Le rock et le « San Francisco sound »

Rien n’est plus typique de San Francisco et de la Bay Area que le rock. En pleine ébullition contre-culturelle des années 1960, pleine d’espoir et d’engagement, une vague de nouveaux groupes arbore  en musique les valeurs et les idées de cette jeunesse en mouvement. Janis Joplin, Big Brother and the Holding Company, Jimi Hendrix, The Grateful Dead, Carlos Santana ou encore Jefferson Airplane pour ne citer que les plus célèbres, ont incarné cette esthétique psychédélique et fiévreuse qui trouvera son point d’orgue durant le mythique Monterey Pop Festival de 1967. La salle The Fillmore (Pacific Heights) a fortement contribué au sound en accueillant tous ses acteurs dans les années 1960. Quiconque pris d’une envie de pèlerinage sera ravi d’apprendre que la salle existe encore. Mieux, elle est toujours l’une des meilleures salles de concert de San Francisco et les têtes d’affiche (surtout du rock et de l’indie) de passage en ville s’y produisent régulièrement.

Forte de ce passé, San Francisco est toujours une ville résolument rock. Un peu moins psychédélique – mais ça coule toujours dans ses veines – un peu plus garage et abrasive, la scène rock locale a porté et continue de porter des vedettes du genre qui tournent dans le monde entier. A commencer par The Brian Jonestown Massacre, rock planant et halluciné piloté par Anton Newcombe (un personnage) et suivi par d’excellents groupes tous plus talentueux les uns que les autres : Ty Segall et Oh Sees (précédemment Thee Oh Sees), les deux champions, mais aussi Wooden Shjips, Black Rebel Motorcycle Club, Kelley Stoltz, The Mantles, The Fresh & Onlys ou The Sandwitches. Pas tout à fait rock mais bien inscrite dans l’héritage du « sound », citons également la fabuleuse (le mot est faible) Natalie Mering et son projet Weyes Blood, pop psychédélique et baroque, phénomène de finesse et de beauté.

Hormis le Fillmore, il existe un nombre considérable de scènes où voir un concert de rock à San Francisco. Les meilleures sont sans hésiter The Bottom Of The Hill, passage obligé pour les amateurs d’indie et lieu très populaire auprès des Franciscanais qu’il serait dommage de louper, ainsi que le Great American Music Hall, cabaret de 1907, ancien bordel reconverti en salle de concert qui a accueilli tous les grands noms, de Van Morrison à Grateful Dead en passant par Duke Ellington. Côté festival, le High Sierra, au cœur de la Sierra Nevada, est un bon rendez-vous pour les amateurs du genre.

Punk

Dès la fin des années 1970, la douce californienne a vu éclore en son sein un mouvement punk affirmé. Son goût pour les modes de vie alternatifs et son tempérament engagé et résistant participèrent à la naissance de plusieurs groupes marquants, tous gravitant de près ou de loin autour du mythique label Alternative Tentacles fondé par les non moins légendaires Dead Kennedys. Le groupe est emmené par le charismatique et doux dingue Jello Biafra, californien d’adoption (il est né à Boulder dans le Colorado en 1958), qui tenta un temps (en 1979), sans succès, de briguer la mairie de San Francisco contre le gouverneur de l’époque. Auteur, via ses textes, de violents pamphlets anarchistes et sarcastiques contre la religion, les conservateurs – Reagan est une de ses cibles privilégiées –, le racisme, la bienséance ou encore les tyrans du tiers-monde, Jello Biafra est plus qu’un simple chanteur de punk : il est le punk.

Mais ce que l’on appelle communément le « punk californien »  intervient plus tard. Au tournant des années 1990, une vague de groupes souvent plus pop, plus mélodieux, plus fun aussi, redonne un second souffle au genre. À L.A, le groupe NOFX, à Orange County, The Offspring et dans la Bay Area, Green Day ou Rancid commencent à connaitre un succès sans précédent dans le domaine (qui connaitre son apogée dans les années 2000 avec l’explosion commerciale de Green Day, The Offspring et Blink-182). Toujours énervée, toujours militante mais aussi souvent plus légère et lumineuse que ses ainées, cette scène californienne bouleverse le punk, voire le rock dans son ensemble.

Les scènes punk vont et viennent, et demeurent souvent assez confidentielles. Cela dit, le Cat Club propose beaucoup de musique des années 1980 : goth, indus, new wave, punk, etc..

La musique classique

Il ne fait pas partie du big five constitué des cinq orchestres américains les plus prestigieux - New York Philharmonic / Boston Symphony Orchestra / Chicago Symphony Orchestra /Philadelphia Orchestra / Cleveland Orchestra - mais l’Orchestre symphonique de San Francisco est tout de même l’un des meilleurs du pays. Fondé en 1911, il a acquis au cours du siècle une renommée mondiale grâce à la direction d’excellents chefs comme le Japonais Seiji Ozawa dans les années 1960, l’Américain Michael Tilson Thomas qui a accéléré sa notoriété entre 1985 et 2020 et désormais l’excellent Finlandais Esa-Pekka Salonen.

L’ensemble se produit au Davies Symphony Hall, bel auditorium de presque 3 000 places. Une occasion en or de le voir est de se rendre au Stern Grove Festival, qui a non seulement pour particularité de se tenir dans le Stern Grove Park, un amphithéâtre de plein air entouré d’eucalyptus, de sapins et de séquoias mais aussi d’être… gratuit. Aucune excuse donc.

Le jazz

Quand on évoque le jazz aux Etats-Unis, on pense en premier lieu aux scènes de La Nouvelle-Orléans, de Chicago ou de New York. Et pourtant la région de San Francisco en possède une également redoutable bien que moins connue. Sans compter que, le festival de jazz le plus ancien et le plus réputé des États-Unis a lieu tous les ans depuis 1958 à Monterey, au sud de San Francisco (Le Monterey Jazz Festival). L’emblème du jazz de la région, c’est Dave Brubeck (1920 - 2012) et son quartet qui fit fureur à San Francisco et sa baie dans les années 1950 puis dans l’ensemble du pays très rapidement après. Souvent rattachés à l’esthétique « cool jazz », certains de ses hits sont devenus des standards du jazz, notamment In Your Own Sweet Way, Take Five, le fabuleux Blue Rondo à la Turk et The Duke. Mélodiste hors pair, très technique, reconnaissable à son style très élégant, Dave Brubeck symbolise le jazz West Coast aux côtés d’autres musiciens, moins connus mais tout autant aimés outre-Atlantique : Vince Guaraldi, pianiste aussi talentueux que prolifique, Bobby Hutcherson, vibraphoniste et marimbiste qui signa notamment le très bon Components en 1966 sur le prestigieux label Blue Note, Tom Harrell, largement considéré comme l’un des meilleurs trompettistes de jazz de ces vingt dernières années et plus récemment des étoiles montantes comme le guitariste Julian Lage ou la nouvelle sensation du vibraphone Sasha Berliner.

Les occasions ne manquent pas d’écouter du jazz à San Francisco. D’abord, il y a deux festivals de qualité : le Fillmore Jazz Festival, le plus grand festival de jazz de la côte ouest, gratuit, qui plus est, et le San Francisco Jazz Festival, tout le mois de juin, réputé pour sa programmation dense et bien pensée. Ce dernier se tient dans le SFJAZZ Center, centre dédié au jazz, comprenant une salle de 700 places, des salles de répétition, un labo de musiques numériques et un restaurant. Depuis son ouverture en 2013, l’endroit a acquis une renommée internationale de par la qualité de ses affiches. Parmi les autres scènes remarquables de San Francisco, Biscuits and Blues et Bix, deux clubs devenus des institutions du jazz en ville. A Oakland, impossible de ne pas mentionner Yoshi’s Jazz Club, l’un des meilleurs clubs de jazz de toute la Californie, doublé d’un très bon restaurant japonais. Les meilleurs jazzmen du monde viennent se produire ici. Les amoureux du jazz ne peuvent manquer cet établissement.

Le rap

Quand on parle de rap West Coast, on désigne à 99 % du temps des rappeurs de la région de Los Angeles. Pourtant, à San Francisco aussi on rappe. Et pas du tout de la même manière que dans la Cité des Anges. Il y a des rappeurs comme E-40 ou Too-Short, plus funky, d’autres comme Lil B un peu arty et farceur ou d’autres, encore, comme la rappeuse Kamaiyah qui propose un rap festif, chaud et robuste. Aussi, last but not least, bien qu’il ne soit pas originaire d’Oakland, la ville a eu une place particulière dans la carrière de 2Pac puisque c’est ici qu’il a fait ses premiers pas de rappeur au sein du groupe Digital Underground. À de nombreuses reprises, l’artiste a clamé son amour pour la ville qui lui a bien rendu en instaurant en 2016 un « Tupac Shakur Day », tous les 16 juin (date de son anniversaire). En somme, bien que moins vaste, la scène locale n’a rien à envier à sa grande sœur angelena.