Le village de Setenil de Las Bondegas. © Stefano_Valeri -shutterstock.com.jpg
Boutique d'artisanat à Frigillana. © Moskwa -shutterstock.com.jpg
Centre historique de Setenil de Las Bondegas. © Migel -shutterstock.com .jpg

Des trésors cachés

Serpentant dans une zone de basse et moyenne montagne, la route des pueblos blancos regroupe dix-neuf localités dont la majorité est située à proximité ou dans le Parc naturel de la Sierra de Grazalema, province de Cadix, quand une autre partie permet de continuer le voyage dans la Serranía de Ronda, province de Malaga. Façades blanchies à la chaux, fenêtres pourvues de fer forgé peint en noir, pots de fleurs accrochés aux murs, ces pueblos blancos présentent des visuels identiques même si c’est leur couleur éclatante au soleil qui leur a valu leur surnom de « villages blancs ». Mais leurs similitudes ne s’arrêtent pas là. Pour des raisons de sécurité contre les nombreuses attaques survenues dans la région, ils furent souvent construits au sommet de collines puis soigneusement fortifiés. De ce passé, ils ont gardé leur tracé de tradition mauresque avec des rues sinueuses dégringolant ou escaladant des versants escarpés. Au hasard de la promenade, ces villages invitent à la découverte de trésors cachés. Ici, l’entrée d’une place, d’une église ou d’un palais. Là, l’intimité d’un patio richement aménagé ou encore une ruelle qui en la suivant peut conduire vers un magnifique point de vue sur les plaines et les pâturages ensoleillés… Voici deux routes pour les parcourir, d’ouest en est, l’une plus au nord, l’autre plus au sud, mais toutes deux partageant le même point de départ, Arcos de la Frontera, province de Cadix. Et suivant le même découpage, les « incontournables » et les étapes intéressantes entre chacun d’eux. Au vu du climat plutôt doux, le circuit peut s’effectuer toute l’année même s’il vaut mieux éviter le trop grand chaud ou le trop grand froid et privilégier le printemps et l’automne. Comptez a minima deux jours pour chaque route en sachant que celles du Sud seront plus étroites et qu’une semaine ne sera pas de trop pour apprécier vraiment le charme de chaque étape.

La route du Nord, gisements archéologiques, dolmens et miradors

Arcos de la Frontera. À seulement 70 km de Cadix et 40 km de Jerez de la Frontera, c’est la porte d’entrée presque naturelle pour découvrir les pueblos blancos. Mais pas seulement pour sa facilité d’accès. Perchée sur un rebord de plateau de presque 200 mètres, avec la rivière Guadalete à ses pieds, Arcos est sûrement l’une des plus belles petites villes de la péninsule ibérique, elle compte aujourd’hui plus de 30 900 habitants, mais a figuré parmi les villes les plus importantes de l’Andalousie musulmane. Incontestablement de style oriental, son tracé urbain apparaît comme un labyrinthe : les ruelles pavées, quelques-unes d’un mètre de largeur à peine, ondulent en épousant le sol accidenté, s’interrompant brusquement devant des précipices qui entourent Arcos de toutes parts. C’est une ville très ensoleillée, certains réverbères marchant à l’énergie solaire, mais qui peut aussi connaître des nuits parfois fraîches si le Levante souffle. En remontant depuis la plaza de España, on fera un tour dans l’envoûtante vieille ville pour rallier le sommet du village et admirer une superbe vue sur la sierra de Cadix. Au détour de la balade, on prendra le temps de s’arrêter pour apprécier les belles églises de Santa Maria et San Pedro, le palais du Conde de Águila ou l’hôtel de ville, ayuntamiento.

Pour reprendre des forces, on s’arrêtera sur l’une des nombreuses terrasses avec vue pour déguster les spécialités locales : les tartines avec manteca colorá (saindoux au paprika) ou manteca con zurrapa (sorte de rillettes). C’est au centre du village que l’on pourra acheter céramiques et poteries. Et les amoureux de sports nautiques pourront les pratiquer sur le lac de la Molinera.

De Arcos à Setenil de las Bodegas, ce circuit vous conduira d’abord à Algar. Via un petit crochet de quelques kilomètres au sud-est d’Arcos. Situé à 200 mètres d’altitude, ce petit village blanc sera l’occasion de découvrir son église de Santa María de Guadalupe. Puis en repartant vers le nord, on rencontrera Bornos, un village connu pour ses sources sulfureuses et situé sur les bords du réservoir « embalse » du même nom, l’un des plus grands d’Andalousie où l’on pourra pratiquer à loisir le kayak, la pêche, mais aussi observer les oiseaux d’eau. Non loin de Bornos, on ralliera Espera pour visiter sa ville ibéro-romaine de Carissa Aurelia, son église Santa Maria de Gracia, du XVIe siècle et surtout contempler de superbes vues depuis le château de Fatetar qui domine le village du haut de son rocher. De l’autre côté de l’embalse de Bornos, le village de Villamartín offre quant à lui une grande variété de paysages et de couleurs, le blanc du village bien sûr, mais aussi le vert de ses alentours et les bleus du ciel et du lac. À proximité on trouvera le dolmen de Alberite, l’un des monuments du mégalithe les plus anciens de la péninsule ibérique (+ de 6 000 ans). Quelques kilomètres plus loin à l’est, on arrive à Algodonales, célèbre pour ses fêtes de Corpus Christi à l’occasion desquelles il recouvre ses rues de rameaux. Mais surtout considéré comme la porte d’entrée de la sierra de Grazalema. Situé au pied de la Sierra de Líjar, ce village est très propice à la pratique des sports aéronautiques et a même accueilli le championnat mondial de deltaplane en 2001. Et si vous y venez les 2, 3 ou 4 mai, vous aurez le plaisir d’assister à la reconstitution de la lutte des Algodonaleños contre les Français, durant la guerre d’indépendance. Mais c’est toute l’année que vous pourrez acquérir des guitares, une production traditionnelle du village. Sachez enfin qu’à proximité, le hameau de la Muela abrite l’une des plus grandes colonies de vautours fauves de toute l’Andalousie. L’étape suivante vous conduira à El Gastor, connu pour être le balcon des pueblos blancos et permettre d'avoir de très belles vues depuis son point le plus haut. En visitant son Musée José Maria el Tempranillo, on en apprendra plus sur la vie quotidienne de la sierra au XIXe siècle. La commune abrite aussi d’autres vestiges mégalithiques comme le Dolmen du Gigante. Située dans la partie la plus orientale de cette route, Olvera, qui a servi de place forte durant de nombreuses guerres, a appartenu aux ducs d’Osuna et est aujourd’hui classée « ensemble artistique historique ». On y appréciera le tracé de ses rues, toutes orientées vers les deux silhouettes les plus importantes et les plus hautes du village, l’église de l’Encarnación du XVIIIe siècle et son château nasride. À l’ouest de la ville, on remarquera le rocher de Zaframagón, déclaré Réserve naturelle et qui abrite la plus grande colonie de vautours de l’Andalousie. Refuge des Maures expulsés de Setenil, Alcalá del valle abrite d’autres éléments significatifs du mégalithique, les dolmens de los Tomillos et produit des asperges très réputées.

Setenil de las Bodegas, termine ce circuit. Ce n’est pas le plus connu des villages blancs, mais il mérite vraiment une visite. Ne serait-ce que pour la structure si particulière de ses maisons, creusées dans la roche. Mais lorsque l’on entre dans le village, on n’a pas l’impression qu’elles ont été creusées, on a la sensation qu’une coulée de pierres a roulé sur les maisons qui, de justesse, n’ont pas été détruites. Comme dans tout village blanc, les vestiges de son château de l’époque nasride dominent l’ensemble. Que ce soit dans sa partie basse ou haute, on pourra le parcourir en se livrant au tapeo, dans l’un de ses nombreux bars ou bodegas. Et y apprécier ses pâtisseries. Si vous souhaitez poursuivre le circuit en terre de Malaga, Ronda n’est plus qu’à quelques kilomètres. Cette province abritant aussi quelques jolis villages blancs comme Nerja ou Frigiliana.

La route du Sud, au cœur du Parc naturel de Grazalema

Pour vous conduire d’Arcos aux deux petits bijoux des pueblos blancos, Grazalema et Zahara de la Sierra, le circuit prend la direction de El Bosque, mais fait un petit crochet par Prado del Rey, berceau des vins liquoreux de Parajate qui se sont fait connaître depuis le XIXe siècle. Le village est également réputé pour sa maroquinerie et ses meubles en bois. Et à 4 km de là on trouvera les vestiges de la ville romaine d’Iptuci. Le circuit se poursuit en ralliant El Bosque, l’un des plus connus des pueblos blancos, pour ses zones de pêche à la truite et pour sa situation privilégiée dans la sierra de Grazalema. Afin de se familiariser avec la faune et la flore de cette sierra, on se rendra au centre des visiteurs du parc naturel ainsi qu’au jardin botanique abritant des plantes aromatiques, mais surtout le Pinsapo, pin emblématique du parc naturel. Dans le village, la balade inclut aussi la visite de l’Écomusée del Molino de Abajo et les randonneurs pourront se rendre à Benamahoma, l’étape suivante, en longeant le cours du fleuve Majaceite via un chemin de 5 km traversant une forêt de peupliers, de frênes et d’ormes. Ce village s’est notamment fait connaître par ses fêtes maures et chrétiennes se déroulant au début du mois d’août et on en profitera pour découvrir la source « El Nacimiento » qui se jette dans la rivière Majaceite et a permis la création de nombreux élevages de poissons. En descendant vers le sud, on arrive à Ubrique, un village mondialement connu pour son artisanat du cuir. On apprendra à mieux connaître en visitant le musée dédié à ce savoir-faire et abrité dans le couvent des Capuchinos, édifice du VIIe siècle.  On peut prolonger la balade dans le village en découvrant son quartier de style nasride et en suivant son paseo des miradors (7 au total) avec de superbes vues sur les alentours. Les amateurs de randonnée pédestre pourront même rejoindre Benaocaz (au nord-est) en suivant une ancienne voie romaine. Villaluenga del Rosario, quant à lui, a l'honneur d’être le plus haut village de toute la province de Cadix. Un lieu idéal pour la pratique de la spéléologie et les balades à cheval ou à bicyclette. Sans compter son dernier attrait, les quesos payoyos (à base de lait de chèvre ou de brebis ou des deux), qui lui valent chaque week-end la visite de nombreux acheteurs.

Grazalema. À 825 m d’altitude, ce pueblo blanco de plus de 2 000 habitants et d’origine romaine est situé au pied de la sierra del Piñar et au cœur du Parc naturel de la sierra de Grazalema. Il fait partie de la zone de la péninsule Ibérique où les précipitations au cours de l’année sont normalement les plus importantes en termes de concentration. Les massifs environnants constituaient la première vision des navigateurs espagnols lorsqu’ils revenaient du Nouveau Monde. Les deux principales ressources du village sont la fabrication de couvertures en pure laine vierge et les activités liées au tourisme vert qui se pratiquent et se développent de plus en plus au sein du parc. On y appréciera son architecture traditionnelle et ses rues soigneusement entretenues.

Zahara de la Sierra. C’est ce splendide petit village fondé au VIIe siècle par les Arabes qui vient conclure cette route. Également situé dans le parc de Grazalema et classé monument national, il surplombe un site exceptionnel constitué par l’embalse, retenue d’eau, de Zahara, considéré comme l’un des plus beaux de l’Andalousie. Et depuis son mirador, on appréciera bien sûr les vues impressionnantes sur les alentours. En flânant dans les petites ruelles, on découvrira les ruines de son château de la dynastie nasride ainsi que des remparts construits par les Romains et les Arabes. À la sortie du village, un arrêt au moulin du Manzanillo vous permettra de déguster l’huile locale. Des randonnées à cheval sont organisées au départ du village et les plus sportifs parcourront la ruta de la Garganta Verde, route de la gorge verte, un circuit d’environ quatre heures et de difficulté moyenne, mais largement récompensée par la beauté des paysages traversés.