Woodes Rogers © Barbara Kalbfleisch - shutterstock.com.jpg
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D’hier…

Avant d’entrer de plain-pied dans le XXe siècle, accordons-nous une embardée dans le passé, l’histoire est trop belle. Du passage de Christophe Colomb en 1492 à l’indépendance accordée par la Grande-Bretagne en 1973, les Bahamas ont été l’enjeu d’une double revendication par les Espagnols et par les Anglais. Ces derniers, pour asseoir leur position, les offrent au XVIIe à huit lords ayant soutenu le roi Charles II durant la Restauration. Ils n’y mettront jamais les pieds et devront renoncer à leur propriété – contre rémunération – quand le nouveau souverain, Jacques II, arrive au pouvoir. L’affaire en reste là jusqu’à ce qu’en 1714 George 1er, à son tour en charge de la couronne royale, décide d’installer un gouverneur sur place, son choix se porte sur Woodes Rogers, corsaire et écrivain à ses heures perdues. Ce dernier raconte ainsi dans son récit autobiographique A crusing voyage round the world comment il a, par exemple, secouru en 1709 Alexandre Selkirk qui avait été débarqué, seul, sur l’île Más a Tierra de l’archipel chilien Juan Fernández quatre ans auparavant. Une histoire qui inspira à un autre auteur, Daniel Defoe, un célèbre roman, Robinson Crusoé. Fermons là ce chapitre, car pour l’heure, Woodes Rogers a fort à faire. L’archipel est en effet la proie des pirates, en ses eaux naviguent Jack Rackham, qui inspirera à Hergé le personnage Rackham le Rouge, et son équipage non moins légendaire auquel appartiennent deux femmes qui deviendront elles aussi héroïnes de papier, Anne Bonny et Mary Read. Toutes deux ont la particularité de s’être fait passer pour des hommes pour embrasser leur carrière, et elles n’avaient absolument rien à leur envier en matière de bravoure. Elles prendront place dans le roman en deux tomes de Mireille Calmel, Lady Pirate, à découvrir aux éditions XO. L’histoire s’acheva par la mort des forbans et si les Bahamas furent ensuite témoin d’autres conflits, seul son XIXe siècle inspira à nouveau un écrivain français, Maurice Denuzière, qui y campa une trilogie portant le nom de l’archipel. Dans celle-ci, Charles Ambroise Desteyrac arrive sur place pour construire un pont, s’il tombe fou amoureux d’une belle métisse qu’il épouse, il est par ailleurs confronté à l’évolution des questions sociétales, conséquence directe de la guerre civile américaine. Cette grande fresque romanesque, riche de passions, n’oublie donc rien de la réalité historique.

…à aujourd’hui

Avec le siècle naît à Trinidad, le 4 mai 1900, une femme qui aura une influence majeure sur la culture bahaméenne, Meta Davis Cumberbatch. Elle s’installe dans l’archipel avec son mari en 1926 et rapidement s’investit dans les questions politiques, celle du racisme, qui est loin d’être résolue, puis celle du droit des femmes. En parallèle, elle s’efforce de mettre en avant le patrimoine immatériel local en initiant le Festival of Arts and Crafts à Nassau, contribue à développer celui-ci en promulguant cours de théâtre et de piano, et l’enrichit par le biais de ses propres œuvres musicales et poétiques, à l’instar de son poème A Child of nature (Negro of the Caribbean). Un engagement qui lui vaudra de devenir Mother of Arts et qui sera salué par la Reine d’Angleterre qui la fera membre de l’Ordre de l’Empire britannique lors de sa visite en 1966. Trois ans plus tard, débarque aux Bahamas un écrivain atypique, Canadien mais Anglais de naissance, ancien de la Royal Air Force, Arthur Hailey qui excellera dans l’art du roman catastrophe, dont le plus célèbre – Airport – sera adapté au cinéma dans un film éponyme où apparaissent Burt Lancaster et Dean Martin. Malgré son immense succès, il vendra des millions d’exemplaires en maintes langues, ses titres – Détective, News, Le Destin d’une femme, Bank… – sont désormais épuisés dans leur traduction française.

Au mitant du siècle apparaît une génération native particulièrement féconde. Ainsi, Telcine Turner-Rolle (1944-2012) porte la voix des étudiants qu’elle accueille durant ses cours d’écriture créative, mais publie également un recueil de poèmes pour enfants, Song of the Surreys, et se fait tout particulièrement remarquer dans le domaine du théâtre. Elle est l’auteure de la pièce Woman Take Two primée par l’Université des Antilles, et s’exercera à la mise en scène au sein de la compagnie Bahama Drama Circle. C’est dans ce même milieu qu’évolue Winston Saunders, président du Dundas Center for the Performing Arts de 1975 à 1998, acteur et dramaturge célébré pour ses textes, notamment Them et You can lead a horse to water. Il était l’époux de Gail North-Saunders qui a créé les Archives nationales et écrit des livres consacrés à l’histoire des Bahamas, elle fut, tout comme Meta Davis Cumberbatch, honorée par l’Ordre de l’Empire britannique en 2003. Quant à elle, Marion Bethel, née en 1953, publie jusqu’aux États-Unis où elle est reprise dans des anthologies poétiques. En plus de ses recueils, dont Guanahani ou Bougainvillea Ringplay, elle trouve le temps de prendre la caméra et a été récompensée pour son documentaire Womanish Ways consacré au droit de vote des Bahaméennes. Enfin, Patricia Glinton-Meicholas, qui a vu le jour en 1950 sur Cat Island a été la première lauréate du Bahamas Cacique Award for Writing en 1998. Très active, elle a participé à la création de l’Association des études culturelles, édité la revue Yinna et cofondé la maison d’édition Guanima Press avec son mari Neko. Leurs publications reflètent la force d’une littérature en devenir et l’amour pour leur pays.