Histoire Histoire

Seules les peintures orientalistes nous laissent imaginer à quoi ressemblait Marrakech au XIe siècle, façonnée dans cette terre ocre-rose qui sera sa marque de fabrique. Les protagonistes sont une horde sauvage d’hommes voilés poussés par les vents du sud, les Sanhadja qui firent creuser des puits et profiteront de l’aubaine pour planter des palmiers sur la plaine : ainsi naquit un ksar immense au milieu d’une oasis artificielle. Après eux, vont se succéder des dynasties idéalistes qui laisseront des traces de leur passage, tantôt dans les jardins ouvragés, tantôt dans des monuments opulents qui ont résisté aux défaites et gloires, et qui viennent décupler l’émotion esthétique provoquée par le paysage féérique de l’Atlas. Déambuler dans la Ville des 7 Saints, c’est aussi suivre son tracé hérité de la présence française, en parcourant ses artères modernes dans le quartier du Guéliz qui revendique aussi une large part d’histoire.

Préhistoire, Antiquité et conquête arabe

La présence humaine au Maroc daterait de 300 000 ans avant notre ère. Au 3e millénaire, on assiste à l’introduction de l’agriculture et de l’élevage. VIIe siècle av. J.-C. : place aux Phéniciens qui établissent des comptoirs dans toute la Méditerranée suivis par les Carthaginois. Rome, avec à sa tête Juba II, finit par vaincre Carthage et étend son pouvoir. En 682, Oqba ibn Nafi répand la parole de Mahomet. En 788, Idriss ibn Abdallah, exilé de Bagdad, est accueilli par les Berbères convertis de Oualila et va fonder la première dynastie musulmane au Maroc, les Idrissides. A la mort d’Idriss II, la dynastie sombre dans des rivalités et le royaume est morcelé.

1037

Les Almoravides

Dans le Sud, un prédicateur malékite Sanhadja Abdallah Ibn Yasin commence à asseoir les bases d’un mouvement qui aspire à propager un islam purifié. Il part prêcher sa réforme en réunissant ses disciples dans les ribats, couvents religieux. Porteurs de litham, ces Berbères s’emparent de Sijilmassa s’assurant ainsi le contrôle du commerce transsaharien de l’or, et atteindront Aghmat aux portes de Marrakech.

1070

Yousef Ben Tachfine fonde Marrakech sous les conseils avisés de Zaynab Nefzaouia. Entre deux talwegs au lit de rocailles, les hommes créent des vergers et des jardins urbains. Par un réseau de canalisations souterraines, ils vont inventer un chef-d’œuvre hydraulique, les khettara, qui feront émerger une agriculture prospère. Ce savant système d’irrigation fera jaillir les fontaines, bassins et hammams chers au paysage culturel. 

1080 - 1092

Youssef Ben Tachfine se portera au secours des royaumes de taifas de l’Andalousie, – puzzle de mini royaumes arabes –, en lutte contre les chrétiens. Son expansion est arrêtée à Valence par le Cid, qui va donner du fil à retordre aux princes marrakchis.

1106 - 1147

Sous l’impulsion des sultans Almoravides, la ville va s’imposer comme métropole culturelle et religieuse et offrira son nom au pays tout entier. Ce sera l’âge d’or de Marrakech. Devant la menace des rebelles, le fils de Youssef Ben Tachfine, Ali Ben Youssef, protégera la ville en l’entourant d’une grande enceinte de pisé rose encore debout.

1125

Les Almohades

Le savant religieux Ibn Toumert bâtit une mosquée à Tinmel à 1 500 m d’altitude et lèvera une armée pour livrer une guerre sainte contre Marrakech. Mais c’est son lieutenant Abd el-Moumen qui va fonder une dynastie pieuse qui prêche l’unicité de Dieu, d’où son nom (el-mouhawwidoun, les unitaires).

1147

Les Almohades détruisent toutes traces des impies. Seule subsistera la koubba coupole abritant un bassin à ablutions.

1157

La ville sera embellie par l’aménagement de l’Agdal, la Menara, et surtout la construction de la Koutoubia, jumelle de la Giralda.

1184-1199

Second âge d’or de Marrakech sous le règne de Yacoub el-Mansour, « le doré », dont l’empire va être le cadre d’une prestigieuse vie artistique et intellectuelle.

16 juillet 1212

Défaite cuisante à Las Navas de Tolosa pour les troupes de An-Nasir face à une coalition d’empires chrétiens aidés des Croisés.

1248

Les Mérinides

Le pouvoir passe entre les mains des Mérinides, qui s’emparent des grandes villes du Maroc et élisent Fès el-Jdid « la nouvelle » pour capitale.

1258

Abou Youssef Yacoub arrive à Marrakech. Le cortège des successeurs s’illustre par une politique désastreuse.

1349

Le tout dernier mérinide Abou Inan connaîtra une fin tragique en se faisant étrangler par son grand vizir. L’empire mouvementé tombe entre les mains de vizirs qui entacheront l’histoire d’intrigues et de révoltes en tout genre.

Début du XVe siècle

Des juifs et des musulmans de la péninsule ibérique qui écartent toute conversion religieuse se réfugient en masse au Maroc pour échapper à l’Inquisition.

1465-1549

Les Ouattassides prennent la succession du pouvoir central qui s’effondre. Le Maroc tombe sous le contrôle de tribus guerrières et de puissants marabouts locaux.

1554-1659

Les Saadiens

Les Saadiens, descendants de Mahomet, renversent les Ouattassides et vont élire Marrakech comme ville royale.

1557

Le Mellah est fondé sous le règne de Abdallah al-Ghalib à proximité de la kasbah impériale, permettant au sultan de « mieux protéger ses sujets juifs ». Ils se verront attribuer le quasi-monopole de l’économie du sucre.

4 août 1578

La bataille dite des Trois-Rois anéantit une armée portugaise impressionnante et endigue les visées lusitaniennes au Maroc.

1578-1603

Ahmed el Mansour devient le souverain le plus riche du monde en convoitant l’or, le sel et les esclaves du Niger. Grâce à ce fructueux négoce, il put s’offrir le marbre de Carrare qui ornera son somptueux palais el-Badi. A sa mort, les provinces se déchirent autant que ses fils qui finiront par s’entretuer au bout d’un dense écheveau d’intrigues. Le pays se retrouve scindé en deux royaumes rivaux, Marrakech et Fès, tandis que les corsaires de Salé revendiquent leur propre république.

1664

Les Alaouites

Profitant de l’anarchie ambiante, les Alaouites, installés au Tafilalet depuis le XIIIe siècle, lancent des raids pour s’approprier les routes commerciales stratégiques. C’est sur les épaules du sultan unificateur Moulay Rachid que repose le destin de cette dynastie encore au pouvoir de nos jours.

1672-1727

Long règne de Moulay Ismael. Marrakech sera délaissée au profit de Meknès où il transportera sa capitale en dépouillant El-Badi de toutes ses richesses. A sa mort, le pays sera livré à une guerre de succession qui durera trente ans, et l’on verra douze souverains régner en l’espace d’une seule génération.

1765

Sidi Mohammed ben Abdallah confiera à l’ingénieur Cournut la construction du port d’Essaouira pour assurer les échanges traités avec les puissances étrangères.

XIXe siècle

Sécheresses et épidémies entraîneront un appauvrissement général du royaume tandis que les confréries religieuses et les tribus dissidentes gagnent du terrain.

1894-1908

Moulay Abdelaziz, à 14 ans, reçoit en héritage les tourments du sultanat à la mort de son père Hassan Ier. Son grand vizir Ba Ahmed gouvernera le makhzen pendant que l’enfant-roi fera montre d’extravagants caprices. Il agrandira le Palais Bahia construit en 1866 par son père Si Moussa.

1907

XXe sicle

Emile Mauchamp est assassiné sous un climat de haute tension politique. Beaucoup ignorent que ce drame fut le prétexte choisi par la France pour occuper le sol marocain. En effet, dix jours plus tard, les troupes françaises feront leur entrée au Maroc le 29 mars 1907. A coup de missions sanitaires, militaires, et d’accords monétaires, la France finit par s’imposer face aux concurrents européens qui convoitent le pays.

1909

Le frère de Moulay Abdelaziz, Moulay Hafid, opposé à l’attitude passive du sultan, le destitue avec le soutien de Madani El Glaoui.

Mars 1912

Moulay Hafid signe les accords sous le nom de « protectorat français dans l’Empire chérifien » qui placent le Maroc sous tutelle dans un pays en ébullition. Hubert Lyautey est nommé résident général. Il s’appliquera à concevoir une ville moderne avec l’urbaniste Henri Prost, composée de deux zones bien distinctes : le Guéliz et l’Hivernage.

Août 1912

Le sultan Moulay Hafid abdique en faveur de son demi-frère, Moulay Youssef, après l’instauration du Protectorat. Les conditions de son abandon du trône sont teintées de mystère et il n’aura tenu que 4 ans 7 mois et 8 jours.

6 septembre 1912

Le général Mangin entre dans la ville pour en déloger Ahmed Al-Hiba, chef de file de la résistance armée. S’ensuivra la bataille de Sidi Bou Othmane où les Français ressortiront en vainqueurs.

1919

Jacques Majorelle édifiera une maison-atelier à la lisière de la nouvelle ville qu’il entourera d’un jardin de cactées. Le peintre lorrain marquera à jamais sa ville d’adoption d’une couleur particulière.

1923

Entrée en activité de l'hôtel Mamounia qui attirera une clientèle fortunée dont un habitué de renom en la personne de Sir Winston Churchill. Thami El Glaoui est intronisé pacha de Marrakech et jouera un rôle politique considérable.

1927

A l’âge de 18 ans, Sidi Mohammed ben Youssef monte sur le trône. Le sultan libérateur revendiquera l’indépendance de son pays lors du discours de Tanger, qu’il prononcera vingt ans plus tard.

1953

Déposition et exil de Mohammed V, trahi par le Glaoui. Le peuple finit par se soulever pour manifester son attachement au roi légitime qui sera rapatrié en 1955.

1956

La France accorde l’indépendance au Maroc, Mohammed V devient roi et décèdera 5 ans après.

Années 1960

Une nouvelle page de l’histoire va faire passer Marrakech d’un état provincial semi-léthargique à une destination people. Arrivée d’artistes qui vont attirer comme un aimant des personnalités à l’instar des Rolling Stones ou l’architecte Bill Willis. Ils vont former une communauté d’esthètes privilégiés et participer à la réputation glamour de la ville. 

1961

Intronisation d’Hassan II qui aura la lourde tâche de construire une nation. Arrestation des principaux opposants et disparition du dirigeant socialiste Mehdi ben Barka.

Années 1980

L’industrie du tourisme démarre et l’urbanisation s’étale à tel point que l’aéroport s’intégrera dans le tissu urbain. Les premiers signes d’intérêt des étrangers pour les maisons d’hôtes jaillissent, les liftings dans les riads s’opèrent, la vie culturelle est revitalisée. L’impact de cette mutation sera radical.

1985

La médina de Marrakech devient site protégé figurant au patrimoine mondial de l'UNESCO. La place Jemaâ el Fna la rejoindra à son tour en 2001.

1999

Disparition d’Hassan II. Mohammed VI annonce l’accélération de la démocratisation. Contrairement à feu son père, il signifiera son intérêt pour la ville en faisant débloquer des capitaux et accorder des facilités fiscales pour la création d’infrastructures.

2001

XXIe siècle

Le roi nomme à la tête de la région le wali (préfet) Mohammed Assad qui héritera du chantier de l’aéroport et de la gare.

28 avril 2011

Attentat au café Argana sur la place Jemaâ el Fna, épicentre du tourisme.

2016

COP22 : cette conférence aura un retentissement mondial en confortant le royaume comme un grand pays de l’écologie. De nombreux chantiers sont lancés pour être en phase avec l’événement climatique (éclairage solaire, Vélib, bus électriques, etc.).

2017

Chef du parti PJD bardé de diplômes en théologie, Saad Eddine Al-Othmani est nommé chef du gouvernement. Il prône un islamisme tolérant, n’hésitant pas à prendre position sur des sujets sociétaux tels que l’avortement.

2019

Marrakech s’impose comme destination phare du tourisme, recevant près de 3 millions de visiteurs du monde entier. De nouveaux hôtels sont alors construits, comme le Pestana du footballeur Cristiano Ronaldo.

2020

La cité ocre paye un lourd tribut social et économique alors que l’épidémie mondiale de Covid-19 impose un coup d’arrêt net à l’industrie touristique, moteur essentiel de la ville.

2023

Le 8 septembre 2023, un séisme particulièrement violent frappe la région du Haouz, aux portes de Marrakech. La plupart des villages du Haut-Atlas autour de Ouirgane sont sévèrement touchés.

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