Un peu d'histoire

Le port de Hambourg au Moyen Âge. Les Hambourgeois s’accordent à dater la fondation du port au 7 mai 1189. L’empereur Frédéric Ier (Frédéric Barberousse) octroie aux Hambourgeois la franchise douanière et la libre circulation des marchandises pour les bateaux circulant sur l’Elbe. Il n’existe aucune version originale de ce document, de sorte que les historiens s’interrogent sur la véracité de cet épisode. Toujours est-il que l’activité marchande prend son élan au Moyen Âge pour connaître une véritable dynamique au XIVe siècle. En 1321, Hambourg rejoint le réseau commercial de la Ligue hanséatique, ce qui place la ville au cœur des échanges entre la mer du Nord, la mer Baltique et le nord de l’Allemagne. Au Moyen Âge et jusqu’au XIXe siècle, le port de Hambourg se trouve sur les canaux (Fleete) de l’Alster dans la vieille-ville. C’est autour du Nikolaifleet que les cogues (voiliers à un mât) venaient décharger leurs marchandises importées de toute l’Europe du Nord.

Le port à l’époque moderne. Avec la découverte des Amériques, les routes commerciales changent et se réorientent sur un axe transatlantique, ce qui entraîne le déclin progressif de la Hanse. Hambourg, orientée vers la mer du Nord, réussit à conserver sa place dans le commerce mondial. Au XVIe siècle, Hambourg prend de manière plus marquée le rôle de débouché de l'Allemagne sur le commerce mondial. Hambourg est un comptoir commercial de taille, relié aux comptoirs des empires coloniaux. En témoigne le fait que la plus grande communauté portugaise hors de son empire y est installée ! En 1588, la toute première bourse allemande est fondée à Hambourg.

L’essor des Pays-Bas comme puissance maritime et commerciale contribue à l’établissement de nombreux Néerlandais à Hambourg. En revanche, une nouvelle menace pointe, car le royaume du Danemark conquiert le nord de l'Allemagne et s'installe à ses portes. Celui-ci fait de la bourgade voisine d'Altona une concurrente visant à aspirer le dynamisme hambourgeois en débauchant ses entrepreneurs. De nombreuses entreprises partent de Hambourg pour Altona, érigée de fait en rivale commerciale. La concurrence entre les deux villes est à la fois une difficulté et une stimulation.

Le XVIIIe siècle est une période de stabilité politique, de prospérité économique et d'avancées sociales et culturelles. Le Danemark décline et Hambourg prend de l'ascendant. La très riche bourgeoisie, issue du commerce maritime et des banques, fonde diverses institutions culturelles. Des lois libérales sont promulguées, notamment des édits de tolérance envers les minorités religieuses.

Le port à la fin du XIXe siècle. En 1871, Hambourg est politiquement intégrée à l’Empire allemand de Guillaume Ier. Dix ans plus tard, elle rejoint le Zollverein (union douanière) et doit renoncer à son autonomie douanière. Mais la cité hanséatique négocie le droit de fonder un port franc, afin de pouvoir stocker des marchandises sans que celles-ci soient soumises à des taxes. C’est dans ce cadre qu’est aménagée la Speicherstadt « cité des entrepôts » dans le port libre entre 1881 et 1888. Petit à petit, le port se déplace vers l’ouest et le sud de la ville, quittant les canaux de l’Alster pour les quais de l’Elbe. À la fin du XIXe siècle, le port se déploie sur la rive sud de l’Elbe où il se trouve aujourd’hui.

Hambourg devient également un port militaire d'envergure, capital dans la stratégie de défense de l'Empire allemand. Mais cette puissance est aussi synonyme de masses et de misère. Ainsi dans le quartier de St. Pauli vivent des milliers de familles de marins et d'ouvriers dans des conditions misérables. Des mouvements sociaux se développent. En 1896 une grève massive des dockers éclate, début d'une série de mouvements de protestation.

Au XIXe siècle, le port de Hambourg est aussi l’une des plaques tournantes de l'émigration européenne vers le Nouveau Monde. C’est ici que de nombreux hommes, femmes et enfants prennent le bateau pour rejoindre les États-Unis ou l’Amérique latine et tenter d’y trouver une meilleure vie. L’entrepreneur Albert Ballin fait construire au sud de l’Elbe un vaste complexe destiné à accueillir ces émigrés avant leur départ, complexe que l’on peut découvrir aujourd’hui dans la BallinStadt.

Le port au XXe siècle. Les bombardements de la Seconde Guerre mondiale n’épargnent pas le port de Hambourg.  En 1945, 80 % du port est réduit en cendres. Les travaux de reconstruction se font rapidement et sont achevés en 1956.

Dans les années 1960, Hambourg est au cœur du miracle économique allemand comme ville de l'import-export. La ville se dote de nouvelles infrastructures et entreprend de grands travaux de modernisation, comme l'immense Köhlbrandbrücke, le plus haut pont suspendu d'Allemagne, et le nouveau tunnel sous l'Elbe, qui sont inaugurés respectivement en 1974 et 1975.

Dans les années 1970, la construction de navires décline et l’activité du port se concentre sur le transport de marchandises. L’introduction du container participe d’une petite révolution dans l’histoire des échanges commerciaux. Reconnaissant le potentiel de ce nouveau mode de transport, Hambourg équipe son port des premières grues à containers. En 1980, ce secteur représente 30 % des activités et 55 % en 1986.

Au début du XXIe siècle, Hambourg assume son rôle de deuxième plus grande ville d'Allemagne et de premier port. Y sont installées de nombreuses entreprises nationales, notamment les célèbres chantiers navals Blohm+Voss et la société de construction aéronautique Airbus.

Les activités du port

Aujourd’hui, on estime à 62 000 le nombre de personnes employées dans les différentes entreprises du port. Environ 11 % des actifs de la ville travaillent directement ou indirectement à des postes en lien avec les activités portuaires. D’autres chiffres soulignent l’influence du port dans d’autres secteurs. Ainsi, 200 000 autres emplois dans toute l’Allemagne dépendent indirectement des activités portuaires de Hambourg. Le rayonnement du port dépasse par conséquent largement les frontières de la ville. D'une certaine façon, le port de Hambourg est le plus grand employeur du Schleswig-Holstein et le deuxième de Basse-Saxe après Volkswagen.

Les chantiers navals. Les chantiers navals sont l'activité historique du port. C’est à Hambourg que furent construits les bateaux les plus prestigieux de l’Empire allemand ! L’Imperator (1913), pour n’en citer qu’un seul, fut à sa mise à l’eau le plus grand paquebot du monde. Après-guerre, et plus encore dans les années 1980, l’activité de construction de bateaux a commencé à décliner face à la concurrence asiatique (Japon, Corée du Sud et Chine en tête). Les chantiers navals allemands ont dû opérer une métamorphose pour concentrer la production sur les yachts, les paquebots et les bateaux de plaisance. La compagnie Blohm+Voss, en activité depuis 1887, s’est aussi spécialisée dans l'entretien et la réparation de paquebots. Régulièrement, le Queen Mary II y fait l’objet des vérifications d’usage. Les chantiers navals n'emploient plus aujourd’hui que 1 500 personnes et leur avenir est incertain.

Import-Export. Quatrième puissance économique mondiale, l'Allemagne est le troisième plus grand exportateur au monde avec 1375,5 milliards d'euros de biens exportés en 2021. Le port de Hambourg joue un rôle-clé dans ce secteur de l’import-export. Ses lignes maritimes sont reliées à plus de 900 ports de 170 pays dans le monde. Les produits transportés sont aussi variés que l'économie mondiale. L'Allemagne exporte des voitures, des machines industrielles, de l'équipement, de l'électronique, du textile, etc. De nombreuses matières premières sont acheminées et stockées à Hambourg (près d'un tiers des importations) : hydrocarbures, minerais, céréales, matériaux de construction. Le reste est constitué de métaux, papiers, produits textiles, produits alimentaires, meubles, produits électroniques ; en réalité, tous les produits possibles et imaginables. Hambourg est notamment le centre mondial du commerce de tapis. Les épices et le thé y tiennent également une place importante. La ville est aussi fière d’être le plus grand port d'importation de café au monde !

Ce commerce de l'import-export soutient un deuxième secteur portuaire majeur : la transformation industrielle des matières premières. Dans le port trônent les raffineries de pétrole de Shell ou de Sasol Wax. La raffinerie est l'activité industrielle no 1 du port, avec un chiffre d'affaires annuel global de 45 milliards d'euros.

Containers. Si le port de Hambourg est resté un port universel - actif tant dans la construction et réparation de navires que dans la transformation de produits d’importation -, une activité se détache largement ces cinquante dernières années : le transport de containers. Chaque année, ce sont 8,9 millions de containers qui transitent par Hambourg. Au sud de l’Elbe, quatre terminaux de containers, reconnaissables à leurs grues monumentales, dessinent le paysage. L'invention du container dans les années 1950 est une petite révolution dans l’histoire de la mondialisation. D’une hauteur de 2,3 m, d’une longueur de 6 m et d’une capacité de 33 m³, le container (ou conteneur) est un outil standardisé. Cette norme adoptée dans le monde entier simplifie le chargement et le déchargement des bateaux et surtout l’empilement sur les cargos. Un cargo peut porter jusqu’à 6 000 containers, ce qui réduit considérablement les coûts de transport. À partir de la fin des années 1960, Hambourg s’est équipée de terminaux spécialisés dans le fret de containers, celui de Steinwerder étant le plus moderne d’entre eux.

Perspectives

Hambourg est une ville prospère. Son PIB en 2021 s’élevait à 127 milliards d'euros. Au classement du PIB par habitant (68 000 €/hab.), elle se positionne même à la première place en Allemagne, devant la Bavière. Au niveau européen, c'est le quatrième PIB par habitant le plus élevé d'Europe après Luxembourg, Bruxelles et Londres. Le port contribue massivement à cette prospérité. Toutefois, la concurrence des grands ports d’Asie - notamment Shanghai ou Singapour - se fait sentir. Aussi, les infrastructures doivent être revisitées et adaptées pour que le port puisse rester concurrentiel au XXIe siècle. Le port change de visage. De nouveaux quartiers résidentiels sortent également de terre.

Le défi des infrastructures. Pour pouvoir conserver sa place parmi les grands ports du monde, Hambourg devra se résoudre à engager des travaux de modernisation pharamineux. La taille grandissante des cargos exige de repenser certains espaces devenus trop petits. Un des problèmes majeurs réside notamment dans le lit de l’Elbe, par endroits trop étroit ou trop peu profond pour des bateaux toujours plus volumineux. Un réaménagement du chenal de l’Elbe est actuellement à l'étude. Il doit permettre d’acheminer de plus grands bateaux jusqu’aux terminaux de containers. Dépourvu d'écluses, le port de Hambourg est soumis aux aléas du flux et reflux de la mer du Nord. L’arrivée et le départ des bateaux est donc dépendant des marées. Souvent les cargos préfèrent prendre le large sans avoir chargé l’ensemble de leurs marchandises pour ne pas manquer la marée haute. Un fois le chantier de dragage terminé, la navigation sur l’Elbe sera facilitée et permettra le passage de cargos avec un tirant d’eau (la partie immergée du bateau) de 14,80 m.

Un autre chantier herculéen attend le port de Hambourg : le Köhlbrandbrücke, ce pont suspendu emblématique des années 1970, est devenu trop bas et les très grands cargos ne parviennent plus jusqu’au terminal d’Altenwerder, pourtant le terminal à containers le plus moderne de la ville. Le pont devra être démoli et remplacé par un tunnel à 30 m de profondeur. Un cinquième terminal pour le fret de containers est également en réflexion. Tous ces travaux d’aménagement ne se feront pas sans résistances ni sacrifices. Ils permettront à Hambourg de rester performante et de faire face à la concurrence des ports d’Asie, d’Europe, mais aussi d’Allemagne. La ville de Wilhelmshaven s’est ainsi dotée, avec le JadeWeserPort en 2012, d’un efficace port en eaux profondes.

Toutefois, Hambourg doit aussi composer avec une contestation grandissante, notamment dans les milieux écologistes. Les travaux d’infrastructure sont coûteux et leur impact environnemental sur la faune et la flore est, lui aussi, colossal. Le creusement du chenal de l’Elbe risque par ailleurs d’entraîner un nouveau problème : l’arrivée de vase venue de la mer des Wadden.

HafenCity. Le projet-phare de la reconversion d’une partie du port est celui de la HafenCity. L'idée de ce chantier titanesque est de reconnecter la ville avec son fleuve et son port. Sur une surface de 157 hectares, c’est une métamorphose spectaculaire qui est à l’œuvre pour ce quartier ultra moderne qui fait la charnière entre les anciens docks du port et la Speicherstadt aujourd’hui classée au patrimoine mondial de l’Unesco. À l’horizon 2025, la HafenCity doit pouvoir loger 15 000 Hambourgeois. La HafenCity, avant même la complétion du projet, est devenue un quartier bien à part de la ville, attirant travailleurs, flâneurs et visiteurs. Cafés, musées, restaurants, école primaire, université, la HafenCity est attractive. Les loyers sont ici supérieurs à la moyenne hambourgeoise. Pour faire l’acquisition d’un logement dans la HafenCity, il faudra ainsi être prêt à débourser 7 800 €/m². Les noms de rues laissent transparaître l’esprit d’aventure qui souffle sur le quartier : Magellan-Terrassen, Vasco-de-Gama-Platz, Marco-Polo-Terrassen, etc.

Elbtower. Premier véritable gratte-ciel de la ville, la Elbtower devrait en changer fondamentalement la silhouette et donner à Hambourg une nouvelle skyline. Avec une hauteur de 245 m, ce gratte-ciel de 64 étages deviendra, de loin, le plus haut bâtiment de la ville et le troisième plus haut d'Allemagne. Le projet a été élaboré par Christoph Felger du bureau de l'architecte anglais David Chipperfield. Située à côté de la station Elbbrücken, la Elbtower déplacera le centre de gravité de la HafenCity. Une fois terminée, elle offrira un panorama remarquable sur le port de Hambourg.