discours est uniforme et constant, il consiste à vous démontrer à toute occasion comment Kim Il-sung et Kim Jong-il ont oeuvré et continuent à oeuvrer à " accroître le potentiel de leur pays et à le rendre riche et prospère ". Attention, si le voyage vous intéresse, il sera essentiel de respecter les règles de ce pays, on vous les rappellera régulièrement, par exemple " ne pas plier " ou " mettre à la poubelle " un journal qui contiendrait une image d'un des " chers dirigeants ". Les visites sont dès lors peu conventionnelles : un marché, le métro, un mausolée, une statue géante de Kim Il-sung et ainsi de suite. Il s'agit plus de tenter de ressentir l'atmosphère de ce pays étrange, où certains buildings mesurent 50 m et où, pannes de courant fréquentes obligent, on se demande comment les habitants en grimpent les étages... Peut-être quitte-t-on la Corée du Nord avec plus de questions que de réponses ?