Les chevaux kirghizes

Lorsque l’on pense aux chevaux d’Asie centrale, on imagine tout de suite les fougueux chevaux célestes, fruits de l’accouplement d’une jument et d’un dragon, dont la recherche assidue par les Chinois leur permit d’explorer les contreforts du Pamir et du Tian Shan, ouvrant les premières étapes de la future Route de la soie. On pense également aux splendides chevaux turkmènes de la race Akhal-Teke, si jalousement protégée au point qu’aucun autre cheval n’est autorisé à entrer dans le pays. Mais les chevaux kirghizes sont d’une tout autre trempe. Rustique, robuste, endurant, petit avec une taille variant entre 1,35 et 1,50 m, le cheval kirghize est également agréable, docile et parfaitement équilibré et adapté à la montagne. Il était tellement associé au nomadisme que les Soviétiques tentèrent de l’éradiquer du paysage. Il fait désormais l’objet d’un programme de protection et, depuis l’indépendance, est redevenu une star dans le pays, faisant l’objet de nombreux jeux (voir ci-dessous) et de festivals dédiés.

En selle !

Il est possible de voyager au Kirghizistan en bus, en taxi, à pied ou à vélo et d’éviter d’enfourcher un cheval. Mais quel dommage de séjourner au pays des nomades sans profiter de ce mode de locomotion omniprésent ! Il est devenu très facile, à chaque étape, de louer guides et chevaux pour des randonnées équestres de quelques heures ou quelques jours selon votre choix. Et ne vous inquiétez pas : les chevaux kirghizes, même en montagne, même longeant des ravins, même sous la neige, connaissent parfaitement la montagne, sont robustes à souhait et confèrent à leur cavalier une sensation de sérénité qui vous laisse pleinement profiter des paysages et des sensations offertes par le décor des prestigieuses montagnes, lacs et vallées d’altitude. Pas de matériel particulier à prévoir : de bonnes chaussures et des vêtements chauds (le vent peut être très froid en altitude et comme c’est le cheval qui fait l’effort principal, le corps ne se réchauffe pas) suffiront. Si vous êtes un adepte de la sécurité à tout crin, emportez votre propre bombe ou casque, car on n’en trouve que très peu sur place.

Des itinéraires variés

D’une manière générale, si vous vous adressez aux coordinateurs régionaux du réseau CBT (Community based Tourism, www.cbtkyrgyzstan.kg), vous n’aurez aucun mal à trouver un cheval et son équipement et à le louer pour la durée qui vous conviendra. Simple petit galop sur les rives du lac Song Kul ou excursion plus sauvage entre Talas et le lac Sary Chelek, hors des sentiers battus, à vous de voir, mais sachez qu’il n’y a aucune difficulté à organiser une excursion de ce type. Soyez néanmoins vigilant et ne vous engagez pas sans savoir précisément quelles sont la durée et la difficulté du trek. Certaines randonnées passent par des sentiers difficiles où une certaine expérience et une maîtrise totale du cheval seront nécessaires. En outre, ne croyez pas qu’une randonnée à cheval est moins fatigante qu’une randonnée à pied. Un bon mal de fesses et de dos vous attend le soir si vous n’avez pas la bonne position, et une fois posé le bivouac, il faut encore s’occuper du cheval. Il faut donc une certaine dose d’énergie, de passion et de connaissance pour se lancer seul dans l’aventure. Sans oublier un détail important : les Kirghizes vous loueront le plus souvent des chevaux montés à l’asiatique, c’est-à-dire avec des selles bien moins confortables qu’en Europe. Fort heureusement, quelques opérateurs locaux se sont entièrement spécialisés dans la randonnée à cheval et proposent également des randonnées parfaitement encadrées, avec des étapes sécurisées et des accompagnateurs professionnels (www.asiarando.com).

Les jeux équestres

La culture équestre au Kirghizistan ne se limite pas au trajet et au pastoralisme : les chevaux sont depuis la nuit des temps pleinement acteurs de jeux ayant acquis au fil du temps une grande importance sociale. Certaines traditions sont encore vivaces, comme l’organisation de oulak tartych l’équivalent du bozkachi afghan (voir ci-dessous), d’autres font purement partie du folklore, comme la chasse au faucon à cheval, quelques-unes tendent à disparaître, comme l’enlèvement de la jeune mariée à cheval, et beaucoup d’autres sont devenues des épreuves sportives auxquelles on peut assister lors du festival des jeux nomades, désormais organisé tous les deux ans au Kirghizistan. Parmi ces jeux, l’at-chabich est une course sur longue distance très populaire. C’est le plus ancien et le plus répandu des sports équestres. Autrefois, le parcours des courses pouvait atteindre jusqu’à 100 km, et les cavaliers étaient souvent des enfants âgés d’une dizaine d’années.

Oulak Tartych : le plus beau des spectacles !

Mais le plus spectaculaire de tous les sports équestres kirghizes est évidemment le oulak-tartych. Ce sport était pratiqué dans les armées persanes il y a très longtemps, il faisait office d’entraînement pour l’élite de la cavalerie : une centaine de cavaliers pouvaient alors s’affronter lors de ces batailles en miniature. Une chèvre est décapitée, et les cavaliers se disputent la dépouille. Celui qui remporte la mêlée doit ensuite effectuer un parcours déterminé par des poteaux avant de revenir au centre de la piste et jeter la carcasse dans un cercle tracé au sol, représentant le « cercle de justice ». Durant sa chevauchée, ses adversaires doivent essayer de lui prendre le butin et il n’y a alors plus de règles, tout est permis. Le jeu peut donc devenir assez violent, tant pour les cavaliers que pour leur cheval. Chaque équipe est vêtue de ses couleurs traditionnelles, mais il n’y a qu’un seul vainqueur, et les rivalités existent également à l’intérieur d’une même équipe. Les festivités de Navrouz, le Nouvel An oriental, vont souvent de pair avec l’organisation de compétitions d’oulak-tartych. Si vous fréquentez les marchés aux bestiaux du pays, vous noterez qu’un Kirghize n’achète jamais un cheval destiné au oulak-tartych sans tester sa vitesse, son agilité et sa robustesse, fonçant au cœur même du marché sur d’autres cavaliers pour prendre la mesure de sa monture. La saison du oulak-tartych commence au printemps et dure tout l’été, elle connaît une apothéose lors de la fête de l’Indépendance du Kirghizistan, le 31 août.