Découvrez l'Afrique du Sud : Musiques et Scènes (Danse / Théâtre)

La musique est en Afrique du Sud un véritable miroir de l’histoire mouvementée du pays. Lorsqu’à partir de 1948, l’apartheid pousse massivement la population noire à s’entasser dans les townships – celui de Soweto est certainement le plus célèbre –, c’est ici, dans ces ghettos consumés par la misère, que la plupart des grandes révolutions musicales du pays naissent. On y voit éclore le kwela, le marabi ou le mbaqanga, tous cousins sud-africains du jazz qui, chacun à leur manière, servent d’outils pour lutter contre l’oppression. Plus tard, c’est la pression des autorités qui force les plus grandes stars du pays à l’exil comme Miriam Makeba, Abdullah Ibrahim ou Hugh Masekela. Ces derniers deviendront les porte-drapeau de la cause sud-africaine dans le monde. Aujourd’hui, la société s’est apaisée mais les inégalités et la violence demeurent, chose qui s’entend dans le dernier grand courant local : le gqom. En somme, pour connaître l’Afrique du Sud, il faut commencer par l’écouter.

Les musiques traditionnelles

Terre extrêmement fertile pour la création, l’Afrique du Sud possède sans surprise un des plus riches gisements de musiques traditionnelles du continent. C’est dans le Natal que l’on trouve une des traditions les plus spectaculaires avec l’isicathamiya. Ces chants choraux et polyphoniques pratiqués a cappella par les Zoulous ont la magnifique fusion des incantations amahubo et des chorales de mariage umbholoho. Ce mélange harmonieux de voix connaît une variante plus puissante nommée mbube. Oublié pendant une large part du XXe siècle, l’isicathamiya ressurgit dans les années 1970-1980, porté par le groupe star Ladysmith Black Mambazo. Aujourd’hui des concours d’isicathamiya ont lieu à Johannesburg et Durban.

Le kwela

Natif du township d’Alexandra (au nord de Johannesburg) dans les années 1940, le kwela est une étonnante musique, imprégnée du swing américain et jouée principalement au penny-whistle, cette fameuse petite flûte à bec métallique, appelée ainsi car elle ne coûtait pas plus d’un penny. Le genre a porté quelques stars telles que les Solven Whistlers, très bon groupe de kwela aux harmonies très sophistiquées, Specks Rampura ou encore Lemmy Special Mabaso. Ils sont tous présents sur l’excellente compilation Something New in Africa (éditée chez Decca en 1959), un petit trésor qui documente très bien ce qu’a été la scène kwela en Afrique du Sud. Envoûtant et enlevé, le kwela et ses surprenants solos de penny-whistle ont largement influencé le jazz sud-africain.

Le jazz

À l’origine, il y avait le marabi. Ce genre datant du début du XXe siècle, cousin du jazz, du ragtime ou du blues se jouait à l’orgue électromécanique ou au piano et était destiné à attirer les foules dans les shebeens, les bars clandestins de la population noire. Caractérisé par ses motifs mélodiques répétitifs, le marabi est avec le kwela une des bases du jazz sud-africain. Ce dernier voit apparaître sa figure tutélaire dans les années 1950, incarnée par l’immense trompettiste Hugh Masekela (1939-2018). Véritable point de départ du jazz local, Masekela est avec son ensemble légendaire – les Jazz Epistles – le premier groupe de jazz africain à enregistrer un disque et à faire salle comble dans le pays. Iconique toute sa carrière, en 1987, son single Bring Him Back Home réclamant la libération de Nelson Mandela devient l’hymne du mouvement de libération sud-africain.

Aussi membre éminent des Jazz Epistles, Abdullah Ibrahim est l’autre patriarche du jazz sud-africain. Considéré aujourd’hui comme l’un des meilleurs pianistes au monde, adulé par tous les fans du genre, il est le premier jazzman africain à connaître une renommée mondiale, une notoriété notamment acquise durant ses années d’exil (il rencontre Ellington à Zurich en 1963, ce qui propulse sa carrière). Dans les années 1960, jouer du jazz en Afrique du Sud, c’est promouvoir la culture noire, donc lutter contre l’apartheid et, in fine, un acte de résistance. Imprégnée par l’esprit d’avant-garde des Américains John Coltrane, Thelonious Monk ou Sonny Rollins, toute cette scène de musiciens activistes est, à l’instar de Hugh Masekela et d’Abdullah Ibrahim, sans cesse harcelée, arrêtée et, en fin de compte, poussée à l’exil. Tous les grands noms du jazz de l’époque sont concernés : le saxophoniste Kippie Moeketsi (1925-1983), surnommé le « Charlie Parker d’Afrique du Sud », la chanteuse Sathima Bea Benjamin (1936-2013), le pianiste Chris McGregor (1936-1990), le contrebassiste Johnny Dyani (1945-1986) ou encore la célébrissime Myriam Makeba (1932-2008). Elle qui fut une des plus grandes stars de son pays – notamment grâce à son tube Pata-Pata – a été forcée à l’exil pendant près de trente et un ans et destituée de sa nationalité. C’est durant sa période américaine qu’elle chante ses plus beaux airs traditionnels a capella, en zoulou, xhosa et sotho, notamment la chanson de mariage traditionnelle The Click Song (Qongqothwane en xhosa) et Malaika.

Aujourd’hui, le jazz sud-africain continue d’attirer l’attention internationale et quelques très bons musiciens perpétuent l’héritage local comme la tromboniste Siya Makuzeni qui mélange jazz, funk et hip-hop, le pianiste Nduduzo Makhathini très inspiré par Abdullah Ibrahim et signé chez le mythique label Blue Note, ou encore SPAZA, ensemble jazz d’avant-garde.

Avec le temps, le Cape Town International Jazz Festival est devenu un des grands rendez-vous internationaux de tous les amateurs de jazz. Conviant une quarantaine de groupes internationaux et africains devant pas loin de 15 000 spectateurs chaque année, l’événement est tout simplement immanquable.

À Johannesburg, le Marabi Club dans le quartier de Maboneng en programme du très bon jazz et au Cap, l’Artscape Theatre Complex peut également composer de très belles affiches de jazz contemporain.

Le mbaqanga

En parallèle du jazz se développe dans les années 1960 un style typiquement sud-africain: le mbaqanga. Inventé en 1962 dans les townships par West Nkosi et popularisé en 1964 par Simon Mahlathini, le mbaqanga est souvent défini comme un genre puisant ses racines dans la musique zoulou, installé quelque part entre le swing des big bands américains et l’aspect répétitif du marabi. Symbole par excellence de la culture urbaine sud-africaine, le genre gagne vite en importance, porté par des stars comme les Mahotella Queens, les African Swingsters ou Mahlathini, le « lion de Soweto », véritable noyau du genre autour duquel s’est articulée toute la scène, autant de grands noms locaux qui font vivre le mbaqanga jusqu’à ce qu’il se transforme en bubblegum dans les années 1980, influencé par la pop et le disco. L’excellente compilation Next Stop Soweto éditée chez le (souvent fabuleux) label Struten 2010 documente très bien les grands moments de cette scène mbaqanga.

La pop

Dans les années 1980, la vague disco déferle sur l’Afrique du Sud. La musique locale, notamment le mbaqanga, change de rythme, de couleurs et se gorge de synthétiseurs et d’électronique. Cette musique flashy, joyeuse et acidulée est rapidement qualifiée de bubblegum par les médias locaux, ces derniers n’y voyant qu’un concentré sucré et jetable sans véritable intérêt artistique. Pourtant, le genre porte quelques-unes des stars les plus importantes (en terme de notoriété ou de vente) du pays comme Brenda Fassie, Yvonne Chaka Chaka, Rebecca Malope ou encore Chicco Twala (plus engagé, comme son We Miss You Manelo dédié à Mandela). Ici encore, une excellente compilation est à conseiller : GumbaFire: Bubblegum Soul & Synth Boogie in 1980s South Africa parue en 2018 chez Soundway Records, un objet qui capture à merveille cette scène vibrante.

C’est également dans les années 1980 qu’une des stars les plus connues du pays éclot : Johnny Clegg. Surnommé le « Zoulou blanc », il est, avec sa pop très grand public, un des musiciens qui a le plus participé à véhiculer l’image de l’Afrique du Sud en son temps. Il est mort d’un cancer en 2019. Aujourd’hui, la pop locale se porte toujours aussi bien, bichonnée par des artistes comme Petite Noir, qui a charmé les scènes du monde entier avec sa musique froide et chic qu’il qualifie de « noirwave ».

Une excellente manière de goûter à la pop et aux musiques actuelles d’Afrique du Sud est de se rendre au festival Oppikoppi. Considéré comme l’un des meilleurs rendez-vous musicaux du pays, Oppikoppi offre à voir pendant trois jours la crème du rock, de la pop, du jazz ou de la house locale.

La musique électronique

Quelque chose de frappant en Afrique du sud est à quel point la house et la deep house sont populaires. Bien qu’originaires du Chicago des années 1980, la house – et son pendant plus soul la deep house – ont trouvé ici un foyer d’adoption : elle est diffusée en pleine journée sur les chaînes musicales ou à la radio, les enfants et les personnes âgées dansent dessus, bref, elle n’est pas du tout réservée aux oiseaux de nuit ni cantonnée aux clubs. En résumé, la house est ici une part intégrante de la musique pop. D’ailleurs, le géant de la house sud-africaine, Black Coffee, est un peu une pop star. Pleine de soul, incorporant régulièrement des éléments de musique traditionnelle, la house de Black Coffee fait la part belle aux voix et accueille souvent des chanteurs célèbres comme Pharrell Williams.

Cette importance de la house dans le pays a également donné naissance à de nombreux sous-genres dont certains sont devenus des piliers de l’industrie musicale. C’est notamment le cas du kwaito. Le kwaito est à l’Afrique du Sud ce que le grime est à l’Angleterre : le hip-hop local. Musique syncopée des townships de Johannesburg, le kwaito est en fait une house très ralentie, gorgée de basses et langoureuse sur laquelle quelqu’un rappe. Comme le hip-hop, le kwaito est devenu un mouvement, une culture, un mode de vie (proche du hip-hop américain, ce qui lui est régulièrement reproché) incarné par des stars. Le « roi du kwaito » est Arthur Mafokate, un des pionniers du genre avec Lebo Mathosa et son groupe Boom Shaka qui ont ouvert la porte à de nombreux artistes : TKZee, Mandoza, Bongo Maffin ou plus récemment le très bon groupe Batuk emmené par le producteur voyageur Spoek Mathambo. Aussi, le fameux duo Die Antwoord et sa rap-rave déglinguée peut être considéré comme une version enragée du kwaito.

Récemment, le dernier dérivé local de la house se nomme le gqom (certains prononcent « djikomou », d’autres « klôm »). Apparue dans les townships de Durban au début des années 2010 sous la patte du duo RudeBoyz, cette électronique minimaliste, brute et glaciale mélange musique traditionnelle sud-africaine et house dépouillée et expérimentale. Le résultat est guerrier, fiévreux et hypnotique et s’exporte très bien, emmené par ses porte-drapeau DJ LAG ou DJ Mo Laudiqui qui enchaînent désormais les grands clubs européens.

Quelques bonnes adresses à noter pour goûter à l’électro locale à Johannesburg : le Living Room, non seulement le rooftop le plus sympa de la ville mais aussi un club avec une bonne programmation, le Kitchener’s Carvery Bar, pub trendy vieux de cent ans qui attire la jeunesse branchée avec ses bon DJ sets, le Taboo, plus sophistiqué mais proposant souvent une programmation de qualité. Au Cap, le Cape Town Electronic Music Festival est un rendez-vous dédié aux amateurs de musique électronique pointue.

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