La famille est importante en Colombie © Hispanolistic - iStockphoto.com.jpg
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Etre Colombien, un état d'esprit !

En arrivant en Colombie on se sent tout de suite un peu plus léger. Le peuple colombien est caractérisé par sa joie de vivre, son amabilité et un enthousiasme à toute épreuve. Dans les enquêtes d'opinion nationales, neuf Colombiens sur dix se disent heureux, et la Colombie figure toujours dans le top 10 des pays les plus heureux au monde ! On écoute de la musique à tout bout de champ, tandis que la danse est l'expression naturelle du bonheur, l'envie de croquer la vie à pleines dents. Une expression très colombienne résume bien cet état d'esprit : la « gozadera pura », qui pourrait se traduire par profiter sans retenue, vivre le moment présent à 100 %, à en perdre la notion du temps (notion déjà assez différente de la nôtre !). La colombianidad, l'art de vivre à la colombienne, séduit le touriste qui rencontre un peuple accueillant, porté sur l'humour et l'autodérision, mais aussi hédoniste, travailleur, et ô combien patriotique ! Le Colombien est émotif et passionné, il parle en permanence d'amour, et de ses rêves, avec toujours des projets plein la tête ! Le hechao pa'lante (« aller de l'avant ») est de rigueur pour faire face aux difficultés quotidiennes, dans un mélange d'insouciance et de résilience.

La famille avant tout

La famille, c'est ce qui compte le plus dans le cœur de chaque Colombien. On a beau vivre dans la même ville, on s’appelle ou on se voit tous les jours. Plusieurs générations habitent souvent sous le même toit et on reste tard chez ses parents. Les abuelos (grands-parents) s’occupent de leurs nietos (petits-enfants), lorsque les parents travaillent. Les crèches, tout comme les maisons de retraite, sont plutôt rares ici. La familia est un thème de conversation courant et lors des salutations, on n’oublie jamais de demander des nouvelles des uns et des autres. La cellule familiale constitue un foyer d'entraide : à l’âge adulte, en l’absence d'un système de retraite efficace, ce sont le plus souvent les enfants qui aident leurs parents. Le départ à l’étranger est un véritable sacrifice pour celui ou celle qui enverra tous les mois de l’argent au pays (remesas), pour payer les études des enfants, ou le loyer d'un parent. Le mariage est une institution sociale respectée et ardemment défendue dans ce pays catholique et pratiquant. On se rencontre davantage sur les pistes de danse que sur les sites de rencontres. Le premier enfant arrive vers 22 ans, plus tôt à la campagne, plus tard dans les grandes villes. Les relations sont romantiques et passionnelles. L'homme est un gentleman, du moins au début...

Une société stratifiée

Une curiosité colombienne est la stratification socioéconomique de l'habitat. Selon son numéro, l’estrato (strate) définit la classe sociale à laquelle appartient tout Colombien en fonction du lieu où il vit, comme une deuxième identité dont chacun est conscient. La population urbaine est ainsi divisée en six niveaux, du plus pauvre (estrato 1) au plus riche (estrato 6). L’élite et les classes aisées vivent dans des quartiers aux parcs bien entretenus, avec des caméras de surveillance et gardes de sécurité, tandis que dans les estratos 1 et 2, les rues ne sont pas asphaltées et les enfants n'ont pas d'espaces verts pour jouer. Le coût des services publics (eau, gaz, électricité) est légitimement subventionné pour les strates sociales les plus basses (estratos 1, 2 et 3), tandis que les strates 5 et 6 payent un surcoût pour ces mêmes services. Le système a été créé en 1994 pour aider les personnes les plus défavorisées, mais il a eu un effet pervers avec le temps : la ségrégation spatiale. Les opportunités de vie dépendent en effet largement du numéro de l'estrato et il est compliqué de monter d'une strate à l'autre, car même les emplois auxquels on peut prétendre dépendent de la strate à laquelle on appartient. Les estratos sont d'ailleurs rentrés dans le langage courant pour classifier les gens socialement et idéologiquement...

¡A estudiar!

Si vous venez en période scolaire, vous remarquerez vite les écoliers souriants dans leurs uniformes propres et bien repassés. Le système scolaire est composé ainsi : le préscolaire (educación preescolar), l’équivalent de notre maternelle, pour les enfants de 3 à 5 ans ; l’école primaire (educación básica primaria) de la 1re à la 5e année, pour les 6-10 ans ; le secondaire (educación básica secundaria) de la 6e à la 9e année pour les 11-14 ans. L’école est en principe obligatoire jusqu’à cette 9e année, mais beaucoup d’enfants abandonnent dès la 5e année pour aller travailler avec leurs parents, surtout dans les zones rurales. Puis vient l’équivalent du lycée (educación media vocacional) composé des 10e et 11e années, à l’issue duquel est décerné le diplôme de bachiller. La place dédiée au sport est importante et il y a peu de devoirs à la maison. La relation professeurs/élèves est souvent plus informelle et amicale qu’en France. Le système universitaire quant à lui comprend le pregrado et le posgrado. On fonctionne en semestres, de février à juin et de juillet à novembre. Les premières universités ont été créées par les Dominicains, Jésuites et Augustiniens à l’époque coloniale, et aujourd’hui encore, beaucoup d’universités appartiennent à des institutions religieuses. L’accès aux universités est très coûteux. Par exemple, pour étudier la médecine dans la prestigieuse Universidad de los Andes, ou à La Javeriana, il fallait compter en 2021 autour de 4 500 euros par semestre (il faut 12 à 14 semestres pour terminer docteur en médecine). La plupart des étudiants ou leurs parents doivent donc s’endetter sur des années pour financer les études. Ceci explique que seuls 42 % des Colombiens ont accès à l’enseignement supérieur et que moins de la moitié terminent leurs études avec un diplôme. Le coût des études explique aussi pourquoi on trouve des étudiants de tous les âges sur les bancs des universités, et pas uniquement des jeunes sortant du bachillerato. La Universidad Nacional, présente dans les principales villes du pays, est l’université publique de référence. Elle est (presque) gratuite, en tout cas beaucoup moins chère que les universités privées. La sélection est rude pour y entrer, raison pour laquelle elle est reconnue comme l’une des meilleures universités du pays, si ce n’est la meilleure. Le niveau des établissements supérieurs est en général de qualité, en particulier dans certains secteurs comme l’ophtalmologie, où la Colombie excelle depuis des décennies.

¡A Camellar!

Camellar dans le langage courant signifie travailler dur pour pas grand-chose. En Colombie, le salaire minimum mensuel a enfin atteint le million de pesos en janvier 2022. C'est environ 220 euros par mois pour 48 heures de travail hebdomadaire. Mais dans certains secteurs, comme l'hôtellerie ou la restauration, où l'informalité est reine, les salaires sont encore plus bas. Le travail est très flexible, on peut enchaîner les CDD sur plusieurs années et être licencié (ou démissionner) du jour au lendemain. Le processus de recrutement est assez différent avec des questions surprenantes lors des entretiens, sur la vie privée notamment, comme par exemple savoir avec qui vous vivez (avec parfois des visites de votre appartement par un psychologue de l'entreprise), si vous consommez des drogues, etc. Le recours au détecteur de mensonges (ce n'est pas une blague !) est assez courant, même pour des postes peu « sensibles ». Le taux de chômage est l'un des plus hauts d'Amérique latine, entre 10 % et 15 % selon les années et le droit du travail est l'un des moins protecteurs au monde. Il n'y a par exemple pas d'indemnités chômage, et le syndicalisme est très limité, tant par le droit du travail, que par les menaces qui pèsent contre leurs dirigeants. Plusieurs milliers de syndicalistes ont en effet été assassinés depuis 1980 dans le cadre de leurs activités. Dans ce contexte, on comprend pourquoi tant de Colombiens préfèrent être leur propre patron, quitte à rester toute leur vie dans l'informalité (56 % de l’emploi total, hors agriculture). Une entreprise peut commencer simplement par un petit stand de vente d'arepas au coin d'une rue, ou un atelier ambulant de réparation de vélos. Un adage populaire affirme qu'aucun Colombien ne meurt de faim. S'il n'a pas de travail, il s'inventera toujours quelque chose pour survivre. C'est ce qu'on appelle le « rebusque colombiano », ou l'art de la débrouille, une activité souvent ingénieuse qui permet de faire vivre sa famille au jour le jour. Quant à la retraite, son âge est fixé à 62 ans pour les hommes et 57 ans pour les femmes (officiellement pour compenser le travail domestique auquel elles sont davantage soumises). En pratique, peu de personnes touchent une pension, puisque la moitié des Colombiens travaillent dans l’informalité et moins d'un tiers cotise au système général des retraites. Les gens travaillent donc souvent jusqu'à des âges beaucoup plus avancés.

Questions de genre

Les femmes jouent un rôle primordial en Colombie, en matière d'éducation (41 % de femmes sont chefs de famille), de sécurité alimentaire et de résistance dans les conflits. Mais elles sont aussi les plus vulnérables. La Colombie est un pays machiste, machisme qui s’exprime encore davantage dans les zones rurales. A la campagne, les jeunes filles n’ont souvent pas la chance d’étudier très longtemps, et beaucoup tombent enceintes avant leurs 16 ans (25 % des femmes entre 15-19 ans, contre 15 % en ville). Dans les grandes villes, la situation est différente : les femmes sont souvent plus instruites, avec des carrières universitaires qu’elles conjuguent souvent avec un emploi. Elles occupent des postes à responsabilités, mais continuent de recevoir un salaire inférieur à leurs homologues masculins, tout en subissant d’autres formes de discriminations et le harcèlement sexuel. Le mouvement #MeToo s'en fait régulièrement l'écho en Colombie. Le mouvement « Ni Una Más » (pas une de plus) milite lui contre les violences de genre et féminicides aux chiffres terribles : 622 cas reconnus en 2021 selon Observatorio Feminicidios Colombia.

Quant à l'homosexualité, elle n'est plus considérée comme n délit depuis 1980, mais elle choque toujours certains. La société reste conservatrice, l'influence des Eglises (catholique, pentecôtistes ou évangéliques) étant très forte. Dans les années 90-2000 et encore ces derniers temps, les homosexuels ont été victimes des actions de « nettoyage social » (assassinat) des milices paramilitaires. La situation s’améliore peu à peu heureusement. En 2016, après une longue bataille judiciaire, le mariage entre personnes du même sexe a finalement été considéré comme légal par la Cour constitutionnelle. L'adoption par des personnes du même sexe est également reconnue depuis 2015. Les marches LGBTI réunissent de plus en plus de monde et les établissements gay friendly sont aujourd'hui courants. La Colombie apparaît même désormais parmi les pays émergents du tourisme gay.