La musique classique

Existe-t-il une musique classique ou savante grecque ? Voilà une question qui a longtemps taraudé de nombreux experts et artistes locaux. Très schématiquement, la période ottomane en Grèce (entre les XVe et XIXe siècles) cantonne le pays à la musique byzantine ecclésiastique. Il faut attendre la création du conservatoire d'Athènes en 1871, et surtout un homme, Manolis Kalomiris (1883-1962), pour envisager l’établissement d’une « école nationale grecque » en musique. Dans le même esprit qu’un Bartok en Hongrie, Kalomiris rêvait d’une musique nationale, basée sur les chants populaires. Considéré comme la figure de proue de la musique savante grecque du XXe siècle, il a surtout marqué celle-ci par la création d'institutions importantes, dont le Conservatoire national. Son héritier le plus immédiat est sans aucun doute Nikos Skalkottas (1904-1949). Nom révéré, cet élève de Schoenberg concrétise le rêve de Kalomiris via les 36 Danses grecques où il marie folklore local et avant-garde musicale. Dans un même esprit, le compositeur de musique classique, pianiste et chef d'orchestre grec Kostas Giannidis (1903-1984) a immortalisé l’archipel dans ses Suite du Dodécanèse N° 1 et Suite du Dodécanèse N° 2 ainsi que ses compositions pour musique de chambre 22 Chants et danses du Dodécanèse et Petite suite sur des thèmes du Dodécanèse.

À l’international, le nom le plus prestigieux est de loin Mikis Theodorakis (1925-2021). Célèbre auteur de la musique de Zorba le Grec, on connaît moins ses cinq opéras, quatre ballets et sept symphonies traversés par une écriture puissante, pleine de grandiose et de démesure. Theodorakis fut aussi le chef de file du « Éntekhno », ce mouvement des années 1950 introduisant des mélodies et rythmes folkloriques grecs dans la musique orchestrale. Citons encore Thanos Mikroutsikos, grand nom de la musique atonale, Dimitris Mitropoulos (1896-1960) - le Mahler du pays -, à la fois pianiste étonnant et chef d’orchestre exigeant, et Yannis Xenakis (1922-2001), célèbre pour ses travaux sur l’électroacoustique.

Les musiques traditionnelles et populaires

Dès que l’on parle de musiques traditionnelles, ou populaires, en Grèce, viennent immédiatement en tête des échos de bouzouki, sorte de mandoline grecque. Si ces deux aspects monopolisent l’imaginaire, un monde d’une profondeur fabuleuse se dissimule derrière. Carrefour de la Méditerranée, envahi à maintes reprises, l'histoire du pays est imprimée dans ses musiques traditionnelles et populaires. Cela s’entend dans la richesse de ses influences, à la fois slaves, turques, vénitiennes ou arabes. Si toutes les îles, par leur passé, connaissent des folklores propres, la Grèce dans son ensemble partage trois grands piliers musicaux : le dimotiko, le rebetiko et le laïko. Le dimotiko, c’est le chant populaire grec le plus ancien, particulièrement intéressant d’un point de vue documentaire car il relate une part importante et sombre de l’histoire grecque (via des histoires d'amour, d’exil, de liberté, de mort, etc.). Le dimotiko est aussi l’occasion d’entendre tous les instruments piliers de la musique folklorique : la gaida (cornemuse),  la lira, le laouto (le luth grec), le tambouras (un autre luth grec), le daouli (tambour)… Mais le genre grec emblématique par excellence (classé patrimoine culturel immatériel de l’humanité), c’est le rebetiko. C’est par lui que la musique populaire a pris son essor, au début des années 1960. Ce « blues grec », chant des déracinés, des exclus, des marginaux, est né dans les cafés souterrains du quartier du Pirée à Athènes ainsi qu’à Thessalonique. Il raconte le quotidien fait de pauvreté, de douleur, de faim ou de toxicomanie des « Micrasiates », ces réfugiés grecs expulsés d’Asie Mineure en 1922. Une très belle musique gorgée de spleen qui a connu son heure de gloire entre les mains de Vassilis Tsitsanis, Markos Vamvakaris ou Marika Ninou.

Plus récemment est apparu le laïko. Signifiant « populaire », le mot désigne un style de musique pop, descendant du rebetiko, apparu dans les années 1950 et 1960. Il a évolué avec le temps et qualifie désormais la pop moderne grecque dans son ensemble.

Le nisiotika est la musique des îles de la mer Egée, des Cyclades, du Dodécanèse et des Sporades. Si elles détiennent un noyau commun, toutes les îles connaissent des variantes propres associées à leur histoire. Par exemple, dans les Cyclades et le Dodécanèse, le nisiotika est un petit frère de la tradition crétoise, occidentalisé par l’usage des violons. Dans l’ensemble, les nisiotika sont des airs légers, au pouls très doux et mettant généralement d’excellente humeur. Dans les années 1970, il y eut en Grèce une nouvelle vague de nisiotika, rajeuni par des interprètes comme Mariza Koch, Yiannis Parios ou Domna Samiou. Proche géographiquement et culturellement de la Crète, situées à l'extrême sud du Dodécanèse, Karpathos et Kassos pratiquent aussi une forme de mantinades, chant déclamé accompagné d'instruments traditionnels crétois : la lyra et le laouto.

La danse

Fait amusant, le sirtaki n’est pas une danse traditionnelle... mais elle est devenue mythique avec le temps. Créée en 1964 par Jean Vassilis (sur une musique de Théodorakis) pour le film Zorba le Grec de Michel Cacoyannis, elle s’inspire néanmoins d’une danse traditionnelle, le hasápikos (ou hasaposerviko) de Constantinople. Et pourtant des danses folkloriques, en Grèce, il y a en a énormément – on en dénombrerait même 10 000 différentes sur tout le territoire. Et si elles sont le reflet des spécificités régionales, elles partagent un socle commun. Par exemple, à l’instar du syrtos, de nombreuses danses sont exécutées en rond. En effet, à l’origine, en formant un cercle, les danseurs entendaient se protéger des influences néfastes. Dans le Dodécanèse, on danse le trata qui est une variante de syrtos, le ballos, une danse en couple pour se séduire, ou le très viril pentozali et ses inspirations guerrières. Pour savourer des danses traditionnelles à Rhodes, direction Chorospito. Ecole de danse, compagnie et salle de spectacle, Chorospito propose un large panel de danses du Dodécanèse.