Septième art sud-africain : des débuts difficiles
Si les premières images vidéo en Afrique du Sud sont tournées pour les actualités durant la guerre anglo-boer (1880-1881), le premier long-métrage réalisé sur les terres du pays est signé Harold Shaw. Baptisé Die Voortrekkers, cette œuvre en langue afrikaans est, à l’époque, surtout appréciée des Afrikaners et des descendants des Voortrekkers. Très vite, la suprématie blanche est au cœur de toutes les productions cinématographiques. Dans les années 1930, la société Colonial Film Unit propose des programmes éducatifs et produit plusieurs œuvres glorifiant les Afrikaners. L’Américain Isidore W. Schlesinger crée la Schlesinger African Film Productions, une société qui contrôle l’entièreté des productions et système d’exploitation de films jusqu’en 1948, lors du rachat de Schlesinger Production par la 20th Century Fox et surtout, l’institution du régime d’apartheid par les Afrikaners. Dès lors, l’industrie cinématographique n’a pour unique but que le succès commercial, destiné à des spectateurs blancs. De 1956 à 1962, plus de soixante films de fiction sont tournés, dont une quarantaine en afrikaans. Pendant longtemps, les ciseaux de dame Censure se sont dessinés en ombre chinoise derrière l’écran des salles obscures. Vu le régime plus que stricte que le pays subit, bon nombre d’œuvres sont tournées hors des terres africaines. Seuls des films comme Pleure, ô pays bien-aimé (1952) de l’Autrichien Zoltan Korda ou l’événement politique Come Back Africa (1959), dans lequel on voit la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba, de Lionel Rogosin, ou plus tard Les dieux sont tombés sur la tête (1980) de Jamy Ulys parviennent à se tourner dans le pays. La fin de l’apartheid marque la renaissance du cinéma sud-africain et les exilés sont de retour. Darrel James par exemple, originaire de Johannesburg, remue les salles de cinéma avec Place of Weeping (1982), œuvre anti-apartheid qui le révèle aux États-Unis, puis The Stick (1987), un film contre la guerre, interdit pendant deux ans dans son pays. Sarafina! (1992) et Pleure, ô pays bien-aimé (1995, remake de l’œuvre éponyme de Zoltan Korda) reçoivent une reconnaissance internationale et sont applaudis pour leur conscience politique et le traitement de sujets liés à l'Afrique du Sud.
Le cinéma post-apartheid
Depuis les années 2000, les cinéastes sud-africains ne cessent d’éblouir la critique internationale. Le très politique Zola Maseko incarne la nouvelle génération très entreprenante du cinéma de son pays et réalise des œuvres engagées comme L’Étranger, A Drink in the Passage ou encore, en 2004, le long-métrage Drum. En 2005, Gavin Hood réalise Mon nom est Tsotsi et remporte l’Oscar du meilleur film étranger. En 2009, c’est District 9 de Neill Blomkamp qui s’empare du box-office. Si l’œuvre n’a pas grand-chose à voir avec l’Afrique du Sud, elle est cependant une métaphore du système de l’apartheid, avec le parcage d’extraterrestres dans des ghettos. Depuis 2015, on observe un regain d'activité pour le cinéma local qui est régulièrement primé à l'international : afrikaans local Die Windpomp, avec le prix du Public pour le meilleur film étranger 2015 du Long Beach International Film Festival à New York, Thina Sobabili et le Public Choice Award au Festival panafricain du cinéma 2015, et Necktie Youth, qui remporte à la fois le prix du Meilleur film sud-africain et le prix du Jury international du meilleur réalisateur au festival du Film de Durban. Plus récemment, Zola Maseko revient avec The Whale Caller (2017), adaptation du roman éponyme de l’écrivain sud-africain Zakes Mda. Les Moissonneurs (2018) d’Etienne Kallos montre plusieurs régions du KwaZulu-Natal et la réalisatrice Jenna Bass présente au festival de Toronto de 2019 son long-métrage Flatland, dans la catégorie « Cinéma du monde contemporain ». Enfin en 2018, Les Initiés de John Trengove fait parler de lui à l'international et choque dans son propre pays. Ce long-métrage évoque d'une part les relations homosexuelles, d'autre part, il lève le voile sur un rite ancestral pratiqué par les Xhosa. Dès la diffusion de la bande-annonce, le film fait scandale au sein de la population xhosa qui y voit la révélation d'un secret et une insulte à la tradition. Les Initiés est parallèlement très bien reçu à l'étranger et encensé par la critique.
À l’international
L'Afrique du Sud est également devenue très attrayante en tant que lieu de tournage. En effet, on compte plusieurs succès cinématographiques ayant non seulement traversés les terres sud-africaines, mais également transcrit à l’écran l’histoire importante et douloureuse du pays. Ainsi, en 1987, le britannique Richard Attenborough réalise Cry Freedom et place son intrigue durant la période des émeutes de Soweto de 1976, retraçant un peu de l’histoire du militant anti-apartheid Steve Biko. Biko est campé par Denzel Washington, qu’on retrouve quelques années plus tard dans la peau du célèbre Malcolm X, dans l’œuvre éponyme réalisée par Spike Lee en 1992. Le film est acclamé par la critique internationale, au même titre que Blood Diamond en 2006, avec Leonardo Di Caprio et Jennifer Connelly. L’œuvre tournée dans toute l’Afrique est nominée dans cinq catégories à la 79e cérémonie des Oscars. Un an plus tard, on remarque Goodbye Bafana (2007) de Bille August, avec Joseph Fiennes. Fiennes interprète le rôle du Sud-Africain James Gregory, le gardien de prison responsable de Nelson Mandela durant l’incarcération de celui-ci, entre 1960 et 1990. Deux ans plus tard, c’est le célèbre Morgan Freeman qui incarne Mandela dans Invictus (2009) de Clint Eastwood. Le film place son intrigue durant la période de la Coupe du monde de rugby que l’Afrique du Sud organise en 1995. Pour son interprétation du célèbre « Madiba », Freeman reçoit une nomination aux Oscars de 2010 comme meilleur acteur, et remporte ce même prix au National Board of Review Awards. En 2013, c’est Idris Elba qui reprend le rôle de Mandela dans Mandela : un long chemin vers la liberté de Justin Chadwick. Plus récemment, on remarque Forgiven (2017), œuvre sur Desmond Tutu (campé par Forest Whitaker), Zulu (2013, Jérôme Salle) avec Orlando Bloom, ainsi que Mia et le lion blanc (2018) de Gilles de Maistre, où l’on peut voir la réserve sauvage du Timbavati.