Manuscrit du XIIIe représentant Zyriab jouant du oud. © domaine public - wikimedia commons.jpg
Danse traditionnelle de Malaga. © colorsphotostock -iStockphoto.com.jpg
Le chanteur, compositeur et poète Joaquin Sabina en concert. © criben -shutterstock.com .jpg

La musique arabo-andalouse

L’apparition de la musique arabo-andalouse est d’abord liée à l’arrivée à la cour de Cordoue, en 822, de Zyriab, de son vrai nom Abu Al-Hassan Ali ben Nâfi, un musicien d’origine kurde de génie qui a mis au point différentes techniques vocales et poétiques telles que le Muwashshah, sur lesquels le flamenco a pris sa source. Sa première décision avait été de créer une école de musique, le premier conservatoire d’Europe ouvert à tous, financé par les fonds du Calife qui l’accueillait. Il va aussi perfectionner le système des noubas (littéralement « chacun son tour »), une suite de pièces vocales et instrumentales sur laquelle se fonde la tradition musicale andalouse. Chaque musicien devait attendre son tour pour chanter devant le calife. Ziryab sera le premier à enchaîner plusieurs pièces dans un concert. L’idée d’une « suite » en musique trouve son origine dans cette première innovation. Autre nouveauté qui aura un impact jusqu’à la chapelle pontificale de Rome, celui-ci va intégrer des castrats dans les chœurs de la nouba. Mais il est aussi compositeur et technicien de la musique. Il a fait évoluer le chant en le codifiant et en limitant les improvisations. Assimilant les musiques religieuses chrétiennes comme le chant grégorien ou les romanceros profanes, il a créé près de mille poèmes mélodiques qui seront interprétés dans tout le bassin méditerranéen. Celui-ci aurait également pourvu l’oud, une sorte de luth à manche court très utilisé dans les pays arabes, de sa cinquième corde, mais aussi inventé le plectre, l’ancêtre du médiator. Son œuvre va énormément influencer toutes les musiques de l’Europe du Moyen Âge, ainsi que les musiques arabes.

Dans le sud de l’Espagne, du Xe au XVe siècle, chrétiens, musulmans et juifs ont cohabité avec succès et se sont enrichis mutuellement. La tradition musicale arabo-andalouse a ainsi pris forme sur ce métissage culturel, au carrefour des influences espagnoles, juives et arabes. Il s’agit essentiellement d’une musique non écrite, qui repose pourtant sur des règles très strictes. À partir du XIe siècle, la Reconquête avait aussi favorisé le développement d’une large production musicale d’inspiration principalement religieuse. Pour retrouver l’esprit de ces musiques, rendez-vous à la Casa de la Memoria de Séville, un centre culturel qui organise expositions, concerts et conférences sur le flamenco, la musique séfarade et arabo-andalouse. Vous y découvrirez de jeunes artistes prometteurs.

La musique classique

Le roman de la famille Almaviva de Beaumarchais avait pour cadre Séville et des monuments du bel canto en ont été tirés, comme Le Barbier de Séville ou Les Noces de Figaro. Le Don Giovanni de Mozart suit, lui, les aventures sévillanes d’un Don Juan popularisé par l’écrivain Tirso de Molina. De tout temps, en Espagne, les musiciens sont allés chercher dans le folklore local la sève qui compose leurs œuvres. Cette tendance va s’accentuer à compter du XIXe siècle et s’exporter, notamment auprès des compositeurs français qui tentent de se détacher de la domination musicale wagnérienne. C’est ainsi qu’au cours du XIXe siècle, une forme d’espagnolisme va distraire le public français. Mais les compositeurs français y trouveront aussi matière pour proposer une musique moderne, pendant qu’en retour les compositeurs espagnols renouvelleront leurs propositions artistiques. Avec son opéra Carmen et son folklore chimérique, Georges Bizet est l’un des tout premiers à proposer une vision pittoresque de l’Espagne dans sa musique. Des liens forts s’exercent alors entre les musiciens français et leurs homologues exilés espagnols, attirés par la vitalité artistique parisienne : Isaac Albéniz, Joaquín Turina et Manuel de Falla fréquentent Claude Debussy, Maurice Ravel ou encore Paul Dukas et leurs échanges sont fructueux. Avec La soirée dans Grenade ou Iberia, Debussy compose une œuvre qui représente son Espagne rêvée et ses impressions d’un pays qu’il connaît peu en réalité, pendant que Ravel intègre sa vision du folklore espagnol dans la Rhapsodie espagnole, l’Alborada del gracioso ou le célèbre Boléro.

Ce mouvement d’appropriation réciproque permet aux compositeurs ibériques de se détacher d’une vision uniquement pittoresque de la musique de leur pays pour trouver de nouvelles orientations artistiques. Ainsi Turina utilise dans ses œuvres un langage riche en harmonies, caractéristique du folklore andalou, mais on peut aussi y retrouver l’influence de la musique française. C’est aussi ce qui a permis à Manuel de Falla d’ouvrir l’esthétique musicale classique espagnole à celle du XXe siècle. Au lieu de s’engager dans les pas de Debussy ou de Stravinsky, il s’est laissé inspirer par leur écriture musicale pour extraire de la musique traditionnelle espagnole, et surtout du flamenco, la quintessence de son propre langage musical. L’exubérance orientale de son œuvre orchestrale majeure Nuits dans les jardins d’Espagne, ses trois mouvements inspirés de trois jardins « Au Generalife », « Danse lointaine » et « Dans les jardins de la Sierra de Cordoue », synthétise à elle seule l’essence impressionniste de sa musique. Cet authentique représentant de l’âme espagnole s’était installé à Grenade, où il a composé plusieurs de ses œuvres les plus marquantes, avant d’émigrer vers l’Argentine en 1939, fuyant la dictature. Sa maison a été conservée et transformée en Centre Culturel Manuel de Falla. La demeure se visite et permet d’entrer dans l’intimité du musicien. Ne manquez pas non plus d’assister à un des concerts organisés dans les lieux. Et profitez de la visite de la cathédrale de Cadix pour visiter sa crypte, là où Manuel de Falla repose.

Les températures estivales en Andalousie sont particulièrement élevées, alors faites comme les Sévillans et sortez le soir, lorsque l’air est moins suffocant. Et si vous vous rendez à Séville en juillet ou en août, passez votre soirée aux jardins du Real Alcázar pour profiter des Noches en los jardines del Real Alcázar, une série de concerts de musique classique et de lecture de grandes œuvres littéraires en plein air, mis en scène dans les plus beaux jardins de Séville. Le Théâtre de la Maestranza propose quant à lui régulièrement des concerts de Beethoven, Mozart ou encore Tchaïkovski par l’Orchestre Symphonique de Séville ou par des orchestres internationaux. Si le Théâtre de la Maestranza est assurément la référence en matière d’opéra, Sevilla de Ópera, une petite salle située dans le marché d’El Arenal, vous séduira par son intimité. Celle-ci ne propose pas des opéras complets, mais vous pourrez y entendre des airs d’opéra en relation avec la ville.

L’art du flamenco

C’est d’abord à Séville que vous pourrez admirer le flamenco et ses variantes, telles que les sevillanas et les saetas. Si vous êtes dans la ville en septembre, vous pourrez aussi profiter de la Biennale de flamenco, le plus important festival de flamenco d’Espagne. Depuis les années 1950, le flamenco a entamé la reconquête de ses racines. Une nouvelle génération d’artistes a vu le jour, avec la même passion pour le flamenco, mais aussi un désir de liberté. Le plus souvent, les artistes ont fait évoluer le genre, à l’image du « flamenco fusion » ou « nuevo flamenco » (nouveau flamenco) qui a intégré à la musique flamenca, une variété de sons émanant aussi bien de la salsa, du rock, du blues ou encore de la rumba. Dans les années 1970, Paco de Lucía avait su le premier donner un peu d’air frais au flamenco en lui apportant des touches de jazz. Il va adouber Vicente Amigo, un artiste qui a aussi incarné la relève du flamenco, sans pour autant chercher forcément la rupture avec la tradition. Ce dernier a su très vite imposer un flamenco ouvert à diverses influences, notamment celles du jazz auquel il emprunte les libertés harmoniques et le plaisir de l’improvisation. Estrella Morente est également une grande figure du style. Issue de la famille gitane Morente, elle est la fille du grand Enrique Morente, l’un des plus grands chanteurs de flamenco, qui avait été fortement critiqué pour sa vision moderne et expérimentale d’un flamenco cold wave, et de la danseuse Aurora Carbonell. C’est dire que, depuis toute jeune, elle a baigné dans le style. Ses albums sont tous d’énormes succès. C’est elle qui prêtait sa voix à Penélope Cruz dans le film de Pedro Almodóvar Volver. Mariée au matador malagueño Javier Conde, Estrella s’est très vite imposée comme l’une des valeurs sûres de la jeune génération flamenca. Israel Galvan est le danseur le plus radical et le plus connu du flamenco avant-gardiste. Chambao, un groupe originaire de Málaga, réputé pour son flamenco chill, qui mixe avec succès les sons du flamenco avec ceux de la musique électronique, rencontre également un grand succès. L’art de la danseuse Cristina Hoyos est avant tout celui du flamenco, mais avec une ouverture constante, dynamisée par des rencontres d’artistes venus de tous horizons, qui l’ont amenée à renouveler les formes, les pas et les gestes de cette danse de tradition. Depuis le printemps 2006, la ville de Séville possède un Museo del Baile Flamenco Cristina Hoyos (avec école de danse et boutique), il est situé entre deux monuments emblématiques de Séville, sa cathédrale et ses Reales Alcázares.

Séville : la danse de la séduction. Le profane confond parfois la Sévillane avec le flamenco, ou l’identifie comme une des nombreuses variétés de danse flamenca (à l’instar de la bulería par exemple). Et si les puristes hurlent au sacrilège, l’amateur n’est pas seul responsable de cette confusion. Dans les cours de danse espagnole, en France et dans le reste de l’Europe, la sévillane est très souvent associée au flamenco, et ces deux disciplines sont la plupart du temps enseignées par un même professeur. Pour autant, malgré une origine géographique commune et des influences partagées, la sévillane n’est pas le flamenco et le flamenco n’est pas la sévillane. À l’origine, la danse dérive directement de la fameuse « Séguedille », évoquée par Carmen dans l’opéra de Bizet. Sa préhistoire semble trouver ses racines dans les danses orientales apportées par les Arabes en Andalousie, et commence à prendre son identité propre au XVIIe siècle, un mélange de Zarabanda et de Chacona, évoluant rapidement vers la forme quasiment rituelle qui caractérise depuis lors cette danse de couple.

Grenade. La ville de Grenade avait accueilli en 1922 le premier concours de cante, qui avait permis au flamenco de s’affirmer et d’être reconnu publiquement. Cette passion pour le flamenco ainsi que la présence gitane depuis plusieurs centaines d’années, a fait de cette ville un centre de flamenco particulièrement actif depuis le XIXe siècle. De grands artistes flamencos tels que le danseur Manuel Santiago Maya « Manolete », originaire du quartier mythique du Sacromonte, et qui dirige aujourd’hui l’école internationale de flamenco de Grenade, en sont issus.

Málaga. Málaga est parfois surnommée la « Cantaora » (la chanteuse de flamenco). C’est dire si les Malagueños ont la musique dans le sang. Dans la ville, la musique est présente partout et rythme la vie des habitants. Les verdiales en sont un bon exemple. Cette fête populaire a pris le nom du verdial, une musique jouée par des violons, des castagnettes, des tambourins, des luths et des guitares, faite aussi pour être dansée. De nombreux festivals consacrés à la musique se déroulent à Málaga. Un des plus importants est celui de la Fiesta Mayor de Verdiales, qui se déroule le 28 décembre de chaque année. En novembre, c’est la Biennale de flamenco qui remplit la ville. Vous pouvez aussi participer au Festival de Musique Contemporaine en janvier de chaque année. Enfin un important festival de jazz investit la ville chaque année. À Málaga, également le Musée de la maison des douanes a innové en créant un cycle de concerts dans ses locaux. Ainsi un dimanche par mois, la cour centrale du musée devient une scène de concerts de musique classique, avec l’appui de l’Orchestre Philharmonique de Málaga. Les concerts sont gratuits et doivent aussi servir à valoriser les espoirs locaux.

Cordoue. Durant le mois de juillet, Cordoue accueille le Festival International de la Guitare qui jouit d’une réputation internationale grâce à la qualité des interprètes invités. D’un côté un programme de concerts qui se déroulent dans des lieux et places emblématiques de la ville, de l’autre des cours sur la fabrication de guitares et des cours de composition pour guitare. Les plus grands noms de la guitare flamenca, et jazz, mais aussi de musique classique sont passés par le Festival de Cordoue.

Rock et hip-hop

À la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, un mouvement musical, mêlant le blues et le rock progressif au flamenco, s’était développé en Andalousie. Toute une scène s’était ainsi retrouvée dans un nouveau genre musical que l’on a regroupé sous l’appellation de rock andalou. Les groupes avaient pour dénominateur commun la volonté de trouver de nouvelles voies pour le rock, tout en conservant leurs racines andalouses. On peut citer Smash, un groupe pionnier du genre qui n’a duré que 5 années, mais dont l’influence est importante, Alameda, un groupe de rock progressif, originaire de Séville, ou encore Veneno, le groupe des frères Raimundo et Rafael Amador, qui formeront plus tard Pata Negra, dont le disque éponyme a marqué toute la scène indépendante espagnole. Medina Azahara, originaire de Cordoue, est également une référence du style. Mais le groupe majeur de toute cette scène reste Triana. Le producteur musical Gonzalo García Pelayo a dit de Triana qu’ils faisaient la musique que ferait King Crimson s’il était né à Séville et le groupe est considéré par beaucoup comme la référence en matière de rock andalou.

Avec ses dix-sept albums studio, Joaquín Sabina est l’enfant de l’Andalousie. Lui qui s’était exilé à Londres tout jeune, est rentré dans son pays en 1976. Et depuis cette date, le succès du cantautor ne s’est jamais démenti en Espagne, mais aussi en Amérique latine où il a vendu plusieurs millions de disques. Ses textes ciselés, proposés sur une musique pop-rock, et sa voix rauque si caractéristique, font de lui un artiste majeur en Espagne.

Dans les années 1990, l’Espagne a succombé à la vague du hip-hop. On s’est alors aperçu que l’Andalousie était le berceau d’une scène diverse et particulièrement créative. Les plus grands noms du hip-hop et du rap espagnol proviennent du sud de l’Espagne. Fondé à Séville, SFDK, sigle de Straight From Da Kranny, est l’un des groupes pionniers du hip-hop espagnol. D’un hip-hop old-school américain, le groupe s’est ensuite forgé son propre style, plus hardcore et agressif, avec la sortie de leur premier album Siempre Fuertes en 1999. Pendant ce temps, dans le quartier de La Macarena, Tote King et son frère Shotta pariaient sur un style plus transgressif, nettement influencé par ce qui sortait aux États-Unis. Non loin de là, à Mairena del Aljarafe, Dogma Crew proposait de son côté un rap revendicatif, à base de protestation sociale et de conscience de classe. Ces collectifs ont conservé un lieu fort avec leur région d’origine. Certains de ces artistes ont ainsi utilisé sous forme de samples l’instrumentation de guitares acoustiques et électriques, de basse, de castagnettes et de diverses percussions proposées dans le rock andalou, comme dans le titre The High School avec d’anciens membres Tote King ou dans les morceaux Juanma et El Tralla, composés par le rapper Juaninacka. D’autres villes du sud de l’Espagne ont développé leur propre courant. Avec le gangsta rap de Triple XXX ou le rap-reggae de Pinnacle Rockers, Málaga possède aussi une scène hip-hop particulièrement active. Et la ville de Grenade est devenue l’Atlanta d’Espagne. Yung Beef, Khaled et Dellafuente composent une scène artistique dont les sons plus contemporains proviennent d’outre-Atlantique.

À Séville, que vous soyez fan de rock indépendant, de funk ou de hip-hop, la musique s’écoute au Fun Club, l’un des plus anciens lieux de musique live de Séville, tous les vendredis et samedis soir. Pour de la musique blues, pop, folk ou world, préférez El Cafetal. Enfin pour les amateurs de jazz, le Jazz Corner, est certainement l’endroit qui possède la meilleure programmation. Vous pouvez aussi tenter votre chance à la Bicicleteria, un des lieux les plus emblématiques de la musique live à Séville. La Casa de Max propose aussi des jam-sessions de musique live le jeudi soir. Enfin, le festival Monkey Week est un festival de musique organisé chaque année à Séville, dont la programmation est axée sur les découvertes.

Des villes de théâtre

Le Teatro central de Séville est un outil de promotion des arts de la scène et de diffusion de la création actuelle. Vous y assisterez à des spectacles de théâtre ou de danse choisis dans le répertoire contemporain. Le théâtre travaille en étroite collaboration avec d’autres structures comme le Centre de théâtre andalou ou le Ballet flamenco d’Andalousie. À Cordoue, l’offre théâtrale est spécialement de haut niveau. Différents théâtres se complètent pour permettre une offre diversifiée : le Grand théâtre de Cordoue, le Théâtre Axerquía et le Théâtre Góngora. C’est aussi une ville qui compte une école d’art dramatique. Ce qui est assez rare en Espagne. À Málaga, le Teatro Cervantes se distingue par sa qualité acoustique assez exceptionnelle. Si vous visitez Grenade, jetez un œil sur les programmes des Teatro Isabel Católica et Teatro Alhambra qui proposent des spectacles de toutes sortes : des pièces de théâtre, mais aussi de la danse moderne ou des spectacles de cirque. Avec le Gran Teatro Falla, Cadix possède également un édifice de tout premier ordre.

C’est notamment là que se déroule le fameux concours du Carnaval de Cadix, qui voit s’affronter de façon ludique plus de 100 groupes burlesques.