La scène politique grecque

Le vote est obligatoire en Grèce, pour tout citoyen de plus de 18 ans. Le Parlement, la Vouli, est élu pour 4 ans au suffrage universel : il élit le président de la République, dont le rôle est surtout représentatif, pour une période de 5 ans, renouvelable une fois. Le Premier ministre et le gouvernement détiennent le pouvoir exécutif.

Les années de crise ont bouleversé l’échiquier politique grec et redistribué temporairement les cartes du pouvoir. Les dynasties Papandréou (PASOK, parti socialiste) et Caramanlis/Mitsotakis (Nouvelle Démocratie, parti conservateur) régnaient en maîtresses sur la scène politique depuis la restauration de la démocratie : la crise a fait basculer ce jeu de ping-pong imbibé de népotisme.

Le parti Syriza, coalition de la gauche radicale menée par Alexis Tsipras, remporte les élections de janvier 2015 à la surprise générale. Au pic de la crise économique, il doit faire face à une situation désastreuse et tenter de trouver un équilibre entre une population poussée à bout et des créanciers exigeant toujours plus d’austérité. S’il est finalement détrôné par Nouvelle Démocratie aux deux dernières élections (2019 et 2023), sa percée fulgurante n’en reste pas moins un événement historique marquant dans le paysage politique contemporain. Aujourd’hui parti d’opposition qui s'effrite, Syriza peine à former une large coalition à gauche de l’échiquier politique : depuis 2023 et le dernier désaveu électoral, Alexis Tsipras a démissionné de la tête du parti, laissant place à un jeune inconnu débarqué des États-Unis pour donner une nouvelle direction sociale-démocrate à l'ancien mouvement radical. Parmi les éléments marquants des dernières élections, on note le retour du PASOK comme parti sérieux d'opposition, après avoir été apparemment enterré par Syriza pendant les années de crise. Les soutiens locaux au parti sont nombreux, et le retour de ce parti traditionnel pourrait se confirmer dans les années à venir.

En 2019, la victoire de K. Mitsotakis remet la droite conservatrice et libérale sur le devant de la scène, tendance confirmée par les élections générales de 2023 mais infirmées par les municipales la même année, quand la mairie d'Athènes détenue par un membre de la famille Mitsotakis passe au PASOK, marquant le retour de ce parti dans la vie politique. Parmi les mesures phares de Nouvelle Démocratie, on peut noter une politique économique basée sur l’entreprise - le tourisme et la construction notamment - mais également un positionnement très droitier sur le statut de l’Église orthodoxe, le nationalisme politique et la protection des réfugiés. De nombreux scandales ont émaillé les années du gouvernement Mitsotakis : les Grecs, déçus par la gestion de la crise sanitaire, inquiets de l'inflation galopante tirée par la crise énergétique depuis la guerre en Ukraine, sont également fatigués de différents scandales politico-médiatiques, dont la mise sur écoute par le gouvernement de journalistes et hommes politiques de l'opposition (2022) et la gestion catastrophique des feux massifs qui rythment chaque été.

Le défi humanitaire

Un des enjeux majeurs de la politique actuelle concerne les réfugiés qui arrivent sur les côtes grecques : les îles du Dodécanèse sont les premières concernées car elles constituent la porte d'entrée de l'UE la plus proche de la Turquie et des zones de conflit. A l'été 2015, alors que la Grèce vit les pires heures de la crise économique, la crise humanitaire menace d’imploser : des négociations avec la Turquie calment le flux d'arrivants en 2016-2017 mais ne constituent pas une solution durable à un problème géopolitique global, qui reprend de l’ampleur à l’été 2019 et se maintient depuis, renforcé encore par le retour des Talibans en Afghanistan, en 2021.

Après une première phase d'accueil solidaire de la part de la population locale, qui a pallié le manque de réactivité et de prise en charge de la Grèce et de l'UE dans son ensemble, la question de la « gestion » migratoire s'institutionnalise. Les îles de Leros, Kos et Rhodes reçoivent la majorité des exilés et mettent en place des camps de fortune rapidement insalubres et à capacité limitée, largement décriés par les professionnels de l'humanitaire. Au fil des années, ces camps sont élargis, regroupés dans des zones dédiées puis progressivement transformés en « centres fermés », ou zones d'emprisonnement. Après l'ouverture du premier « centre fermé à accès contrôlé » de Grèce à Samos (Nord-Égée), les centres de Leros et de Kos sont inaugurés en 2021.

La Grèce de K. Mitsotakis a été largement condamnée par des ONG de défense des droits humains, des organisations internationales sous égide de l'ONU et par de nombreuses enquêtes d'investigation pour ses pratiques inhumaines, parfois même illégales, dans l'accueil de ces hommes et femmes venus de loin. Un des plus gros scandales, qui implique également l'UE dans son ensemble, concerne la pratique illégale des pushbacks en mer, à savoir le renvoi illégal ou refoulement de migrants dans les eaux territoriales turques par les gardes-côtes grecs, sous égide de Frontex, l'organisme européen en charge de patrouiller les frontières de l'Union. La tragédie du naufrage d'un bateau empli de migrants au large de Pylos, en juin 2023, a ainsi provoqué la mort d'au moins 650 exilés, dont une large part de femmes et d'enfants emprisonnés dans la soute du bateau repoussé en mer par les gardes-côtes grecs.

La relation aux voisins

Malgré des relations améliorées, les sujets de tension avec la Turquie ne manquent pas. C'est notamment le cas dans les îles frontalières du Dodécanèse, toujours méfiantes à l’égard du grand voisin. Les contentieux portent sur la gestion de la crise humanitaire, les Turcs et les Grecs se renvoyant la balle des responsabilités et des erreurs, sur le dos des migrants. Mais ce qui produit le plus de relents nationalistes concerne la souveraineté de certaines îles égéennes, face à l’extension des eaux territoriales grecques près des côtes turques ou face aux survols illégaux de l'armée turque près des côtes grecques. Avec la guerre en Ukraine, le port d'Alexandroupoli, à la frontière de la Grèce continentale et de la Turquie est devenu une nouvelle base stratégique de l'OTAN. La Grèce espère ainsi devenir une force essentielle dans le rapport de force international pour contrebalancer la place centrale que s'est taillée la Turquie dans les négociations entre Ukraine et Russie. Enfin, l’occupation turque du nord de Chypre reste toujours une raison de ne pas s’entendre.

En revanche, les relations historiquement conflictuelles avec la Macédoine du Nord semblent être enfin pacifiées. Depuis 1991, la Grèce refusait que ce pays balkanique et slave issu de l’implosion de l’ex-Yougoslavie prenne le nom de la dynastie d’Alexandre le Grand. De tous les débats nationalistes depuis plus de 25 ans, la question macédonienne est enfin résolue : le 25 janvier 2019, le parlement grec ratifie l’accord historique de Prespa qui rebaptise l'ex-République de Macédoine en République de Macédoine du Nord… Deux mots qui closent, on l’espère à jamais, cet épineux différend.