Découvrez la Colombie : Religions

La Colombie est surnommée « el país del Sagrado Corazón », le « pays du Sacré Cœur ». Tout comme la grande majorité des pays d'Amérique du Sud, la Colombie n'a pas échappé à l'immense poids de l'Église. Près de 80 % de la population se reconnaît dans cette religion et plus de 94 % se dit croyante. On s'en rend vite compte en voyageant à travers le pays, chacun affichant publiquement sa foi. L'accueil enthousiaste des foules donné au Pape François en 2017, et le grand nombre de fêtes honorant Jésus-Christ, la Vierge Marie et les saints (Santos) attestent de la grande ferveur du peuple colombien, toutes générations et classes sociales confondues. Dans ce contexte, et bien que le pays soit officiellement laïc depuis 1991, il n'est pas étonnant que l'Église catholique et d'autres groupes religieux issus du protestantisme surtout, jouent un rôle important dans les grands débats de société et les prises de décisions politiques.

Un pays profondément catholique...

La Colombie est l'un des pays les plus catholiques au monde. Il n’y a pas de recensement officiel concernant la religion des Colombiens, et les chiffres sont assez variables, mais la plupart des études indiquent qu’entre 75 % et 80 % des Colombiens sont catholiques. On croise effectivement beaucoup d’églises ou de salles de prières (salas de oración) un peu partout (aéroports, centres commerciaux, etc.), tandis que les chapelets et autres objets de piété sont partout, dans les voitures, maisons, ou sur les stands des marchés touristiques. La majorité des Colombiens sont baptisés et beaucoup vont à la messe, au moins le dimanche. La place donnée à Dieu est omniprésente dans la vie quotidienne. Ne vous surprenez pas de voir votre chauffeur de bus faire le signe de croix au départ du voyage et à chaque fois qu’il passe devant une église, ni d’entendre à tout bout de champ des expressions telles que Gracias a Dios (Grâce à Dieu), Si Dios quiere (Si Dieu le veut), Qué Dios me perdone (Que Dieu me pardonne), Qué la Virgen te acompañe (Que la Vierge t’accompagne), Qué Dios te bendiga y la Virgen te cuide (Que Dieu te bénisse et que la Vierge te protège), etc. Les fêtes religieuses traditionnelles, comme Pâques et la Semaine sainte, sont toujours au cœur des préoccupations et les jours concernés sont pour la plupart fériés. Les célébrations de la Semaine sainte font l'objet de longues processions, dans certaines villes, comme Popayan, Mompox, Tunja, Pasto et Pamplona. Plus tôt dans l'année, durant le mercredi des Cendres (miércoles de Ceniza) qui marque le début du carême, quarante jours avant Pâques, beaucoup de Colombiens se font dessiner à la cendre une croix sur le front avant de se rendre au travail. On célèbre évidemment aussi l'Ascension du Christ et l'Assomption de la Vierge Marie, le Corpus Christi, 60 jours après le Dimanche de la Résurrection, ou encore les apôtres Saint-Pierre et Saint-Paul (San Pedro y San Pablo), entre juin et juillet. Notre-Dame de Chiquinquirá est la patronne de Colombie et toutes les villes ont leur saint(e) patron(ne), comme la Virgen de la Candelaria (Notre-Dame de Candelaria) à Carthagène et Medellín, San Francisco (saint François d'Assise) à Quibdo, Santiago Apóstol (saint Jacques) à Cali, etc. Le 8 décembre, on rend hommage à l'Immaculée Conception de la Vierge Marie. Des manifestations qui commencent la veille au soir. Lors de ce Día de la velitas (le « jour des petites bougies ») qui dure tard dans la nuit, les habitants allument des bougies devant chez eux, pour célébrer le début des fêtes de la Nativité. Du 16 au 24 décembre, c'est la Novena de Aguinaldos (ou neuvaine à l'Enfant Jésus) : durant les neuf jours précédant Noël, amis et familles se réunissent chez les uns et les autres chaque soir, pour lire et chanter des cantiques. Ces célébrations qui ne se donnent qu'en Colombie (et dans certaines régions du Venezuela et d'Equateur) sont parfois bien arrosées et on se trémousse rapidement sur des rythmes de cumbias, ou sur les derniers tubes de reggaeton (aux textes « pas très catholiques » !).

Qui n'empêche pas une grande diversité religieuse

Le catholicisme est prédominant, mais d'autres religions ont trouvé leur place en Colombie. On trouve des protestants, des musulmans, des juifs, des hindouistes, des animistes... La coexistence entre groupes religieux est plutôt bonne et la tolérance est favorisée par la Constitution de 1991 qui reconnaît la liberté de culte.

Les personnes de confession protestante sont de plus en plus nombreuses. Elles représentent environ 13 % des Colombiens, mais les chiffres varient entre 12 % et 35 % selon les études. Les premiers protestants arrivés en Colombie sont des soldats anglais, venus appuyer les rebelles colombiens dans leur lutte pour l'indépendance au début du XIXe siècle. Les pasteurs de l'Église presbytérienne arrivèrent quelques années plus tard. Ils seront suivis dans la première moitié du XXe siècle par les missionnaires baptistes, mennonites et évangéliques. Dans les années 60, des mouvements plus fondamentalistes et prosélytistes débarquent des États-Unis : pentecôtistes, adventistes, témoins de Jéhovah, mormons... Ces dernières décennies, les églises néo-pentecôtistes et évangéliques ont pris beaucoup d'ampleur, surtout dans les milieux populaires et dans certaines régions, comme sur la côte Caraïbe. C'est le cas par exemple du Conseil des Assemblées de Dieu de Colombie, qui compterait 1 200 églises à travers le pays et environ 360 000 membres. Ces nouvelles Églises, aux moyens financiers énormes, semblent avoir plus de facilité à répondre aux attentes urgentes de la population, notamment des plus pauvres, qui ne se contentent plus d'un Si Dios quiere (« si Dieu le veut ») mais cherchent des solutions concrètes pour résoudre leurs problèmes existentiels. Les pasteurs multimillionnaires savent enflammer les foules réunies dans leurs méga-églises. Et nul besoin de rentrer dans ces mega-churches ostentatoires : dans les transports publics par exemple, il n'est pas rare de voir monter des prédicateurs invitant les autres passagers à écouter la parole de Dieu et à rejoindre leur église salvatrice...

Syncrétisme. La plupart des Autochtones et Afro-Colombiens se déclarent catholiques ou protestants. Mais dans les communautés rurales, la pratique du christianisme est souvent combinée avec des rites ancestraux. Au moment de la colonisation, les esclaves amérindiens et africains se sont vus imposer de force la religion catholique. Pour les convaincre de sauver leur âme, quand la brutalité et les menaces ne suffisaient pas, les missionnaires durent accepter la présence de rites traditionnels dans la pratique de la foi chrétienne. Pour les esclaves, c'était une question de survie, une forme de résistance. L'intégration de la religion des Blancs dans les cérémonies traditionnelles a été facilitée par le fait que Jésus-Christ et surtout la Vierge Marie furent présentés comme des êtres surnaturels à l'origine de l'univers ou de la vie. Ils ont ainsi pu être associés à d'autres divinités créatrices autochtones, à l'âme de la Terre Mère, ou à l'esprit d'animaux ou d'ancêtres. Ce syncrétisme religieux a traversé les siècles et des pratiques ancestrales accompagnent encore le culte des religions monothéistes dans certaines communautés.

Le Judaïsme et l'Islam comptent quelques milliers de membres (respectivement autour de 5 000 et 15 000), surtout dans le nord du pays, en particulier à Barranquilla, où des communautés proche-orientales se sont implantées à partir de la fin du XIXe siècle. A Maicao, dans la Guajira, la mosquée Omar Ibn-al-Khattâb est la deuxième plus grande mosquée d'Amérique latine.

On croise aussi pas mal d'hindouistes, la plupart du mouvement Hare Krishna, qui tiennent souvent des restaurants végétariens et des centres de yoga, et quelques pratiquants du bouddhisme dans les grandes villes. Pour terminer ce panorama, il faut signaler que de plus en plus de Colombiens, surtout des jeunes, se déclarent croyants, mais ne se reconnaissent pas d'une religion particulière. Les agnostiques et athées représentent de leur côté près de 5 % de la population.

Le poids de la religion dans la vie politique

Dès l'Indépendance au début du XIXe siècle, la séparation entre l’Eglise et l’Etat a été un sujet conflictuel au sein de l'élite créole dirigeante. Les bolivaristas (partisans des idées de Simón Bolívar qui formeront plus tard le Parti conservateur colombien) voulaient conserver un Etat catholique, déléguant d'importants pouvoirs à l'Eglise, l'éducation scolaire notamment. Les santanderistas (partisans des idées de Francisco de Paula Santander, qui créeront plus tard le Parti libéral) militent eux pour un Etat laïc. Ces divergences (parmi d'autres) entre conservateurs et libéraux donneront lieu à plusieurs guerres civiles, notamment à la période terrible de La Violencia (1946-1958). En 1991, une nouvelle Constitution est adoptée. Beaucoup plus progressiste, elle remplace la Constitution de 1886, qui avait institué le catholicisme comme religion d'Etat. La Colombie est alors officiellement devenue un Etat laïc. Mais en pratique, la religion joue toujours un rôle majeur dans la vie politique. L'Eglise catholique reste influente auprès des hautes sphères du pouvoir. Traditionnellement conservatrice en Colombie, l'Eglise catholique se fait régulièrement entendre dans les débats de société, comme les questions autour du rôle de la famille, de l'avortement ou des droits des personnes LGBTI. Mais elle a également promu le dialogue et facilité par sa médiation la libération d'otages, ainsi que des pourparlers de paix entre l'Etat et les guérillas. La visite du pape François en septembre 2017, a été interprétée comme un appui de la politique de Juan Manuel Santos, un an après la signature des accords de paix avec les FARC. Pour l'occasion le gouvernement et la guérilla toujours active de l'ELN avaient même signé un cessez-le-feu temporaire de 100 jours, le premier en 53 ans de luttes armées. Plus récemment, une partie de l'Eglise a dénoncé les violences policières dans les grandes manifestations de 2019 et 2021, quand une autre bien plus conservatrice appuyait la répression contre les manifestants qualifiés de « terroristes ». Les hommes politiques de leur côté aiment instrumentaliser le langage religieux et la morale chrétienne pour rallier à leur cause la population. Ce fut le cas par exemple durant la crise de la Covid-19 quand le président Ivan Duque et la vice-présidente Martha Lucía Ramírez, implorèrent publiquement l'aide de Notre-Dame de Fátima et de Notre-Dame de Chiquinquirá. Mais l'Eglise catholique n'est pas la seule à influer dans la vie publique. Certains mouvements pentecôtistes et évangéliques ont même créé des partis politiques ultra-conservateurs, régulièrement courtisés par la droite dure.

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