6 000 -3 400 av. J.-C., environ

L’éveil de la Crète date de l’époque néolithique. Impossible de déterminer avec précision les points de l’île où se fixèrent les premiers habitants, nous avons néanmoins la certitude, grâce aux fouilles archéologiques, que les groupes néolithiques ont occupé les grottes de Miamou et de Skales. Puis, à leur sortie des cavernes, ils commencent à bâtir des huttes rondes en branchages et en boue, de préférence à flanc de coteau. L’image de ces huttes est à jamais imprimée sur certaines urnes funéraires : donnant sur le soleil levant, ces paillotes étaient construites sur terre battue, pavée par la suite. Pendant toute cette période, on célèbre le culte d’une divinité féminine et on adore les idoles, des statues informes, d’une déesse stéatopyge, symbole de fécondité.

3 000-1200 av. J.-C

Tout au long du Néolithique, la Crète ne connaît pas d’autre civilisation. La situation change vers la fin ou le milieu du IVe millénaire avant J.-C., lorsque de vastes migrations bouleversent la mer Egée et tout l’Orient. La Crète va en être préservée et, de ce fait-là, sera indépendante pendant plusieurs siècles. Grâce à cette longue continuité dans la paix, l’île fonde la civilisation minoenne, une civilisation éclatante et prospère dont on distingue trois phases, selon une chronologie relative : Minoen Ancien (3000-2000 av. J.-C.), Minoen Moyen (2100-1580 av. J.-C.), Minoen Récent (1580-1200 av. J.-C.).

2 400 av. J.-C

A l’aube du Minoen Ancien, les outils en pierre commencent progressivement à être remplacés par les armes en cuivre, les bijoux en or et en argent. C’est la période du bronze en Crète. Sous un régime de collectivité familiale, l’île va connaître une longue période d’abondance et de prospérité due, en grande partie, au commerce maritime. Vers 2400 av. J.-C., les Crétois, ayant compris que le bronze était un alliage précieux, rare et indispensable, se mettent à le fabriquer en quantités considérables afin de couvrir les besoins des pays aux alentours. C’est ainsi que la Crète deviendra le maître de la mer Egée, se révélant une force thalassocratique incontestée. Pour plus de mille ans, ayant dominé les routes commerçantes maritimes égéennes, en rapport avec la Méditerranée orientale, la Crète fera de larges emprunts à tous les peuples avec qui elle maintient des contacts. Résistant cependant vigoureusement à toute assimilation, elle restera originale.

Fresque reprensantant la civilisation minoenne, Cnossos © Luis Santos - Shutterstock.Com.jpg

2000-1750 av. J.-C

La croissance pendant l’âge de bronze eut comme conséquence principale le déplacement de la richesse et du pouvoir : les villes maritimes de l’est de la Crète sont en déclin, le régime des clans est décadent. C’est alors que commence l’ère des premiers palais : Cnossos et Phaistos s’éveillent et deviennent les citées opulentes marquant par leur essor l’histoire et la civilisation de la Grèce antique. Vers 2000 av. J.-C., les princes de ces deux grandes villes, ainsi que ceux de Malia, de Zacros ou d’Agia Triada, ayant accumulé assez de richesses, bâtirent des palais, ces systèmes grandioses d’appartements, de sanctuaires, de salles des fêtes, d’ateliers, d’entrepôts et de magasins.  Tous les palais, conçus pour être adaptés au climat méditerranéen, ont le souci du confort, le sens du beau et, enfin, tous ces éléments qui, selon l’historien français Gustave Glotz (1862-1935), constituaient le « goût sûr du théâtral et du pittoresque ».

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1750 av. J.-C

La période des premiers palais s’achève brusquement suite à « la catastrophe de 1750 ». Serait-ce donc un séisme qui a fait écrouler les palais ? Un incendie ou une invasion ? Ou bien une révolution intérieure ? En tous cas, après cette catastrophe, une page de l’histoire crétoise est définitivement tournée : celles qui suivent n’emploient plus les vieux hiéroglyphes mais l’écriture linéaire.

1700-1400 av. J.-C

Après la catastrophe de 1750, la Crète connaît une phase transitoire. Or, à l’aube de 1700 av. J.-C., des palais plus somptueux et imposants s’élèvent sur l’emplacement des palais détruits. C’est la période des seconds palais : Cnossos, sous le gouvernement solide des minos, acquiert progressivement une place hégémonique et c’est ainsi que, vers 1450 av. J.-C., toute la Crète succombera à ce qu’on pourrait nommer « la monarchie minoenne ».

1450-1400 av. J.-C

Cnossos maintient sa force pendant presque cinquante ans. Tout au long de cet âge d’or, les minos, à la tête de leur flotte invincible, assurent la sécurité des mers en réprimant la piraterie et font respecter de loin leur pouvoir. De Crète et, plus particulièrement de Cnossos, sortent des marchands qui se répandent en Grèce continentale, en Egypte, en Syrie, à Chypre et vers les vastes régions du Couchant. C’est au cours de cette période que les Crétois vont fonder des comptoirs sur toutes les côtes méditerranéennes, foyers de vie et d’art.

Vers 1400 av. J.-C

Le tribut que payaient les peuples à la force thalassocratique qu’a été la Crète pesait lourd et durait déjà depuis fort longtemps. La tradition enregistre à sa propre manière les signes du déclin : un Minos échoue à s’emparer de Mégara, un autre, le dernier, meurt lors d’une expédition de représailles en Sicile, Athènes prend sa part de gloire lorsque Thésée inflige la défaite au Minotaure. En réalité, les Achéens n’attendaient que de se débarrasser de leurs tuteurs crétois. Un coup de pouce est donné en -1400, lorsque le feu dévore Cnossos. Ainsi, l’île qui maîtrisa la Méditerranée ne devient qu’une dépendance lointaine du continent grec. Deux siècles plus tard, les Doriens s’emparent de l’île et c’est ainsi que la cité des minos est enterrée pendant plus de 3 000 ans sous ses propres ruines.

1100-1000 av. J.-C

Après avoir influencé avec sa civilisation les autres îles, la Crète se trouve confondue dans un vaste ensemble mycénien, dorien, puis grec. L’île bénéficie de sa situation exceptionnelle au centre de tous les échanges entre l’Europe et les côtes d’Afrique : son développement se poursuit donc. L’occupation de l’île par les Ptolémées (Egypte) marquera un ralentissement de cette croissance.

67 av. J.-C. – 1204

Ère romaine

Les Romains s’emparent de la Crète en 67 av. J.-C. et installent la capitale administrative à Gortyne. Au Ier siècle de notre ère, saint Paul, accostant dans le sud de l’île, fut le premier à évangéliser une partie des Crétois. En 395, au moment du partage du monde romain, la Crète passe sous contrôle byzantin jusqu’en 1204. Seule ombre à une longue période tranquille, la domination arabe entre 824 et 961 qui fut stoppée par Nikiphoros Phokas, empereur byzantin à partir de 963. Somme toute, pendant 1 200 ans environ, la Crète connaît la phase la plus calme de toute son histoire.

1204- 1669

En 1204, la quatrième croisade dévie de sa route, attaque et laisse Constantinople en ruine. Venise s’adjuge alors la Crète qui constitue un relais stratégique sur la route commerciale de l’Orient. A partir de 1453, avec la prise de Constantinople par les Ottomans, la Crète devient terre d’asile pour les Byzantins. Ainsi les arts fleurissent à nouveau sur l’île, sous la forme de construction d’églises et de production d’icônes. Cette floraison artistique s’arrête en 1645 lorsque les Ottomans, jusqu’alors indifférents par rapport à la Crète, prennent La Canée avant de faire subir à Candie (Héraklion) un siège de 21 ans (1648-1669) à la suite duquel ils se rendent maîtres de toute l’île.

1669-1898

L'occupation ottomane

L’occupation ottomane en Crète a duré 230 ans pendant lesquels l’empire exerce avec violence un régime autoritaire. Refusant de vivre sous le joug d’une puissance étrangère, les Crétois résistent farouchement mais à plusieurs reprises échouent près du but. L’occasion se présente lorsque les puissances occidentales, hostiles à l’Empire ottoman, décident d’asseoir leur influence dans la zone est de la Méditerranée. Vers la fin du XIXe siècle, donc, plusieurs puissances tentèrent de rallier les Crétois par un soulèvement général qui aboutit en 1898 au départ des Turcs et à la déclaration d’indépendance. Ainsi, la liberté a finalement triomphé de la mort, et les Crétois ont, pour la première fois depuis des siècles, connu l’autonomie tant désirée.

1864-1936

Eleftherios Venizélos

Né en Crète, il figure parmi les plus proéminents Premiers ministres de la Grèce moderne. A la veille des guerres balkaniques, Venizélos, prône pour la Grande Idée, une Grèce renforcée et agrandie. Allié fervent de l’Entente, il voit des nouveaux territoires se rattacher à la Grèce à la signature des traités de Sèvres et de Lausanne. Exilé en France et condamné à mort par contumace par ses ennemis politiques, monarchistes et d’extrême droite, il meurt à Paris en 1936.

Eleftherios Venizélos © Thanasis Foukas - Shutterstock.com.jpg

1898 -1913

L'Enosis

Les quinze années d’indépendance sont pour la Crète une période de croissance économique et culturelle. Estimant que cette croissance pourrait être encore plus importante, les Crétois commencent à se battre pour le rattachement de leur île à la Grèce. Eleftherios Vénizelos (1864-1936), un Crétois d’origine et fondateur du parti libéral, sera l’instigateur de l’Enosis (l’Union) qui ne peut se résoudre que par la guerre. Ainsi, lors de la première guerre balkanique, en 1913, la Crète lutte aux côtés de la Grèce et, après la défaite des Ottomans, le traité de Londres signé en mai 1913 rattache officiellement la Crète à la Grèce. S’ensuit alors une réorganisation de l’île et quatre départements sont définis : Héraklion, La Canée, Lassithi et Réthymnon.

1914 -1945

L’entrée de la Grèce dans la Première Guerre mondiale ne se fait pas sans heurts. En effet, le roi grec d'origine germanique, Constantin Ier, est plutôt sensible à une alliance avec la Triplice mais prône la neutralité de la Grèce. Le Premier ministre, E. Venizelos, s’oppose aux desseins du roi philogermanique grec. Congédié par le roi, Venizelos forme un gouvernement provisoire à Thessalonique. Les Alliés forcent le roi à abdiquer et c’est ainsi que la Grèce rentre dans le camp des vainqueurs et accède à de nouveaux territoires, notamment Smyrne.

1922

En 1922, les forces grecques sont défaites par l'armée turque en Asie Mineure. Les Turcs repoussent violemment des flots de réfugiés grecs sur le continent, après avoir commis des massacres sur plusieurs milliers de chrétiens anatoliens et incendié les quartiers grecs d’Izmir (Smyrne) et le port. C’est la Grande Catastrophe. Un nombre important de ces réfugiés arrive en Crète où vivaient encore des citoyens musulmans de langue grecque, les Turcs crétois. Suite au traité signé entre la Grèce et la Turquie à Lausanne en 1923, un échange de populations entre les deux pays est décidé, échange fondé uniquement sur l'identité religieuse. C’est à cette occasion-là que les derniers Turcs crétois partent de Crète et gagnent principalement la Turquie où ils ont formé de petites communautés au sein desquelles ils ont préservé leur propre culture, les traditions crétoises et le dialecte gréco-crétois.

1940-1945

La Seconde Guerre mondiale

L'entre-deux-guerres en Grèce est une période d'instabilité politique. En 1936, le général Ioannis Metaxas abolit la Constitution et s'attribue les pleins pouvoirs, instaurant une dictature inspirée de l'Italie fasciste. Toutefois, en 1940, il refuse de laisser passer les troupes italiennes en Grèce, craignant peut-être que le pays ne se retrouve dans la même situation territoriale qu’avant la Première Guerre mondiale. Ainsi la Grèce entre en guerre, rejoignant le camp des Alliés. Les troupes britanniques se retirent et s’installent en Crète. La place stratégique de l’île attise la convoitise du Reich qui remportera la terrible bataille de Crète de mai 1941. L'occupation allemande est farouche en Crète et les représailles sont violentes : villages dévastés, exécutions massives. La résistance qui s'organise harcèle les nazis jusqu'en 1945, date du retrait définitif des forces allemandes de l’île.

1950-1960

A l’image de la Grèce, la Crète, dès les années 1950, s’efforce d’entreprendre une modernisation agricole et industrielle alors qu’au début des années 1960 elle se tourne de plus en plus vers le tourisme. Malgré les efforts, le pays accuse toujours un retard économique, surtout à cause de la corruption et des querelles intestines qui minent l’Etat.

1967 - 1974

La dictature militaire

C’est dans un climat d’instabilité politique que se produit, le 21 avril 1967, le coup d’Etat de Papadopoulos, Pattakos et Makarézos. S’appuyant sur l’armée, les trois militaires instaurent un Etat policier pendant sept ans. L’opposition est neutralisée, les chefs des partis arrêtés ou forcés à l’exil, alors que la torture devient le moyen d’opprimer toute résistance. Les déportations, notamment d’intellectuels, vers les îles de Yaros et Leros vont dans le même sens. Le slogan de la junte militaire voulait tout dire : « La Grèce des Grecs chrétiens ».

17 Novembre 1973

En novembre 1973, dans l’enceinte de l’Ecole Polytechnique d’Athènes, se barricadent des étudiants, des lycéens, des ouvriers et des citoyens qui pendant plusieurs jours manifestent contre la dictature. Les dictateurs interviennent, laissant derrière eux, officiellement, 34 morts. Cette révolte organisée, dont la lutte a rapidement gagné l’ensemble du pays, a contribué au réveil des consciences et marque le début de la fin de la dictature.

1974-1981

La chute de la dictature en 1974 advient suite à l’invasion de Chypre par la Turquie. Le référendum qui est aussitôt organisé règle définitivement le système politique du pays : ce sera une République ! Constantin Caramanlis en est le Premier ministre : respecté par tous et farouchement pro-européen, il sera l'artisan de l'entrée de la Grèce dans la CEE (1981).

1981-2000

Les années 1980 sont marquées par la victoire historique du parti socialiste (PASOK). En 1981, Andréas Papandréou remporte les élections et reste au pouvoir pendant sept ans. Son gouvernement finit par être impliqué dans des scandales politico-économiques. Ceux-ci se poursuivent au cours des années 1990 et 2000, touchant les deux grandes familles politiques qui se partagent le pouvoir en alternance, le PASOK de Papandréou et le parti néo-libéral Nouvelle Démocratie de C. Mitsotakis. Les années 1990 et 2000 sont fastes pour la Grèce qui semble crouler sous l’argent « gratuit » de Bruxelles. Corruption et népotisme battent leur plein alors que le pays rejoint l'Union monétaire européenne en trafiquant ses résultats économiques.

2009-2023

En 2009, le pays est confronté à l’une des plus graves crises économiques de son histoire. Les dix dernières années ont été marquées par une crise politique et sociale. Parmi les faits marquants, on note : l’entrée de l’Aube Dorée néonazie au parlement, la montée au pouvoir du parti radical de gauche Syriza, l'accumulation de plans d'austérité dont la population grecque sort exsangue, la crise humanitaire internationale liée à l’arrivée massive de réfugiés du Moyen-Orient sur les côtes grecques et le retour à la vie politique des grandes familles politiques en partie responsables de la crise. Suite aux élections législatives de 2019 et 2023, le fils de Konstantinos Mitsotakis, Kyriakos Mitsotakis, devient Premier ministre. Le malaise social et politique persiste en Grèce et il faut prévoir encore plusieurs années avant d’envisager une réelle sortie de crise.

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