Tradition ndebele
Peinture initiatique, l’art ndebele est une affaire de femmes. Les jeunes filles sont initiées par leurs mères à l’art de la fresque, ainsi qu’à la création de bijoux et d’objets rituels. Art essentiellement abstrait, il reflète l’identité et l’appartenance à un clan. Les aplats géométriques de couleurs vives s’inscrivent sur les maisons dans des cadres préalablement soulignés en noir. C’est ainsi que les maîtresses de l’umuzi (ou groupement de bâtiments) décorent, selon une tradition séculaire, les façades de leur demeure.
Les Ndebele sont d’ethnie bantoue. Au XVIe siècle, ce peuple d’éleveurs arrive du Natal et s’installe dans le nord-est de l’Afrique du Sud. Dès ses débuts, l’architecture ndebele va de pair avec la peinture.
Avec le temps, ses caractéristiques ont subi une évolution. Les motifs abstraits laissent place à des images figuratives (lames de rasoir, oiseaux, avions, lions). La palette chromatique s’enrichit. Aux bruns, rouges, noirs et ocre obtenus grâce à la terre, le charbon ou l’argile s’ajoutent aujourd’hui les verts, rouges, jaunes et dérivés issus des mélanges de peintures achetées dans le commerce.
Le style ndebele alliant peinture et architecture est acclamé dans le monde entier comme un modèle esthétique.
Art rupestre
L’art ancestral se trouve en majorité à ciel ouvert. On peut l’apercevoir sur les parois des montagnes et les falaises. Gravures ou peintures, ces œuvres pariétales sont considérées comme les joyaux les plus authentiques de l’Afrique du Sud. Elles nous parlent des cultures perdues comme celle des Bochimans (ou San). Les empreintes laissées par les premiers occupants de la région sont intimement liées au chamanisme. Pour les San, la roche représentait des lieux de passage qu’il fallait marquer par ces dessins. Leur art reflète un monde spirituel. Les doigts détourés signalent des points énergétiques là où nous ne percevons aujourd’hui qu’une matière impénétrable. Des milliers de grottes renferment des œuvres d’art rupestre dans la région peu accessible du Cederberg. À 300 km à l’est du Cap, des œuvres vieilles de 77 000 ans ont été mises au jour par Christopher Henshilwood dans la grotte de Blombos. Des fragments de coquillages percés et ornés d’ocre attestent qu’Homo sapiens avait une âme d’artiste. Une révélation ! L’archéologue a également découvert sur ce site des croisillons gravés dans la pierre et rehaussés d’ocre. Ce ne sont pas moins que les premiers dessins au crayon que l’on n’ait jamais retrouvés. Le sens de ces motifs reste incertain car le berceau de l’humanité n’a pas fini de révéler tous ses secrets.
Époque moderne
Peintres ou sculpteurs, Blancs et Noirs, se sont lancés à corps perdu dans l’expression d’un drame. Au-delà de la difficulté à vivre de leur art, les Noirs ont rencontré la ségrégation, voire la persécution qui ont contraint Ernest Mancoba et Gerard Sekoto à l’exil en France. Libres de créer, les artistes blancs se sont attachés à produire des œuvres subversives, mettant en lumière l’angoisse d’un monde coupable et assiégé de toutes parts. Pionniers de la contestation, Sue Williamson, Gavin Younge et Michael Golberg inventent l’art politique, dans les années 1970. Leurs œuvres, hérissées de fils de fer barbelés, en disent long sur la perception de l’oppression. William Kentridge, par ses juxtapositions de scènes, exprime la séparation entre les groupes. Breyten Breytenbach, plus connu dans son pays comme écrivain que comme peintre, a dû attendre 1994 pour réaliser sa première exposition à Pretoria. La jeune génération, incarnée par exemple par un Willie Bester, célèbre pour ses compositions à base de graffitis et de montages d’objets, expose déjà en Europe. Les personnages colorés de Tommy Motswai, jeune artiste sourd-muet, séduisent un public international.
Construit en 2017 dans un silo à grains reconverti, le Zeitz MOCAA est le temple de l’art contemporain africain. Avant son ouverture, les artistes en quête de visibilité étaient contraints de s’exposer sur d’autres continents. À noter que Jochen Zeitz a prêté au lieu sa collection d’art contemporain africain pour une durée illimitée.
Galeries du Cap
Dans l’énergique cité portuaire, les galeries d’art pullulent. Parmi les pionnières, The Cape Gallery montre des œuvres représentatives de l’identité africaine, paysages classiques ou créations novatrices.
La galerie Goodman, au Cap ou à Johannesburg, défend l’art africain contemporain. Connue pour son soutien envers l’art africain durant l’apartheid, sa renommée n’est plus à faire.
Plateforme pour les peintres et les sculpteurs locaux, l’Everard Read Gallery est idéalement établie au bord de l’eau. Depuis peu, elle a ouvert juste en face un jardin de sculptures en plus de salles d’exposition annexes.
Nombre de galeries sont concentrées dans le quartier trendy de Woodstock, comme la What if the World Gallery, spécialisée en art contemporain novateur. Dessins, sculptures, installations et performances sont signés par des artistes sud-africains émergents.
Niché dans une rue piétonne, Worldart valorise l’art urbain exécuté par des locaux. Les collectionneurs de street art trouveront sûrement leur bonheur.
Eclectica Contemporary valorise l’art africain à travers le monde. Dans son espace, le sculpteur Cobus Haupt dévoile sa vision contemporaine de la sculpture tribale. Ses créations en bronze combinent histoire, culture populaire et traditions. Le peintre Loyiso Mkize, venu du roman graphique, se dit fasciné par les visages, leurs textures et leurs nuances. Il s’est naturellement tourné vers le portrait peint pour sonder l’âme et l’esprit de ses contemporains. Chaque portrait joue avec une réalité à plusieurs niveaux. Résolument surréalistes, les compositions du photographe Kyu Sang Lee reflètent ses origines. Né à Séoul mais établi au Cap dès 2005, il conjugue influences orientales, occidentales et africaines. Ses photographies transmettent ses réflexions sur le temps et la destinée.