Aux origines

Les Îles grecques sont habitées depuis la Préhistoire, mais il faut attendre l’Antiquité, et plus spécifiquement les périodes minoennes et mycéniennes, pour voir se développer les premiers centres urbains. Durant la période minoenne, ces derniers s’organisent autour de grands palais ornés de fresques, véritables dédales de pierre s’intégrant harmonieusement dans les paysages environnants. Durant la période mycénienne, les centres urbains gagnent en clarté. Les palais, parfaitement hiérarchisés, sont protégés d’enceintes, tandis qu’à l’extérieur se développe une architecture funéraire monumentale dont les grandes nécropoles portent la marque. On y  voit apparaître les tholos, ces édifices circulaires construits en blocs de pierre et voûtés en encorbellement. Ordre, discipline et rationalité sont de mise. Parmi les sites les plus étonnants de ces périodes se trouve notamment celui d’Akrotiri sur l’île de Santorin. Ensevelie sous des couches de cendre suite à une éruption volcanique, la cité a été incroyablement préservée. Bordant un axe principal, on y découvre une architecture résidentielle qui met en place les premières techniques antisismiques : larges fondations, murs en blocs de roche volcanique pour la base et en brique crue pour les élévations, supports de pierre pour les ouvertures et charpente en bois. A cela s’ajoutent des réflexions d’ordre plus sanitaire, comme le prouve le système très perfectionné de canalisations permettant la gestion des eaux usées. L’art du décor y est également très important. Autre site phare : celui de Poliochni sur l’île de Lemnos. On peut encore y lire les traces d’un urbanisme sophistiqué avec cet axe principal s’élargissant en une petite place au milieu de laquelle trône un puits construit avec des pierres disposées en rangées horizontales et profond de plus de 8 m… un exemple unique en son genre ! Le site démontre la précision et la régularité des techniques de tailles de pierre et de dispositions des éléments. En matière d’architecture funéraire, Céphalonie abrite la nécropole de Mazarakata. Ses caveaux creusés directement dans la roche et reliés entre eux par d’étroits couloirs abritent des centaines de tombes. Impressionnant !

Splendeurs gréco-romaines

C’est le temple, cette « maison du dieu anthropomorphisé », qui va se faire le principal témoin des évolutions de l’art grec. Dans sa forme primitive, le temple se compose généralement d’une structure en brique crue surélevée par un soubassement de pierre. Ses piliers en bois soutiennent le toit plat de sa salle unique. Puis, progressivement, la pierre remplace la brique et les temples s’agrandissent. La cella ou naos (le cœur du temple et maison du dieu) est précédée d’un pronaos (sorte de vestibule), et l’ensemble est entouré, à l’extérieur, de piliers d’abord, puis de colonnes. Ces derniers supportent un toit dit en bâtière, c’est-à-dire à 2 versants, les 2 autres côtés du bâtiment formant pignon et supportant des frontons triangulaires. La colonne devient l’élément structurel phare, se faisant le support des grands ordres architecturaux. Le premier est l’ordre dorique, tout en robustesse et simplicité. Ses colonnes, sans soubassement, jouent un rôle porteur. Le temple dorique comporte un péristasis (galerie à colonnades sur les 4 côtés), un promenoir, et un corps de bâtiment fermé comprenant pronaos, naos et opisthodome (salle postérieure qui ne communique pas avec le naos). L’harmonie suscitée par la taille modeste et les proportions parfaitement étudiées du temple dorique est renforcée par un élégant travail du décor, notamment par les frises et frontons sculptés et composés d’une alternance de métopes (plaques lisses) et triglyphes (tablettes cannelées) créant rythme et mouvement.

L’ordre ionique, lui, emprunte son vocabulaire à l’art oriental. Il se fait plus monumental et décoratif. L’accent est notamment mis sur le côté principal du temple, dont les frontons sont ornés de bas-reliefs en terre cuite, pierre ou marbre et toujours peints. Plus élancées, les colonnes confèrent légèreté à l’ensemble. L’apogée de cette architecture antique se situe durant la période dite classique. La recherche d’harmonie est poussée à son paroxysme grâce au recours aux sciences mathématiques. Développé par Hippodamos de Milet, le plan orthogonal, dit en damier, transforme les cités en centres urbains organisés et hiérarchisés en zones (administratives et cultuelles, artisanales, résidentielles). Force et légèreté se dégagent des temples dont les proportions ont été calculées sur la base d’un ratio directement issu du rayon moyen d’une colonne. Les architectes opèrent également des rectifications sur les effets d’optique utilisés jusque-là pour pallier notamment les inégalités de terrain. Les temples sont d’ailleurs désormais disposés sur des soubassements à gradins à 3 degrés permettant d’adapter la structure à la topographie. Le travail du décor est également très développé. Autant d’éléments qui seront magnifiés durant la période dite hellénistique. C’est l’âge d’or des édifices civils, et des théâtres en particulier qui nécessitent de penser l’architecture en matière d’acoustique et de visibilité. Les places publiques ou agoras, centres névralgiques des cités, sont magnifiées par des portiques monumentaux qui les ceignent de leurs innombrables colonnes. Les grands sanctuaires s’étagent souvent en plusieurs terrasses, créant ainsi de nombreuses et somptueuses perspectives.

C’est à cette époque que se développe le 3e des grands ordres : l’ordre corinthien, que l’on reconnaît à ses colonnes nervurées dont les chapiteaux portent systématiquement volutes et feuilles d’acanthe. Fascinés par ces prouesses urbanistiques et architecturales, les Romains reprendront un grand nombre de solutions inventées par les Grecs. Leurs cités s’organisent toujours selon un plan en damier découpé autour de 2 grands axes appelés Cardo et Decumanus, à la jonction desquels se trouvent désormais les forums. Entre gigantisme et pragmatisme, les Romains développent de nouvelles solutions formelles, voûtes et coupoles en tête, placent leurs temples sur d’imposants podiums et jalonnent leurs places d’arcs de triomphe monumentaux. L’architecture de l’eau est très présente comme en témoignent thermes et aqueducs, tandis que l’architecture privée voit apparaître, aux côtés des maisons luxueuses richement ornées de mosaïques, ce qu’on appelle des insulae, c’est-à-dire des habitations en appartements : les premiers immeubles ! Considérée comme la plus sacrée de toutes les îles de la mer Égée, Délos est un véritable musée à ciel ouvert. Son grand sanctuaire d’Apollon fut l’un des plus grands temples de l’Occident, mais sa pièce maîtresse est bien sûr l’imposante Terrasse des Lions, dans le quartier du lac, dont les félins gardiens ont été sculptés dans le marbre de Naxos. L’harmonie qui règne à Samos est en grande partie due à ses structures pensées selon les mesures et théorèmes mis en place par le plus célèbre des habitants de l’île : Pythagore. Son grand temple d’Héra, Heraion, est le premier du nouvel ordre ionique et surtout le premier temple grec long de 100 pieds, un dédale de marbre et de pierre qui lui valut le surnom de « labyrinthe » ! Mais le chef-d’œuvre de l’île reste le Tunnel d’Asclépios avec ses canalisations en terre cuite qui traverse la montagne sur 1 036 m pour alimenter en eau la cité. Thassos, elle, illustre les atours plus défensifs que put prendre l’architecture gréco-romaine, comme le montrent ses puissantes murailles longues de près de 4 km. Propylées (porches de grandes dimensions), agora ceinte de portiques aux dizaines de colonnes, imposant sanctuaire de Dionysos sont autant d’éléments qui font de Thassos une ode à la monumentalité. Samothrace et son impressionnant Sanctuaire des Grands Dieux dont la tholos baptisée Arsinéion est la plus grande salle circulaire couverte du monde grec (20 m de diamètre) ; Erétrie (sur l’île d’Eubée) avec ses remparts protégeant notamment le Temple de Dionysos et la Maison aux Mosaïques avec ses espaces publics et privés s’organisant autour de cours-jardins bordées de colonnades décorées de mosaïques à galets et stucs polychromes ; Kos aux élégantes constructions de travertin posées sur des fondations de tuf tout en galeries et colonnades monumentales, dont le grand sanctuaire dédié à Asclépios, organisé en 4 terrasses reliées par des escaliers à propylées… Tels sont quelques-uns des grands trésors antiques à découvrir !

Trésors médiévaux

Construits sur d’anciens temples et sanctuaires païens, les édifices byzantins font une large place au réemploi de matériaux, colonnes et frontons grecs ornant désormais les chefs-d’œuvre de la chrétienté. L’édifice phare est l’église, qui décline un certain nombre de caractéristiques phares : orientation à l’est, toits de tuiles rouges, autel séparé par une cloison en bois superbement décorée baptisée iconostase, plan centré ou plan en croix grecque (bras de longueur égale), espace central divisé en 3 nefs, croisée du transept surplombée d’une coupole. Ces églises sont surtout célèbres pour leur richesse décorative : la coupole y est quasiment toujours peinte d’un Christ Pantocrator (« tout-puissant »), tandis que les murs et sols se couvrent de somptueuses mosaïques et fresques, et de revêtements et pavements de marbre. Le plus célèbre représentant de cette architecture est le Monastère de Nea Moni sur l’île de Chios dont le catholicon (église principale) conserve un harmonieux plan octogonal et des décors faits de mosaïques à fonds d’or. Autres immanquables : l’église Pera Panagia sur l’île de Kasos avec ses 6 petites chapelles richement ornées ; et l’église Saint-Jason et Saint-Sosipater de Corfou avec son bel appareillage alternant brique et pierre. L’architecture byzantine se fait aussi défensive. Et là encore, le réemploi est de mise, les Byzantins consolidant et agrandissant les fortifications à l’aide de pierres piochées sur les temples antiques. La plupart des cités de l’époque se développent sous la surveillance d’un kastro, forteresse monumentale édifiée en hauteur, généralement sur des éperons rocheux. Le kastro de Skiathos est un superbe exemple d’une architecture qui tire profit de la topographie accidentée, offrant à la mer des murs plus bas, tandis que, côté terre, s’élèvent des murs épais jalonnés de portes à chicanes et de tours de guet. Construit à l’époque byzantine, le kastro de Mytilène, sur Lesbos, porte aussi la marque des Génois, qui y ajoutèrent notamment la Tour de la Reine. Maîtres de l’architecture défensive, les Génois développent également une élégante architecture domestique, notamment sur l’île de Chios. Formes simples, proportions harmonieuses et importance du lien intérieur/extérieur (balcons ouvragés, terrasses, vastes perrons) caractérisent ces belles maisons protégées par de hauts murs. Des atours défensifs que l’on retrouve jusque dans les petits villages qui cherchent à se prémunir des raids. Des dédales de rues pavées de galets et de passages voûtés ou coudés y desservent la place centrale. Sur l’île de Chios, dans les villages du mastic, anciens pôles de commerce prospères, les maisons étaient même entourées d’un cercle extérieur de bâtisses servant de murailles défensives. Érigées dès l’Antiquité, les tours de guet et d’observation jalonnant de nombreuses îles comptent parmi les autres grands témoins de cette architecture défensive. De plan circulaire ou carré, réalisées en pierre ou marbre, possédant des murs très épais, se déployant sur plusieurs étages reliés par des escaliers de pierre, possédant pas ou peu d’ouvertures (toujours étroites et basses), ces tours contribuent à dessiner l’identité des îles. Tour Cheimarros à Naxos (réalisée dans le célèbre marbre local), Tour Blanche de Serifnos, Tour Drakanou sur Ikaria, tours d’Olimpi et de Mesta… : difficile de choisir la plus impressionnante ! Cette architecture défensive va connaître un tournant majeur sous l’influence des Chevaliers de l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Ceinte de fortifications longues de 4 km et renforcées par des fossés, postes d’artillerie, portes, courtines et parapets percés de « bouches à feu », Rhodes se divise entre ville haute et ville basse. La ville haute fut entièrement construite par les Chevaliers et est considérée comme l’un des plus beaux ensembles urbains de la période gothique. Le Palais du Grand Maître avec ses donjons et courtines crénelées et les auberges des 7 langues (les différentes factions de l’Ordre) organisées autour de grandes cours à arcades et pavées de mosaïques appartenaient au collachium, le quartier réservé aux Chevaliers, lui-même protégé par des remparts intérieurs. La ville basse, quant à elle, s’organisait autour de palais, églises et fondations de charité.

Dominations vénitiennes et ottomanes

Pour asseoir sa puissance, Venise s’est d’abord attachée à renforcer ou à construire d’imposantes places fortes. Les forteresses de Mykonos, Naxos ou Assos impressionnent par leurs hautes murailles et leurs murs épais. Mais la plus célèbre reste celle de Corfou. A la citadelle byzantine originelle, les Vénitiens ajoutent un fort et une douve surmontée d’un pont mobile en bois protégé par deux bastions reliés par une double enceinte imprenable. La Sérénissime impose aussi sa présence dans les villes marquant les édifices des célèbres Lions de Saint-Marc. Places cernées d’arcades, rues bordées de demeures aux toits de tuiles rouges et aux façades ornées de hautes fenêtres et de balcon en fer forgé soulignant le piano nobile ou étage noble… : il souffle comme un vent de dolce vita sur les îles grecques ! La ville de Zante regorge de trésors vénitiens. La place Agios Marcos y est pensée comme un véritable petit théâtre à l’italienne avec ses élégantes arcades où tout le monde se presse pour voir et être vu. Les campaniles ou tours-clochers, ainsi qu’églises et monastères qui alternent entre harmonie Renaissance et foisonnant baroque, comptent également parmi les grands témoins de la présence de Venise. Les campaniles de l’église Saint-Spyridon à Corfou et de l’église Agios Dionysos à Zante en sont de bons exemples. La Sérénissime influença également l’architecture domestique. Les villages des discrètes Cythère, Ithaque et Leucade montrent comment, pour se prémunir des attaques des ennemis de Venise, les habitants se faisaient construire de véritables maisons fortes aux murs très épais, à 1 ou 2 étages, avec des portes en bois et des fenêtres très étroites. Une fois la sécurité retrouvée, ces petits fortins ont laissé place à des maisons aux hautes fenêtres et aux façades ornées de balcons et percées d’arcades. Aux Vénitiens succèdent les Ottomans. S’ils s’attachent à construire tous les édifices indispensables au fonctionnement d’une ville de l’empire (mosquée, hammam, médersa, sérail, fort), reliés entre eux par un enchevêtrement de rues et ruelles, les Ottomans ne construisent pas de nouvelles villes ou de nouveaux quartiers. Ils s’attachent au contraire à tirer profit des structures préexistantes. Ainsi, les mosquées sont souvent d’anciennes églises. La maîtrise de l’eau est un autre aspect phare de l’architecture ottomane, que l’on découvre à travers les nombreuses fontaines et surtout les bains et hammams que l’on reconnaît à leurs 4 dômes percés de petites ouvertures assurant la ventilation. En matière d’architecture résidentielle, les Ottomans déploient des maisons aux teintes pastel que l’on reconnaît à leur 1er étage en bois à encorbellement. Il n’est pas rare d’ajouter ces balcons de bois en saillie sur des structures préexistantes. On parle alors de sahnisi. La ville de Chios avec ses bains et sa somptueuse mosquée abritant aujourd’hui le Musée Byzantin, ou bien encore le château de Mytilène abritant maison de bain, fontaine, citerne, mosquée Kulé et tekke (sorte de couvent) sont de beaux exemples d’architecture ottomane. Mais s’il ne fallait retenir qu’un lieu, ce serait le quartier turc de Rhodes, avec son dédale de venelles bordées d’impressionnants édifices comme la grande bibliothèque Hafiz Ahmed Agha, la mosquée Ibrahim Pacha et son minaret blanc ou la mosquée Süleymaniye tout en dorures.

Renouveau et modernité

Libérée du joug ottoman, la Grèce cherche à réaffirmer son identité en renouant avec les canons d’harmonie et de clarté de l’Antiquité. On privilégie alors les grandes rues arborées et l’on déploie partout un style néoclassique. Partout surgissent de belles demeures aux rez-de-chaussée ornés de colonnes doriques et pilastres, tandis que le premier étage fait la part belle aux colonnes ioniques. Un petit balcon vient rehausser la baie centrale protégée par un large toit de tuiles. Friands de ce style qui témoignent de leur prospérité, les riches armateurs des îles grecques iront jusqu’à dresser de petits frontons ornés de bas-reliefs et portant souvent leurs blasons et armoiries. Les îles d’Hydra, d’Andros et du Dodécanèse regorgent de ces villas d’armateurs qui bordent souvent des rues piétonnes couvertes de dalles de marbre. Sur l’île d’Eubée, Karistos fut édifiée par Othon, premier souverain de la Grèce moderne. Les plans, dessinés par un architecte bavarois, font la part belle à des rues longues et larges bordées de somptueuses demeures. L’île de Syros est un autre bel exemple de cette effervescence néoclassique. Ermoupolis y déploie une vaste place dallée de marbre, ponctuée d’un élégant kiosque, et bordée d’élégantes réalisations : le Théâtre Apollon, premier opéra de Grèce construit sur le modèle de la Scala de Milan, et l’imposant hôtel de ville conçu par Ernst Ziller, grand architecte du renouveau d’Athènes.

Sous domination française puis britannique, Corfou aussi se dote de grands témoins néoclassiques. Le Liston ne vous rappelle rien ? Cette rue bordée de demeures à arcades a été imaginée par Matthieu de Lesseps, l’architecte en charge de la rue de Rivoli à Paris ! Le Palais Saint-Michel et Saint-Georges, lui, est l’œuvre de l’architecte Georges Whitmore. On admire notamment son portique dorique courant sur toute la façade et son large vestibule orné de frises. A cette harmonie classique va succéder un éclectisme aux accents résolument historicisants. Mytilène voit ainsi apparaître des manoirs normands, des cottages anglais et des petits palais Renaissance côtoyant les grandes villas néoclassiques tout en stucs et frontons. Autre témoin de ce mélange des genres : l’Achilleion de Corfou. Commissionnés par Elizabeth d’Autriche, des architectes italiens s’inspirèrent des villas de Pompéi pour imaginer ce palais qui possède de superbes jardins et terrasses. Un éclectisme un rien pompeux qui marqua les débuts de la présence italienne dans le Dodécanèse. Pour Mussolini, l’archipel doit se faire la vitrine de l’empire colonial. Il y lance donc de vastes campagnes de travaux. Au départ, les architectes puisent notamment dans le vocabulaire orientalisant, peuplant leurs réalisations de dômes et arcades néo-mauresques et jardins extérieurs richement ornés de décors de plâtre. C’est le style privilégié de Florestano di Fausto qui réalise notamment l’Hôtel des Roses à Rhodes. Le Palais du Gouverneur de Rhodes, lui, puise son inspiration dans les grands palais vénitiens. Puis progressivement, ce foisonnement historicisant fait place à une géométrie rationaliste plus en adéquation avec les idées fascistes. La Casa del Fascio de Rhodes en est le parfait exemple. En parallèle, Mussolini continue à vouloir ériger partout des villes et villages modèles dont il pense tous les détails. Le village rural de San Benedetto, aujourd’hui Kolymbia, en est un bon exemple. Mais la plus imposante réalisation mussolinienne encore visible reste la cité de Porto Lago avec son plan orthogonal, son zonage fonctionnel, ses grandes avenues arborées et son Marché Central réalisé par Rodolfo Petracco considéré comme l’une des grandes réalisations du courant moderniste. Mêlant formes circulaires et parallélépipèdes massifs, il symbolise les recherches plastiques et géométriques de l’époque.

Inspirations vernaculaires

Dans les îles Ioniennes, et à Zante notamment, vous pourrez découvrir les kalives, hautes cabanes rectangulaires de bois et de chaume bâties sur de hauts pilotis de bois ou perchées dans les arbres, auxquelles on accède par une échelle, et qui servaient originellement de tours de guet. Partout dans les îles grecques, vous pourrez observer des trésors de l’architecture en pierre sèche : cabanes circulaires à toits coniques, en voûtes à encorbellement, ou en dômes ; cabanes rectangulaires à toits plats ; murets séparant les terres agricoles ou murs de soutènement pour les étagements en terrasse. D’une manière générale, les maisons traditionnelles rurales sont souvent de plan rectangulaire, s’élevant sur 1 à 2 étages, avec des toits à arêtes recouverts de tuiles « canal » rouges ou de plaques d’ardoises, une maçonnerie de pierre crépie et blanchie à la chaux, et des vérandas et balcons de bois ponctuant l’ensemble. Dans les îles soumises aux assauts fréquents de la terre, les habitants ont privilégié des structures en bois ou en tôle plate ou ondulée placée sur des assises en pierre. Des montants et cadres de bois peuvent également être ajoutés aux structures de pierre pour les rendre plus résistantes aux séismes. Parmi les autres richesses vernaculaires à ne pas manquer : le village de Pirgi sur l’île de Chios avec ses maisons ornées de motifs géométriques noirs et blancs obtenus par un procédé de grattage traditionnel baptisé xista ; les maisons décorées de carreaux de terre cuite des villages d’Alonissos ; et bien sûr les dizaines de moulins à vent qui jalonnent l’ensemble des îles. Construits sur des flancs de falaise venteux, on les reconnaît à leur structure circulaire blanchie à la chaux, à leurs toits en chaume ou en tuiles rouges, et à leurs ailes de bois sur lesquelles sont tendues des voiles triangulaires. Mais celle qui attire tous les regards, c’est bien sûr l’architecture des Cyclades. Entre mysticisme et rationalisme, entre ascétisme et volupté, elle fascina les plus grands modernistes, Le Corbusier et Adolf Loos en tête. Soudées les unes aux autres et bordant d’étroites venelles et d’abrupts escaliers dévalant les reliefs, les maisons cycladiques se présentent comme des cubes ou des parallélépipèdes à toits plats, dépourvus d’ornements, et entièrement chaulés de blanc, cet enduit renvoyant les rayons du soleil et permettant donc de conserver la fraîcheur. Les encadrements et autres éléments en bois (balcons, pergolas…), eux, sont peints de couleurs vives. Se créent alors de superbes effets chromatiques renforcés par d’étonnants jeux de volumes : entre ces cubes blancs, les dômes bleutés des églises n’en ressortent que plus intensément. La plus étonnante des îles de l’archipel est Santorin. Presque entièrement constituée de tuf volcanique, l’île a vu se développer un étonnant habitat troglodytique où colonnes, puits de lumière, arcades et sculptures, citernes et autres chambres souterraines sont taillés à même la roche. Autant d’éléments qui inspirent les créateurs contemporains qui partout inventent des villas où le minimalisme est de mise. Prônant une architecture paysage qui se fond dans son environnement, ils privilégient les structures semi-enterrées, les toits végétalisés, et surtout des volumes simples et géométriques réalisés en matériaux locaux (plâtre, rotin, travertin, pierre). Parmi les plus belles réalisations contemporaines, notons : la Villa Viglostasi sur Syros pensée par le studio Block 722 d’Athènes, les superbes villas de Stéphane Ghestem sur Folegandros, ou bien encore l’incroyable maison NCaved par l’agence Mold sur Sérifos, des bijoux architecturaux qui font écho aux trésors de ces îles de légende !