
Le tourisme en Antarctique existe depuis les années 1950, et n'a fait que grandir depuis. Des quelques dizaines de touristes embarqués sur les bateaux de réapprovisionnement pour les bases scientifiques, le Continent Blanc accueille au tournant du siècle plus de 10 000 visiteurs annuels. Pour la saison 2023-2024, le chiffre dépasse les 100 000 touristes. Ce tourisme réservé aux classes privilégiées n'est pas sans risque pour l'environnement.
Voyager en Antarctique : un tourisme réservé aux plus riches
Entre 6 000 et 8 000€ par personne. C'est le prix que coûte, au plus bas, un voyage en version économique en Antarctique depuis Paris. Dans ces tarifs ne sont inclus que la croisière depuis Ushuaïa jusqu'au Continent Blanc. Il faut également y ajouter les vols vers Ushuaïa, les logements en Argentine avant ou après le départ de la croisière, et les charges du quotidien. Pour une croisière avec plus d'options, confort et activité, ou simplement pour une durée de voyage plus longue, certains touristes peuvent débourser jusqu'à 60 000€ par personne.
Une enquête signée Reporterre démontre que certains chercheurs français embarquent gratuitement à bord de croisières de luxe vers l'Antarctique. Les scientifiques cohabitent alors avec les touristes, la plupart étant riches, voire ultra-riches. Cette pratique divise au sein des chercheurs, et participe à la confusion entre le tourisme et la recherche scientifique. Un mépris sur lequel joue par exemple le tourisme spatial.
Une étude Oxfam publiée en novembre 2023 démontre que les 1% les plus riches de la planète sont responsables de 16% des émissions mondiales de CO2 liées à la consommation en 2019. Les 10% les plus riches, sont quant à eux responsables de la moitié des émissions mondiales. Le développement à prix d'or d'activités touristiques dans les zones reculées du globe pèse donc dans la balance.
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Voyages en Antarctique, leur impact sur l'environnement
Selon le calculateur de l'impact carbone des moyens de transports de l'ADEME, un aller/retour Paris - Ushuaïa en avion émet 4,03 tonnes de CO2 équivalent. S'ajoutent à cela l'empreinte carbone de la traversée en bateau. Par comparaison, un français émet en moyenne 9,8 tonnes de CO2 par an. Pour respecter l'Accord de Paris pour le climat, les experts conseillent de limiter ce chiffre à 2 tonnes.
En plus des émissions de gaz à effet de serre dues au transport, les navires se rendant en Antarctique peuvent introduire involontairement de nouvelles espèces, portant alors atteinte à la biodiversité locale. Les hélicoptères qui sillonnent la région, et les Zodiacs utilisés pour emmener les touristes à terre ajoutent à la pollution des lieux. La pollution et les gaz d'échappement participent d'autant plus à l'accélération de la fonte des glaces.
Le rôle des glaciers
Il faut savoir que les glaciers ont un rôle de régulateurs du climat. 80% des rayons du soleil se reflétant sur la glace sont redirigés dans l'espace. À cause du réchauffement climatique, les glaciers fondent de plus en plus tôt dans l'année, et ont de plus en plus de mal à se reformer en hiver. Ils exposent alors la surface des océans, qui vont absorber la lumière du soleil et une partie du CO2. L'eau se réchauffe alors. Une eau plus chaude "prend plus de place" à cause de la dilatation de la matière, participant donc à la montée des eaux. En fondant, les glaciers viennent aussi rejeter dans l'atmosphère du méthane, du CO2 et des bactéries jusqu'ici coincés dans le permafrost, et augmentant encore les niveaux de gaz à effet de serre.
Selon l'Organisation météorologique mondiale, la côte ouest de la péninsule antarctique fait partie des endroits du globe s'étant le plus réchauffés ces 50 dernières années. Ils constatent une hausse des températures dans la région d'environ 3°C. On sait aussi que l'Antarctique perdait environ 40 milliards de tonnes de glace par an dans les années 1980. En 2017, ce chiffre grimpe à 252 milliards.
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Les plus pauvres en paient le prix
Au delà de l'impact sur l'environnement des voyages en Antarctique, l'afflux de touristes à très haut pouvoir d'achat a un impact direct sur l'économie des pays d'où partent les croisières. À Ushuaïa, en plus d'une augmentation de la pollution locale, le coût de la vie flambe.
Début 2024, le taux de pauvreté en Argentine atteint 53%. En parallèle, nombreux sont les riches touristes optant pour un séjour en hôtel ou Airbnb avant ou après leur croisière. Comme pour de nombreuses villes, la hausse des locations de courte durée empêche les locaux de se loger convenablement et entraînent une forte gentrification des lieux. Entre les hôtels de luxe d'Ushuaïa et les bidonvilles qui bordent la ville, le contraste est saisissant.
Toujours selon Oxfam, les populations les plus pauvres sont cinq fois plus victimes des déplacements de population dus au réchauffement climatique. En 2016, il y a presque dix ans, 23,5 millions de personnes ont été déplacées à cause des conditions climatiques extrêmes. Néanmoins, ce chiffre ne prend pas en compte les catastrophes dites "lentes" (sécheresses ou montée des eaux par exemple).