Saint-Denis où habite la majorité des habitants de l'île. shutterstock - julienjanusko.jpg
Marché à Saint-Paul (c) vale_t - iStockphoto.jpg

Une population jeune et en expansion

Lors du dernier recensement de l’Insee effectué en 2020, l’île comptait 863 000 habitants déclarés. C'est le plus peuplé des départements d'outre-mer et le 23e de France. L’île étant à mi-chemin entre un système familial plus proche de l’Afrique avec des familles encore nombreuses et un système de santé européen avec une faible mortalité, sa démographie est en hausse constante bien qu’elle tende à freiner. En effet, de 6 enfants par femme dans les années 1960, on est passé à 2,43 enfants par femme aujourd’hui, c’est-à-dire un taux presque idéal de renouvellement des générations, situant la Réunion en troisième position des régions françaises en termes de fécondité, derrière la Guyane et Mayotte. Toutefois, si l’âge moyen du premier enfant n’est que de deux ans plus jeune qu’en métropole, le taux de fécondité chez les mineures reste six fois plus important qu'en métropole. Ainsi la population réunionnaise reste globalement jeune, les moins de 20 ans représentant 30 % contre 17 % pour les plus de 60 ans, mais la population vieillit petit à petit, notamment grâce à l’accès au soin. Conséquence du dynamisme de cette population : le million d’habitants devrait être atteint en 2040. Une échéance qui laisse peu de temps aux aménagements nécessaires concernant le logement, les transports, l’emploi ou encore la production de nourriture. Un véritable défi à relever pour la région dont la surface est restreinte.

Une population très inégalement répartie

La plus grande ville de la Réunion (et de l'outre-mer) est Saint-Denis, au nord de l’île. Avec près de 153 000 habitants (2020), la préfecture de la région est un véritable pôle d’attraction de l’océan Indien. Les communes les plus peuplées après Saint-Denis sont Saint-Paul (104 300 habitants), Saint-Pierre (83 930 habitants) et Le Tampon (80 778 habitants). Mais cette répartition par commune ne reflète pas vraiment la taille des villes, car chaque territoire communal regroupe plusieurs villes et petits villages dont il est parfois difficile d'estimer la population. L’Est, essentiellement agricole, gravite autour de Saint-André (56 857 habitants) et Saint-Benoît (36 994 habitants). Enfin, tout ce qui n’est pas près du littoral est considéré comme les Hauts. Plus on gagne en altitude, plus la population est rurale. Les plus petits villages, des groupes de quelques habitations, sont nommés « îlets » (le « t » final est à prononcer). Ils ne se composent parfois que de quelques habitations familiales, perchées au bord d’une falaise, ou nichées au fond d’une vallée, entre rempart et rivière. À l’intérieur de l’île, les trois cirques sont habités. Salazie est le plus peuplé avec ses 7 388 habitants et sa route relie le village de Salazie à la quatre-voies en 20 minutes. Cilaos, plus isolé, se gagne depuis Saint-Louis en plus d'une heure par une route tortueuse et compte 5 700 habitants. Mafate, enfin, ne possède pas de route carrossable : on ne s’y rend qu’à pied ou en hélicoptère. 700 habitants environ se répartissent dans plusieurs villages, le principal étant La Nouvelle.

Une relation étroite avec la métropole

Parmi les habitants de l’île, huit habitants sur dix sont natifs de l'île et près de 14 % des Réunionnais vivent en métropole. Les mouvements de population sont plutôt stables : 5 100 actifs quittent l’île, tandis que 5 900 s’y installent. Les nouveaux arrivants ont globalement un niveau de formation élevé et occupent le plus souvent sur place des emplois qualifiés. Ces mouvements migratoires sont assez faibles comparés aux autres régions de France. À noter que parmi les arrivées sur le territoire, on compte aussi les Réunionnais qui reviennent après plusieurs années passées en métropole, estimés à un sur quatre, souvent partis pour les études. Seul bémol, les arrivants dans le département sont en moyenne plus âgés que les sortants. Près d’un tiers (31 %) des sortants ont entre 18 et 24 ans, alors que plus de 60 % des arrivants ont entre 25 et 59 ans.

Une population métissée

D’après la loi française, il est formellement interdit de recenser les ethnies. Ce serait de toute façon impossible à la Réunion, la population étant bien trop métissée pour être « catégorisée ». La diversité est si ancienne que l’on ne s’étonne plus de voir deux parents blancs mettre au monde un enfant noir ou inversement. Pour se donner un ordre d’idée, mais sans aucun préjugé racial, des estimations ont compté environ 45 % de Cafres (les descendants d’Africains), 25 % de Malbars (Indiens tamouls), 15 % de créoles blancs, 10 % de Zoreilles (métropolitains), 3 % de Chinois, 3 % de Zarabes (Indiens musulmans). La répartition géographique est plus facile à évaluer, mais jamais mono-ethnique – il s’agit bien sûr de tendances. Les Zoreilles sont très présents dans l’Ouest, les Malbars dans l’Est, les Yabs (petits Blancs des Hauts) et Cafres dans les Hauts et les cirques. Les Chinois et les Zarabes vivent un peu partout, souvent proches des centres-ville.

Cafres et créoles blancs, l’origine du métissage

Deux héritages principaux constituent le socle initial de la population réunionnaise : d’une part les descendants des Européens venus s’installer sur l’île dès 1663. Ils se divisent entre grands exploitants blancs nommés « gros Blancs » à la tête d’empires commerciaux et industriels, en opposition aux « petits Blancs » ou « Yabs des Hauts », petits propriétaires ruinés par les crises successives du XIXe siècle, partis chercher un meilleur avenir dans les Hauts. D’autre part, l’importation massive dès les premières années de la colonie d’esclaves de Madagascar et d’Afrique de l’Est, surnommés « Cafres », en font la population la plus importante numériquement. Aujourd’hui, les Cafres et les créoles blancs ou métissés constituent l’essentiel de la population réunionnaise.

Malbars et industrie sucrière

Après l'abolition de l’esclavage en 1848, le métissage s’amplifie et se diversifie avec l'arrivée de travailleurs indiens « engagés », provenant de la côte de Malabar (l'actuel Tamil Nadu) et recrutés, moyennant un salaire modique et selon un système proche de l'esclavage, pour travailler sur les plantations : c'est « l'engagisme ». Plus de 100 000 Malbars (terme familier désignant les Indiens hindous) débarquent sur l'île entre 1848 et 1882 (date de l'interdiction du recrutement des engagés), ainsi que des engagés venus de Bombay ou Calcutta. Leur intégration à la population réunionnaise à la fin du XIXe siècle est une histoire longue et douloureuse, ponctuée de désertions et de révoltes. Nombre d’entre eux furent notamment contraints de se convertir à la religion catholique. Mais ils n’oublièrent pas pour autant leurs coutumes et la plupart sont encore à la fois hindous et chrétiens. Ils sont très implantés dans l’Est, où beaucoup de temples sont bâtis au bord des rivières, l’eau étant un élément sacré. Saint-André est leur fief, il y a même un lieu de culte au milieu de la quatre-voies en guise de bienvenue. Beaucoup de descendants d'« engagés » vivent également à Saint-Louis, ou se trouve un ashram, et Saint-Pierre.

Zarabes et Chinois au cœur du commerce

Les musulmans d’Inde ont échoué sur l'île pour se lancer dans le commerce des textiles. Ils sont appelés « Zarabes », bien qu’ils ne soient pas du tout arabes, mais indo-musulmans ; des habitants de la région du Gujarat à l’extrême ouest de l’Inde, une région côtière proche de l'actuel Pakistan. Ces Indiens musulmans sunnites viennent à la Réunion pour différentes raisons. D'abord pour des motifs économiques : à partir du XIXe siècle, ces agriculteurs d'origine s'installent dans le commerce du tissu. Ils se sont d'abord établis dans l'artère principale de la ville, actuellement la rue Maréchal-Leclerc, puis ils ont ouvert de petits magasins dans tous les quartiers de Saint-Denis. Il s'agit de l'une des communautés les plus riches de l’île, qui domine aujourd’hui des pans entiers des secteurs de la distribution, du textile et du tourisme. Ils gardent des contacts étroits avec l’Inde où ils se rendent souvent. De même, les Asiatiques, surtout des Chinois originaires de Canton, sont arrivés aussi pour le commerce au XIXe siècle. Ils tiennent la traditionnelle boutique du village des Hauts, ou bien d’autres commerces en ville, surtout des restaurants et des épiceries. Quelques grandes familles sont également positionnées dans des secteurs clés de l’économie ou de l’administration.

Zoreilles et immigration tropicale

Il y a encore quelques années, les zoreilles représentaient l'immigration la plus récente. Attirés par le fonctionnariat « surrémunéré », le soleil et la perspective d'une autre vie, les métros n'ont cessé d'affluer depuis 1950. L'île compterait 10 à 15 % de zoreilles, certains présents depuis des décennies, d'autres de passage pour quelques années. Ils se concentrent dans la très cossue région des plages, surnommée « Zoreil-land », ainsi qu'à Saint-Denis. Ceux nés à la Réunion, ou bien les créoles dont un des deux parents est zoreille, sont surnommés « zoréoles ». Aujourd’hui, au-delà des fonctionnaires, ce sont surtout des jeunes métropolitains fraîchement diplômés, principalement dans le domaine médical, qui viennent s’installer en quête de nouveauté pour six mois, un an, deux ans mais rarement plus, provoquant un turn-over important sur l’île. Sont aussi présents des trentenaires souvent oppressés par l’urbanisation et le stress métropolitains qui viennent fonder une famille sur l’île, pour offrir à leur progéniture plus de simplicité et plus de liberté dans un cadre naturel époustouflant.

Une immigration régionale timide

L'immigration comorienne a commencé dès l'indépendance des Comores, en 1976, tandis que les Mahorais, restés français, sont arrivés en masse dans les années 1990 et 2000, notamment attirés par les prestations sociales avantageuses et chassés par le fort taux de chômage à Mayotte. Aujourd'hui, Mahorais et Comoriens représenteraient environ 5 % de la population et plus de 50 % des Mahorais de la Réunion seraient des mères célibataires. Encore victime de discriminations et de racisme, cette communauté, souvent appelée « les Komor », est la plus défavorisée de l'île. Avec seulement 1,8 % d’étrangers, la Réunion est un des départements de France qui en compte le moins, bien que ce nombre ait doublé en vingt ans. Ils sont aux trois quarts originaires de l’océan Indien, principalement des Malgaches, suivis des Mauriciens puis des Comoriens. Les autres étrangers sont si peu nombreux qu’ils en sont presque anecdotiques. Ainsi, Algériens, Marocains et Tunisiens ne totalisent que 400 personnes, autant que les Chinois et les Indiens, malgré leurs milliards d’habitants et les liens culturels. Enfin on compte quelques Belges et Suisses, ainsi qu’un contingent de kinésithérapeutes espagnols.

Des noms de famille qui ont la cote

Payet (prononcez « payette »), Grondin ou Hoareau… Si vous cherchez quelqu’un portant un de ces trois noms, n’oubliez pas de préciser son prénom et sa commune. Non seulement ces noms de famille remplissent un nombre de pages record dans l’annuaire téléphonique de la Réunion, mais ils sont présents sur les plus grosses branches de l’arbre généalogique réunionnais. D’après le cercle généalogique de Bourbon, une des premières femmes à avoir foulé, vers 1663, le sol réunionnais, est une Malgache de Fort-Dauphin du nom de Louise Sariane. Épouse du premier Grondin, puis du premier Payet, elle aurait engendré onze enfants, cent dix-sept petits-enfants et six cent cinquante-deux arrière-petits-enfants ! De plus, au moment de l’abolition, les esclaves affranchis ont été sommés de fournir un nom et un prénom, faisant alors appel à leur imagination ou empruntant celui de leur ancien maître. Ainsi aujourd'hui, on retrouve les mêmes noms qu'aux débuts de la colonisation : Payet, Grondin, Hoareau, Boyer et Fontaine, ou encore Rivière, Hibon, Bernard, Técher, Maillot et Dijoux.

Le créole, une langue métissée qui fait l’union

Née à l’époque de la colonisation comme seul moyen de communiquer entre les esclaves noirs et leurs maîtres blancs, mais aussi entre esclaves eux-mêmes car ils venaient de pays différents, la langue créole emprunte l’immense majorité de son vocabulaire au français de l’époque et d’aujourd’hui, mais avec des syntaxes et des constructions verbales radicalement différentes, issues des langues d’Afrique de l’Est. D’autres créoles sont parlés dans le monde, notamment aux Antilles, à Haïti, aux Seychelles et à Maurice. Cette langue, sans cesse en mouvement, s’adapte aux circonstances et invente parfois des images cocasses (Alon bat’caré  : «  viens te promener  », Cari d’sous d’riz  : «  faire quelque chose en douce  », Argent-braguette  : «  allocations familiales  »…). Parlée en privé, en famille ou dans le village, elle s’écarte du français, langue des situations formelles, de l’administration et de l’école. Langue orale, elle varie selon le lieu : un habitant de Saint-Benoît ne parle pas avec les mêmes expressions que celui de Saint-Pierre ou de Saint-Gilles. Un créole des Bas aura parfois du mal à comprendre les gens des Hauts. Pendant un temps réprimée et même interdite dans l’éducation des enfants, elle reprend ses droits petit à petit, avec une renaissance culturelle et une promotion statutaire. Quelques romans ont été publiés en créole, Le Petit Prince et Tintin ont même été traduits tout comme certains classiques du théâtre. On entend le créole désormais sur toutes les radios, dans quelques émissions de télévision, et partout dans la rue. Le débat se pose donc de son enseignement à l’école, mais langue orale et diverse, elle ne se codifie pas si facilement, il faudrait donc convenir au préalable d’un créole commun à proposer, ce qui n’est pas si facile. Toutefois depuis septembre 2002, une licence de créole menant à un Capes est enseignée à la faculté, avec des disciplines telles que l’histoire, la lexicologie, l’anthropologie, et certaines écoles primaires ont une option « langue créole ». Pour le voyageur, le fait de parler créole ne manquera pas de faire sourire. Une conversation commence souvent par koman i lé ?, la réponse qui suit est : lé la. Ensuite, il faut se référer au lexique, mais il est bon de commencer ses phrases par un oté !. C’est l’interjection la plus courante… Mais même avec un bon vocabulaire, vous n’attraperez pas la langue créole comme ça. C’est une question de rythme, de feeling, de répartie, bref de naturel, que seuls les créoles ont. Autant dire que si vous parlez créole comme un zoreille, on vous mouquatera comme un gratel.