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Drapeaux de la Turquie et de Chypre © fritz16 - Shutterstock.Com.jpg

Se rendre dans la partie Nord

Avant l’ouverture du premier point de passage, en 2003, la partie Nord de Chypre attirait déjà des touristes. Mais ceux-ci ne pouvaient se rendre dans le reste de l’île. Il en allait de même pour les habitants et les touristes de la partie Sud : pour eux, Chypre s’arrêtait à la zone tampon. Depuis 2003, tout a changé. Avec désormais neuf points de passage, on peut séjourner dans le Sud et visiter le Nord ou inversement. Il n’existe toutefois aucun transport en commun entre les deux parties de l’île. Et, surtout, comme il s’agit d’une région occupée illégalement par la Turquie, vous entrez dans un État non reconnu, l’autoproclamée « République turque de Chypre Nord ». Ici, votre ambassade ne pourra officiellement rien faire pour vous en cas de souci.

Embargo. Du fait de l’occupation turque, la partie Nord est soumise à toute une série de contraintes juridiques. Le territoire fait ainsi l’objet d’un embargo international. En théorie, rien ni personne ne peut y entrer ou en sortir. Mais la Turquie n’applique pas cet embargo et constitue le principal lien entre la partie Nord et le reste du monde.

Formalités. En tant que ressortissant de l’Union européenne, de la Suisse ou du Canada, vous ne rencontrerez aucun souci pour venir ici : seul un passeport ou une carte d’identité en cours de validité est nécessaire.

Arrivée par la partie Sud. Vous atterrissez à l’aéroport de Larnaka ou à celui de Paphos. Vous traversez la zone tampon par l’un des points de passage et vous séjournez jusqu’à 90 jours dans la partie Nord (la « République turque de Chypre Nord » accorde un visa automatique de 90 jours). Vous pouvez alors faire autant d’aller-retour que vous le voulez entre le Nord et le Sud. Vous repartez ensuite soit par la partie Sud, soit directement par la partie Nord (aéroport d’Ercan). En revanche, vous ne pouvez pas – en théorie – arriver par la partie Nord et repartir par la partie Sud : comme vous n’avez pas été enregistré à votre arrivée par les autorités locales, vous risquez d’être refoulé lors des contrôles d’embarquement. Parfois, ça passe, mais c’est risqué.

Arrivée par un autre pays. Comme aucun État à part la Turquie n’a de relation officielle avec la « République turque de Chypre Nord », les avions et bateaux qui desservent la partie Nord doivent donc passer par la Turquie. En bateau, la Turquie dispose de liaisons maritimes régulières avec les ports de Kyrenia et de Famagouste. Côté avion, dans la partie Nord, l’aéroport international Ercan affiche de nombreuses liaisons avec l’Europe. L’astuce ? À l’aller comme au retour, tous les vols transitent par un aéroport situé en Turquie. Soit les avions font une escale classique, soit ils effectuent un « touch-down » sur la piste avant de repartir (seul le train d’atterrissage touche le sol). Cette dernière option était la plus courante, mais elle fait l’objet d’un encadrement plus strict pour certaines compagnies depuis 2017. Ainsi, désormais, de plus en plus de vols font une vraie escale de 1 à 2 heures en Turquie. C’est un élément à prendre en compte pour la durée totale du vol déjà relativement longue depuis l’Europe occidentale. Dans tous les cas, une fois sur place, vous pouvez passer dans la partie Sud et y séjourner. Mais vous devez ensuite repartir par la partie Nord avant 90 jours.

Argent. L’euro est la monnaie officielle à Chypre, y compris dans le Territoire britannique des zones souveraines d’Akrotiri et de Dhekelia, mais c’est la livre turque qui a cours dans la zone sous occupation turque. Près des points de passage de la zone tampon, on trouve des distributeurs automatiques de billets, mais aussi des bureaux de change au taux souvent plus avantageux. L’euro est accepté dans certains commerces de la partie Nord. En revanche, personne ne prend les livres turques dans la partie Sud, sauf les bureaux de change.

Santé. On trouve des hôpitaux, des médecins et des pharmaciens facilement dans la zone d’occupation turque. Mais la carte européenne de soins de santé, qui est valable dans la partie Sud, ne l’est pas dans la partie Nord. Vérifiez bien en amont quels sont vos droits, et si nécessaire contractez un contrat d’assurance couvrant les frais médicaux non pris en charge par votre couverture médicale habituelle. Il est également conseillé de souscrire une assurance de rapatriement sanitaire.

Location de voiture. Le permis de conduire international est valable à travers toute l’île, mais il est impossible de passer dans la partie Sud avec un véhicule loué dans la partie Nord. De plus, certaines agences de la partie Sud se montrent très réticentes envers les clients voulant passer dans la partie Nord. Si vous parvenez tout de même à avoir une auto, lors du passage de la zone tampon, il faut souscrire une assurance complémentaire. En effet, la vôtre n’est pas valable dans la partie Nord. On trouve des bureaux d’assureurs à tous les points de passage dès l’arrivée en zone Nord (tous les jours 8h-17h, jusqu’à 22h au point de passage Agios Dometios-Metehan - tarifs : 3 jours 20 , un mois 35 ).

Achats limités. À chaque passage de la zone tampon, il est interdit de rapporter de la partie Nord vers la partie Sud plus d'un litre de boissons alcoolisées, plus de 40 cigarettes, des biens d’une valeur totale dépassant 260 € par personne.

Téléphonie. Aucun souci. Votre téléphone portable fonctionnera comme dans n’importe quel pays de l’Union européenne, au Sud comme au Nord. Depuis 2019, l’UE a mis en place un système d’interopérabilité entre les opérateurs chypriotes (au Sud) et turcs (au Nord). Avant cela, tout était plus compliqué, avec, notamment, l’application de tarifs internationaux dans la zone Nord.

Tourisme éthique. Même pour bronzer et profiter des nombreux atouts de la partie Nord, difficile de venir ici sans se poser quelques questions. Il s’agit en effet d’un territoire de l’Union européenne occupé par l’armée turque et où nombre de lois internationales ne sont pas respectées. Le tourisme représente ici une manne économique, mais aussi une arme politique : chaque visiteur qui accepte les contrôles illégaux à l’entrée de la zone Nord apporte une forme de reconnaissance implicite à un État non reconnu par la communauté internationale. Enfin, d’un point de vue pratique, comme ce « pays » n’existe théoriquement pas, on va au-devant de grosses complications administratives (avec les frais financiers qui vont de pair) en cas d’accident sur cette partie du territoire. C’est donc avec prudence que l’on recommande de pénétrer au nord de l’île. Il n’en demeure pas moins que la population chypriote turque – majoritairement lassée de la présence de l’armée turque et favorable à la réunification – est, elle aussi, l’otage de cette situation ubuesque.

La zone tampon

Depuis 1974, le pays est séparé par cette ligne de démarcation qui s’étire sur 180 km de longueur. Elle occupe 346 km², soit près de 4 % de la superficie de l’île. Interdite d’accès sauf en de rares endroits, elle est contrôlée par les Casques bleus dans sa partie centrale, des soldats grecs et chypriotes grecs au sud et des soldats turcs et chypriotes turcs au nord.

Une attraction touristique. Ce n’est pas politiquement correct de le dire, mais la zone tampon est l'une des attractions de Chypre. Avec ses miradors, ses barbelés, ses bunkers et ses bâtiments abandonnés, cette ligne de démarcation est très impressionnante, notamment à Nicosie, dernière capitale divisée. C’est le seul endroit au monde où l’on peut voir une telle séparation aussi facilement et sans risque. Des excursions en bus sont même organisées à Varosha, ville fantôme située à côté de Famagouste, qui fut le « Saint-Tropez chypriote » avant 1974. Certes, il subsiste de nombreuses zones minées, mais celles-ci sont bien signalées et très difficiles d’accès. Et avec désormais neuf points de passage entre le Nord et le Sud, il faut vraiment le vouloir pour se retrouver dans un coin dangereux. Au pire, vous risquez de vous faire reprendre à l’ordre si vous tentez de prendre une photo des installations militaires qui marquent la séparation : c’est strictement interdit et clairement signalé en plusieurs langues. Les soldats qui montent la garde vous le rappelleront de manière plus ou moins sympathique. Les habitants qui vivent à côté, eux non plus, n’aiment pas trop voir les touristes faire des selfies devant les ruines et les barbelés, car la zone tampon demeure pour eux une cicatrice aussi honteuse que douloureuse.

« Ligne verte » ou « ligne Attila » ? Le nom de « zone tampon » est le même en turc (tampon bölge) et en anglais (buffer zone), mais la traduction est différente en grec, puisqu’elle est appelée « zone morte » (nekri zoni). Cette ligne de démarcation est aussi connue sous deux autres noms. Le plus souvent, elle est surnommée « ligne verte » (prasini grammi en grec, yeşil hat en turc, green line en anglais), et cela par un hasard de l’histoire. En décembre 1963, lors du conflit entre communautés (« le Noël sanglant »), des troupes britanniques s’interposèrent en certains points. Le 30 décembre, leur commandant, le général Peter Young (1912-1976), dessina sur une carte d’état-major le tracé d’une ligne de cessez-le-feu. Pour cela, il utilisa un crayon de couleur verte. Le nom est resté. Et c’est le long de cette « ligne verte » que furent déployés les Casques bleus à partir du 4 mars 1964. Toutefois, le nom de « ligne verte » est contesté, car le tracé initial a été modifié à certains endroits lors de l’invasion turque de l’été 1974. Cette opération militaire reçut le nom de code d’Attila. Et le surnom de « ligne Attila » est aussi utilisé depuis pour désigner la zone tampon. Il est moins courant, mais il correspond davantage à la réalité sur le terrain.

Une zone pas si « morte » que cela

Le nom grec de « zone morte » donné à la zone tampon convient assez bien quand on songe aux dizaines de villages abandonnés et aux champs minés qui se trouvent entre le nord et le sud de l’île. Mais cette ligne est en fait bien plus « verte » qu’on l’imagine. Déjà, c’est devenu une véritable réserve naturelle avec une flore et une faune qui prospèrent à l’écart des hommes. De plus, certains agriculteurs sont autorisés à y exploiter des champs. Depuis 2015, l’ingénieur biologiste français Nicolas Netien y a ainsi planté 6 000 oliviers à partir desquels il réalise une huile d’olive réputée être la meilleure au monde. La zone tampon abrite aussi de nombreux habitants : ceux-ci résident d’une part dans certains quartiers de Nicosie placés techniquement dans la zone tampon, et près de 10 000 personnes vivent dans quatre villages qui n’ont pas été abandonnés en 1974 et où les policiers de l’Onu ont autorité. Il s’agit de Denia, Athienou, Troulli et Pyla. Ce dernier, situé dans le district de Larnaka, est d’ailleurs un des seuls endroits de l’île où Chypriotes grecs et Chypriotes turcs vivent encore ensemble.

Les points de passage entre le Nord et le Sud

Ressemblant à des postes-frontière, neuf points de passage permettent de traverser la zone tampon entre le nord et le sud de l’île. Ils sont tous ouverts 7j/7 et 24h/24, sauf lors de travaux d’entretien. Il faut présenter une carte d’identité ou un passeport en cours de validité de part et d’autre. Au nord, ce sont les policiers de la « République turque de Chypre Nord » qui assurent les contrôles. Au sud, la tâche incombe aux policiers chypriotes ou, à deux endroits, aux douaniers de la zone britannique de Dhekelia. Le terme « point de passage » se dit crossing point en anglais, simio dielefsis en grec et kapısı en turc. De la baie de Morphou à la région de Famagouste, voici les neuf points de passage.

Kato Pyrgos-Yeşilırmak (voitures, cyclistes et piétons). Ouvert en 2010, il est situé le long de la côte nord, sur la baie de Morphou. Il relie le village sud de Kato Pyrgos (51 km au nord-est de Polis) au village nord de Limnitis, renommé Yeşilırmak (33 km à l’ouest de Morphou). C’est le point de passage le plus proche (11 km) de la poche de Kokkina (Erenköy) sous occupation turque.

Apliki-Lefka (voitures, cyclistes et piétons). Ouvert en 2018, il est situé entre l’ancienne mine d’Apliki (côté sud) et le petit village d’Apliki/Aplıç (côté nord). Côté nord, il se trouve à 3 km au sud de la ville de Lefka/Lefke, elle-même à 5 km au sud de baie de Morphou et à 21 km au sud-ouest de la ville de Morphou/Güzelyurt. Côté sud, en revanche, il n’y a rien à proximité du point de passage, sauf l’ancienne mine (bronze, or et pyrite). Mais cela permet de désenclaver Lefka et de relier la ville directement au massif du Troodos, avec le village d’altitude de Moutoullas placé à 14 km au sud de la ligne de démarcation.

Astromeritis-Bostancı à Morphou (voitures uniquement). Ouvert en 2005, il est situé dans le no man’s land, à côté d’une base des Casques bleus, 700 m au sud-est du village de Zodia/Bostancı (côté nord) et 3 km au nord-ouest du village d’Astromeritis (côté sud). Il est très pratique pour se rendre à Morphou/Güzelyurt (6 km au nord).

Agios Dometios-Metehan à Nicosie (voitures, cyclistes et piétons). Ouvert en 2005, il relie les parties sud et nord d’Agios Dometios, faubourg de Nicosie divisé par la zone tampon : la partie sud d’Agios Dometios (4 km au nord-est de Nicosie-Sud) et la partie nord, renommée Metehan (6,5 km à l’est de Nicosie-Nord). C’est le plus emprunté des points de passage, puisque le plus proche de Kyrenia, mais il n’est pas pratique pour les piétons.

Ledra Palace à Nicosie (cyclistes et piétons). Ce fut le premier point de passage à ouvrir le 23 avril 2003. Situé le long du rempart ouest de Nicosie, à côté de l’ex-hôtel Ledra Palace (transformé en caserne pour les Casques bleus britanniques), il relie les deux parties de la capitale. Très fréquenté par les habitants jusqu’à l’ouverture du point de passage des rues Ledra et Lokmacı, il est désormais surtout utilisé par les diplomates (qui, eux, peuvent passer en voiture). Il demeure néanmoins pratique si l’on veut voir les remparts vénitiens.

Rues Ledra et Lokmacı à Nicosie (piétons uniquement). Ouvert en 2008, il relie Nicosie-Sud et Nicosie-Nord en plein centre de la vieille ville. Il est situé entre les deux rues les plus commerçantes, l’une très orientale au nord, l’autre très occidentale au sud.

Pyla-Beyarmudu (voitures et piétons). Ouvert en 2005, il est aussi appelé Dhekelia. Il relie le village sud de Pyla (10 km au nord-est de Larnaka) au village nord de Pergamos, renommé Beyarmudu (31 km au sud-ouest de Famagouste). Le village de Pyla se trouve dans la zone tampon. C’est la douane (SBA Customs) de la zone britannique de Dhekelia qui assure les contrôles côté sud.

Black Knight (voitures et piétons). Ouvert en 2005, il relie le village sud d’Agios Nikolaos (15 km au nord-ouest d’Agia Napa) au village nord de Strovilia, renommé Akyar (4 km au sud-est de Famagouste). Le village d’Agios Nikolaos se trouve dans la zone britannique de Dhekelia. C’est la douane britannique (SBA Customs) qui assure les contrôles côté sud.

Dherynia-Famagouste (voitures et piétons). Ouvert en 2018, il est situé dans le village abandonné de Kato Dherynia (Aşağı Derinya ou Aşağı Derinköy en turc). Il permet de passer de Dherynia (côté sud) à la zone industrielle de Famagouste (côté nord) en longeant la station balnéaire abandonnée de Varosha. Il se trouve 6 km au nord de Paralimni et 12 km au nord d’Agia Napa (côté sud) et 7 km au sud du centre-ville de Famagouste (côté nord). C’est le point de passage le plus pratique pour accéder à Famagouste (Gazimağusa en turc) depuis la partie Sud.

La présence militaire étrangère

Outre la « ligne verte », ultra-sécurisée, l’île est truffée de zones surveillées par des soldats turcs, grecs ou britanniques. La partie Nord est même considérée comme la région la plus militarisée au monde. En balade à travers Chypre, on peut donc rapidement se retrouver dans un périmètre interdit sans même s’en apercevoir. 

Casques bleus. Peu nombreux, mais bien visibles dans la zone tampon, ils sont environ 900 militaires, policiers et fonctionnaires originaires d’une vingtaine de pays à composer la « Force des Nations unies chargée du maintien de la paix à Chypre », plus connue sous son acronyme anglais Unficyp (United Nations Peacekeeping Force in Cyprus). Vous croiserez des policiers bosniens ou australiens à casquette bleue de l’Onu à tous les points de passage entre le Nord et le Sud. Les militaires à casque bleu, principalement des Britanniques et des Argentins, font quant à eux surtout des patrouilles à l’intérieur de la zone tampon. Ils ont aussi pour mission d’aller ravitailler les rares habitants chypriotes grecs et maronites de la partie Nord, dans les villages de Rizokarpaso et de Kormakitis. Le quartier général de l’Unficyp se trouve dans l’aéroport abandonné de Nicosie, dans la zone tampon, à l’ouest de la capitale.

Militaires turcs et grecs. Le long de la zone tampon flottent les drapeaux de la Grèce et de la Turquie. Car les soldats des deux nations montent toujours la garde au nord et au sud de l’île. Conformément à la constitution chypriote de 1960, Athènes et Ankara devaient chacune maintenir sur l’île de petits contingents, cela en théorie afin de « garantir la sécurité du pays ». Dans les faits, cette présence militaire a causé plus de problèmes qu’autre chose. Du côté d’Athènes, l’engagement fut plus ou moins respecté avec jamais plus de 2 000-3 000 soldats présents sur place encore aujourd’hui aux côtés de la garde chypriote (12 000 hommes). Mais l’armée grecque participa au coup d’État contre le président Makarios le 15 juillet 1974. Et ce prétexte fut utilisé par Ankara pour lancer l’invasion de la partie Nord quelques jours plus tard. Le contingent turc de Chypre, qui était avant 1974 de 6 000 hommes, passa soudain à 40 000 hommes. À la fin des années 1990, l’Onu a obtenu le départ d’une partie de cette armée d’occupation. Mais selon les estimations des Nations unies, environ 30 000 soldats turcs demeurent sur l’île. Et une petite « armée chypriote turque » d’environ 8 000 hommes a été créée dans le même temps. Cela fait de la partie Nord le territoire le plus fortement militarisé au monde rapporté à la population. En témoignent les casernes et terrains militaires présents partout de Nicosie-Nord à la péninsule de Karpas. Bref, on est très loin des chiffres prévus en cas de réunification : seuls 900 soldats grecs et 650 soldats turcs seraient autorisés à rester. 

Soldats britanniques. Ils sont 3 800 sur l’île, principalement dans le Territoire des zones de souveraineté d’Akrotiri et de Dhekelia. Cela représente le plus important déploiement permanent de l’armée britannique hors du Royaume-Uni. Environ 300 d’entre eux sont des Casques bleus de l’Unficyp. Mais la majorité de ces soldats a pour mission de surveiller et de faire fonctionner RAF Akrotiri, la dernière base aérienne de Sa Gracieuse Majesté en Méditerranée. Le bruit des F-35 ou des Typhoon décollant régulièrement pour des missions au Proche-Orient vous le rappellera lorsque vous serez au site archéologique de Kourion, sur Lady’s Mile Beach, ou au lac salé d’Akrotiri. Vous verrez aussi des soldats britanniques patrouiller le long de la zone tampon. En effet, la zone britannique de Dhekelia jouxte la partie Nord près de Famagouste. Ici, c’est donc le Royaume-Uni, et non la République de Chypre, qui contrôle l’entrée sud de deux points de passage. Enfin, en vous promenant ou en skiant près du mont Olympe, au sommet du Troodos, vous tomberez sur une immense boule blanche. Il s’agit d’une station d’écoute de la Royal Air Force qui épie toutes les communications en Méditerranée orientale.

L’enjeu du patrimoine immobilier

Des dizaines de milliers de maisons, d’hôtels et de terrains ont changé de main en 1974. Si c’est avant tout un crève-cœur pour les Chypriotes et un casse-tête pour les diplomates, cela pose aussi des problèmes bien concrets pour les touristes se rendant dans la partie Nord.

Deux attitudes différentes face à un même problème

Du côté de la République de Chypre, des compensations financières ont été rapidement allouées aux familles chypriotes turques ayant perdu leurs propriétés, permettant ainsi à des Chypriotes grecs ou à des étrangers de s’installer légalement dans celles-ci. Quant au patrimoine religieux de la communauté chypriote turque, s’il fut parfois endommagé en 1974, notamment à Paphos, il a depuis fait l’objet d’importantes rénovations. Et les plus grandes mosquées de la partie Sud sont ainsi ouvertes au culte et aux visites. Dans la zone sous occupation turque, c’est l’inverse. Aucune compensation n’a été versée aux Chypriotes grecs expulsés, et ce, alors que des réfugiés chypriotes turcs et des colons turcs ont accaparé leurs propriétés. La République de Chypre tente en vain depuis des décennies d’obtenir réparation de la Turquie. En 2014, la Cour européenne des Droits de l’Homme avait ainsi condamné Ankara à verser 90 millions d’euros de compensations à une partie des familles chypriotes grecques expulsées. Mais comme la Turquie refuse, cela place bien des habitants et des investisseurs de la partie Nord dans l’illégalité au regard des lois internationales. Autre souci : les églises orthodoxes abandonnées. Des centaines ont été rasées ou laissées à l’état de ruines. Quelques-unes ont été transformées, en granges, en dépôts militaires ou en églises anglicanes pour les besoins des touristes britanniques ou, dans le meilleur des cas, en musées. Parmi ces derniers, le « musée des Icônes » de Morphou, c’est-à-dire le monastère Agios Mamas, est exceptionnellement ouvert au culte une à deux fois par an pour les Chypriotes grecs.

Les hôtels illégaux de la partie Nord

Comme aucune compensation n’a été versée par la Turquie aux propriétaires chypriotes grecs expulsés, une grande partie des terrains et habitations sont occupés illégalement par les habitants de la partie Nord. En théorie, mais c’est extrêmement rare, la justice de la République de Chypre peut poursuivre les touristes séjournant dans un hôtel dont les propriétaires chypriotes grecs ont été spoliés ou bâti sur un terrain dont la propriété est litigieuse. Le chapitre 154 du Code pénal chypriote prévoit une peine allant jusqu’à 7 années d’emprisonnement pour cela. Environ 150 hôtels sont concernés. La liste de ceux-ci est consultable sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères (www.mfa.gov.cy). Dans les faits, la République de Chypre menace de poursuites en justice les voyagistes et les sites de réservation proposant ces hôtels. Le résultat est contrasté. D’un côté, certaines agences françaises choisissent à présent de ne plus envoyer leurs clients dans des hôtels illégaux, comme l’immense Acapulco Hotel de Kyrenia (1 500 lits), bâti sur un terrain appartenant à un Chypriote grec. Mais le site de réservation Booking, lui, continue de proposer, entre autres, le British Hotel, bien placé sur le vieux port de Kyrenia, mais qui s’appelait El Greco Hotel avant 1974.