02_L'église Archangelos Mihail © Heracles Kritikos - Shutterstock.com.jpg

À la découverte des villages et du monde rural

Chypre n’a pas une architecture exemplaire « typique ». Elle a en effet été envahie et conquise au cours des siècles, mais aussi secouée et détruite par de nombreux tremblements de terre. En se rendant dans quelques-uns des 600 villages, on découvre tout de même qu’un habitat traditionnel existe. Et si 70 % de la population habite aujourd’hui en ville sur l’île, le gouvernement chypriote n’a pas hésité à lancer il y a une vingtaine d’années des programmes pour inciter les habitants à réinvestir les villages et donc faire face à l’exode rural, mais également pour restaurer des maisons traditionnelles et en faire des résidences de tourisme. Les villages de Chypre, comme celui de Tochni, ont été construits en fonction de la topographie du terrain et des matériaux disponibles. L’installation des habitations suit les mouvements des terrains et elles s’élèvent au fil de la hauteur des collines et des montagnes. L’organisation de la vie dans les communes se fait autour de l’église et dans des villages comme celui de Lefkara, chaque quartier possède même son monastère. Au fil des rues pavées, on note que les maisons traditionnelles sont construites à base de pierres locales. Elles sont en général fermées par un mur construit avec ces mêmes pierres, un mur qui protège la cour. Lorsque le rez-de-chaussée ne permettait pas d’établir de grandes pièces de vie, un étage était généralement construit, par lequel on accède via un escalier extérieur, en bois ou en pierre. Le bout de l’escalier se termine par la présence d’un balcon protégé par des rambardes en bois. Il est une pièce de vie à part entière dans les maisons traditionnelles des villages, un lieu où l’on peut se réunir et être à l’air frais, tout en étant protégé d’un soleil généreux. Il faut savoir qu’à Chypre, si le littoral a connu l’essor de nombreuses stations balnéaires destinées à accueillir les voyageurs et faire du tourisme un élément important du développement économique de l’île, l’arrière-pays est riche en villages traditionnels et il ne faut pas hésiter à quitter les plages pour s’enfoncer à l’intérieur des terres et ainsi rejoindre les petites communes d’antan, parfois perchées en haut d’une colline, comme l’authentique village de Kalavasos.

L’architecture en milieu urbain

En milieu urbain, il est intéressant de constater les diverses influences et l'évolution de l'architecture à travers le temps. Dans des villes comme Limassol, on peut aussi bien se balader dans des quartiers où se trouvent des immeubles d'habitation plutôt récents que s'enfoncer dans la vieille ville avant de s'arrêter plus tard devant d'étonnants châteaux, comme le château de Limassol et sa structure reconstruite au XVIe siècle durant la période ottomane ou bien encore le château de Kolossi, construit au XIIIe siècle. Dans la capitale Nicosie, on a la particularité de se balader dans la dernière ville divisée en Europe, il faudra se rendre dans le quartier longeant la ligne de « séparation ». Dans cette ville aux multiples facettes, on ne manque pas de s'arrêter au pied de ses principaux édifices. Avec la mosquée Selimiye située juste à côté, le Bedesten est un des monuments phares de Nicosie. Il s'agit de l'ancienne église catholique Saint-Nicolas érigée à partir de la fin du XIIe siècle. Un temps transformée en « marché fermé » (bezistan en français, bedesten en turc) par les Ottomans, elle a connu une vie mouvementée. Mais le bâtiment a conservé une partie de sa formidable architecture gothique mêlant diverses influences. C'est une ville qui, par la présence de monuments très anciens, donne envie de s'intéresser à l'histoire. On découvre que son évolution dans le temps n'a pas empêché quelques accents plus contemporains comme en témoigne la tour de 67 mètres de haut conçue par l'architecte français Jean Nouvel, faisant figure de nouvelle icône dans la capitale. La tour White Walls est composée de dix étages d'appartements, six étages de bureaux et deux niveaux de boutiques. Sa verticalité contraste avec l'horizontalité des anciennes fortifications. Un jardin vertical recouvre près de 80 % de la façade sud.

Dans les principales villes, il faut également s'intéresser aux maisons urbaines pour constater les différences notables avec l'habitat du monde rural. L'habitat urbain a émergé à la fin de la période ottomane, période où est également apparue la classe moyenne chypriote. Les maisons étaient alors un moyen d'afficher son statut social. Situées en bord de route dans les villes pour être clairement visibles, elles arborent un style néoclassique et colonial. Les influences sont très clairement britanniques, avec la présence d'un étage et d'ornementations sur la façade (colonnes, balcons, encadrements des fenêtres…). L'architecture coloniale a évolué avec le temps et on retrouve son inspiration dans la construction de maisons un peu moins ornementées, mais qui gardent certains aspects de ce type d'habitation, notamment la présence d'un seul étage et d'un ou plusieurs balcons aux fenêtres. C'est le cas du musée médical Kyriazis à Larnaka.

Il faut aussi noter que dans les années 1950 et 1960 de nombreux étudiants en architecture chypriote qui avaient quitté l'île pour étudier à l'étranger sont revenus et ont initié des projets qui ont vu naître les premiers immeubles de grande hauteur, symboles du modernisme. Ce sont les immeubles que l'on retrouve dans les plus grandes villes, comme Nicosie, Limassol et Larnaka. Ils ont accueilli des habitants, mais aussi des écoles et d'autres institutions.

Les trésors de l’art byzantin

Un séjour à Chypre est une formidable occasion de s’intéresser à ses profondes racines religieuses. Il faut ainsi emprunter les chemins qui conduisent vers ses monastères et ses églises sacrés, un patrimoine dont les habitants sont fiers. C’est dans la région des monts du Troodos que l’on trouve une importante concentration de lieux saints, tout simplement l’une des plus importantes de tout l’Empire byzantin. Quelque dix églises byzantines de cette splendide région située entre vallées et forêts verdoyantes sont inscrites, ensemble, sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Neuf d’entre elles depuis 1985, la dixième (Metamorfosis tou Sotiros) en 2001. Avec leurs dimensions modestes, comme celles de l’église Archangelos Mihail, elles rappellent de grosses fermes montagnardes : pierres parfois grossières, murs épais, toits imposants, charpentes de bois brut. Mais leur aspect ne doit pas tromper et détourner le regard du visiteur. Car c’est bien en franchissant les portes que l’on assiste à un superbe spectacle. Elles abritent en effet des peintures murales parmi les plus belles du genre dans le monde. Et au-delà de leur beauté, ces œuvres nous renseignent sur le passé mouvementé de l’île, des Byzantins aux Lusignan, des Vénitiens aux Ottomans, sur les luttes d’influence, les modes, l’évolution des techniques et des styles, etc. L’église Panagia Forviotissa (Notre-Dame de Farvion), connue sous le nom de Panagia tis Asinou, dévoile un cycle de peintures murales byzantines très complet. Et pour voir les fresques les mieux conservées, il ne faut pas manquer de franchir la porte de l’église Panagia Arakiotissa. Les peintures que l’on retrouve dans ces bâtisses uniques au monde sont le témoignage de cinq siècles d’histoire de l’art à Chypre. Elles sont, à elles seules, un livre d’histoire grandeur nature.