Art égéen
Plusieurs cultures se sont développées en mer Égée dès le Néolithique, à partir de 7000 avant notre ère. Ces productions artistiques ont fortement influencé l’art occidental durant deux millénaires. Citons pour l’art moderne les figures longilignes de Giacometti et les visages ovales de Brancusi.
Les trois grandes civilisations qui se sont succédé ont donné leur nom aux trois grandes périodes de l’Antiquité : cycladique, minoenne et mycénienne. La culture hellénique a ensuite traversé une période de stagnation, qualifiée « d’âge sombre ».
Art cycladique
Au IIIe millénaire avant J.-C., dès l’âge du bronze, la civilisation cycladique s’épanouit. Elle précède de peu la civilisation minoenne en Crète. Les habitants des Cyclades sont d’excellents marins et d’habiles commerçants, et comptent des artisans de talent, notamment des potiers et des sculpteurs.
Des statuettes en pierre datant de cette époque sont retrouvées dans les tombes avec des vases. De forme schématisée, elles sont plates, et parfois colorées à l’aide de pigments. La féminité est signifiée par une entaille. Le musée archéologique de Naxos converse dans sa collection préhistorique de rares statuettes cycladiques.
Au fil des siècles, les idoles cycladiques posent les jalons du canon de la représentation humaine. Ces figures féminines géométriques, aux bras repliés, peuvent mesurer 1,50 m. On ignore à ce jour leur fonction. La sculpture évoluera vers le Kouros, la traditionnelle statue de jeune homme de la période archaïque.
Cultures minoenne et mycénienne
Centré sur la Crète, l’art minoen est à l’origine d’un style dont l’influence reste incontestable. Le Grand Palais de Cnossos, aux fameuses fresques naturalistes, a fortement marqué son époque. Tristement, un tremblement de terre a ravagé l’île. Mais les peintures du palais, tout comme les motifs qui ornent les poteries, révèlent une forte proximité avec la nature. Oiseaux, plantes, poissons dominent les représentations. On trouve également des scènes de la vie courante et des moments de divertissement au palais. Ces témoignages sont les premières œuvres à caractère documentaire, en ce qu’elles inscrivent un mode de vie dans l’histoire. De même, la sculpture suit des codes naturalistes. Le chef-d’œuvre de cette période, le Palaikastro Kouros (environ 1450 av. J.-C.), est conservé en Crète, au Musée archéologique de Sitia.
Suite à la destruction de l’île, le Péloponnèse s’érige en centre créatif, autour de la civilisation guerrière des Mycéniens. Les motifs peints sur les céramique continuent de s’inspirer de la faune et de la flore. Cependant, le style tend à perdre en finesse. Apparaissent alors des scènes de combat et de chasse.
A l’époque mycénienne, l’île de Céphalonie semble avoir été particulièrement florissante. Le Musée archéologique d’Argostoli conserve des poteries préhistoriques et romaines, entre autres vestiges.
Antiquité grecque
Comprise entre le XIIIe et le Ier siècle avant J.-C., la période de l’art de la Grèce antique se termine avec l’Empire romain. Notons toutefois que l’art romain s’inspire librement des canons grecs. La culture de la Grèce Antique exerce une influence considérable partout dans le monde, et de nos jours encore. Divisé en périodes archaïque, classique et hellénistique, ce pan de l’art grec touche la sculpture et l’architecture, mais aussi la peinture, considéré comme l’art noble. Le peintre Polygnote de Thassos, au Ve siècle av. J.-C., était fameux en son temps. Le support le plus employé étant le bois, il reste peu de peintures de cette époque. Exceptions notables, les fresques qui ornent les temples et les villas privées et, bien sûr, la céramique. Le Musée archéologique de Thassos abrite une collection unique, couvrant la création régionale antique du VIIe siècle avant J.-C. au VIIe siècle après J.-C à travers 1 700 pièces : céramiques, sculptures, monnaies et statuettes. Dès l’entrée, le Kouros se dresse sur une hauteur de 3,50 mètres. Ce Kouros (ou jeune homme), sculpté voilà 26 siècles, est l’un des premiers exemples de sculpture hellénique. La sculpture est sans doute le domaine artistique le plus représentatif de l’Antiquité gréco-romaine. Son évolution est mue par une quête du beau dans la représentation du corps humain. Parmi les nombreux bustes à admirer à Thassos, la tête de Pan, un Pégase ou encore l’empereur Adrien mis au jour dans l’Agora voisine du musée.
Le Musée Archéologique de Mykonos invite à découvrir le riche passé de l’île à travers sa collection d’objets trouvés sur les sites archéologiques, allant de la Préhistoire à la période hellénistique.
Les mythes et croyances sont au cœur de toutes les formes d’expression. Les sites sacrés sont incontournables sur les îles. Le Grand Sanctuaire d’Apollon à Délos, lieu de culte dédié au dieu de la beauté, abrite des vestiges de plusieurs époques. Les îles du nord de la mer Égée sont auréolées de mythes. À Samothrace, le sanctuaire des Grands Dieux (Megaloi Theoi) honore Megali Mitera (Mère Suprême) ; le Musée Archéologique de Samothrace conserve une réplique de la célèbre Victoire de Samothrace (IIe siècle avant J.-C.). L’original de la gigantesque déesse aux ailes déployées se trouve au Louvre.
Sculpture grecque
La représentation du corps humain a très tôt était considérée par les Grecs comme un aspect fondamental de la pratique artistique. Nombre de sculptures grecques parvenues jusqu’à nous sont en réalité des copies réalisées par les Romains. Les dieux grecs ayant une apparence humaine, le corps relève autant du registre profane que sacré. L’homme nu représenté debout, le kouros, est courant à la période archaïque. Son pendant féminin, la korê, devait être habillé.
Dès la période archaïque, les sculptures ne sont pas conçues comme des œuvres d’art, mais comme un idéal de beauté. Elles servent d’offrandes dans les tombes et sur les sites sacrés, temples et sanctuaires. C’est pourquoi autant de sculptures sont retrouvées lors de fouilles menées sur ces sites.
Fresques
La peinture, qu’elle recouvre des panneaux de bois ou des murs, était portée en haute estime par les Grecs. Les tombes anciennes ne cessent de dévoiler des peintures. La peinture orne la céramique, la sculpture, les murs des habitations, des lieux sacrés et des commerces. En plus de leurs qualités esthétiques, les fresques montrant des figures humaines ont pour fonction de raconter, mais aussi de rappeler les valeurs collectives.
L’un des lieux les plus étonnants à visiter dans les îles est la le site archéologique d’Akrotiri à Santorin. La ville minoenne, engloutie par un séisme en 1627 av. J.-C., a révélé une profusion de fresques éclatantes. Presque tous les bâtiments de la ville en étaient ornés. Le lien particulier que la population entretient avec la mer est illustré en abondance, à travers des paysages marins et des poissons. La faune terrestre est aussi très présente, parmi des motifs géométriques variés. Citons la Fresque du Pêcheur, des Boxeurs, du Papyrus et la Procession nautique.
Peinture et céramique
Les amphores constituent un support favorable à l’essor de la peinture. L’art de la céramique, en raison de ses utilisations, est indissociable des échanges commerciaux. L’évolution des décors peints suit plusieurs périodes : géométrique, orientalisant, corinthien (figures noires), archaïque (figures rouges). La période classique, influencée par la sculpture, fusionne avec les productions du sud de l’Italie.
La période hellénistique, dans les premiers siècles de notre ère, voit fleurir les grandes peintures murales. Certaines frises se déroulent sur des tombeaux. D’un raffinement et d’une maîtrise extraordinaire, ces peintures polychromes illustrent les grands mythes.
Influence byzantine
Après la chute de l’Empire romain, son territoire est divisé au début du IVe siècle. La Grèce actuelle est intégrée à l’Empire byzantin. Durant mille ans, la langue de l’Empire byzantin est le grec et la religion, le christianisme. C’est ainsi que fleurissent des églises dans les îles grecques.
Chios abrite d’exceptionnelles vestiges byzantins. Ses plus célèbres mosaïques sont visibles au Monastère de Néa Moni, construit en 1024. Dans l’église, les mosaïques du catholicon sont symboliques de l’apogée de l’Empire byzantin. Sur les 87 compositions d’origine, 59 nous sont parvenues et ont été classées sur la liste du Patrimoine culturel mondial. Dans le réfectoire des moines, une table d’une dizaine de mètres présente sur toute sa longueur des mosaïques originales. Le Musée byzantin de Chios, situé dans une mosquée ottomane (Mecidiye Mosque), abrite aussi des fresques plus récentes, provenant d’églises locales, comme celle des Trois filles endormies, peinte par Michael Chomatzas (1734 ) pour l’église Panaghia Krena.
De nombreux artistes byzantins fuyant les Ottomans élisent domicile en Crète. Ils apportent avec eux la tradition de Constantinople. A ce titre, signalons la Collection byzantine et post-byzantine de La Canée. On retrouve ici des fresques issues d’églises, mais aussi une mosaïque qui ornait le sol d’une basilique du VIe siècle, et de magnifiques icônes, comme celle d’un saint Georges à cheval du XVIIe siècle.
Après une période de sommeil, la tradition byzantine renaît dans les dernières années de l’occupation vénitienne. Cette période qualifiée de Renaissance crétoise découle de la Renaissance italienne.
A Corfou, l’église de la Sainte-Mère de Dieu Antivouniotissa, datée du XVe siècle, est l’un des lieux les plus anciens et passionnants de l’île. Elle abrite le Musée d’art byzantin Antivouniotissa, qui conserve des tableaux des écoles crétoises et des premières écoles de Corfou. Deux figures à retenir : Michael Damaskinos (1530/1535-1592/1593) et Emmanuel Tzanes (1610-1690). Comme nombre des peintres de son siècle, Damaskinos se forme à Venise et séjourne longuement en Italie. Ce Crétois contemporain du Greco, initié à la miniature, s’impose comme le maître de l’icône. Malgré la codification de cet art qui régit les sujets, les formes quelque peu rigides, les couleurs, l’énergie de Damaskinos saute aux yeux. Le mouvement qu’il confère à ses scènes tranche avec le hiératisme des représentations traditionnelles. L’emploi du rose compte parmi ses apports, ainsi que l’introduction des tons chair. Damaskinos travaille de longues années dans les îles ioniennes. Les caractéristiques stylistiques de son art exercent une vive influence dès le XVIe siècle. Les œuvres de ses disciplines sont exposées à la Pinacothèque Municipale de Corfou, le lieu idéal pour se familiariser avec l’art byzantin et la peinture d’influence vénitienne de Corfou.
Le peintre d’icônes crétois Emmanuel Tzanes est l’un des artistes les plus éminents de son temps. Particulièrement actif à Venise, il se réfugie à Corfou durant le Siège de 1646. Son art propose une somptueuse fusion des codes italiens de la Renaissance et de l’art de l’icône.
El Greco
Domenikos Theotokopoulos, dit El Greco (1541-1614), est né près d’Héraklion, en Crète. Il profite de l’enseignement de Damaskinos, avant de séjourner quelques années à Venise, puis dans toute l’Italie où il bénéficie de l’influence de Bassano et du Tintoret, pour ensuite travailler dans l’atelier du Titien.
Il prend en 1577 la direction de Tolède où il s’impose comme l’un des plus grands artistes du baroque espagnol. Son style se caractérise par l’allongement des figures, l’étrangeté de l’éclairage, l’irréalité de la composition et le mysticisme. Les œuvres qu'El Greco a pu peindre en Crète étaient inconnues jusqu’à la découverte en 1983, dans l’église d’Ermoupolis à Syros, d’une icône signée de sa main. Byzantine par son thème (la Vierge) et la disposition générale des personnages, cette peinture préfigure l’influence de la Renaissance dans ses motifs décoratifs. Au musée historique d’Héraklion est exposée sa Vue du mont Sinaï et du monastère. Un jardin dans le centre-ville porte son nom. Dans toute la Crète, de très nombreux lieux, hôtels ou restaurants portent le nom du Greco. Le musée El Greco est installé dans la maisonnette où le maître vécut, en face de l’église byzantine de Panagia qui l’a tant inspiré.
Moderne et contemporain
Ami des plus grands talents du début du XXe siècle, Stratis Eleftheriadis, dit Tériade, voit le jour sur l’île de Lesbos, à Mytilène en 1897. Tériade s’envole pour Paris à 18 ans avec l’intention de fonder une maison d’édition qu’il nommera Verve. Il publie une revue, puis des ouvrages illustrés qui associent un poète à un artiste. C’est ainsi qu’il fait appel à Bonnard, Matisse, Braque, Picasso, Chagall, Fernand Léger ou encore Joan Miró. De nos jours, le Musée Tériade accueille du public dans sa ville natale.
La douceur de vivre, la lumière et les couleurs des îles grecques attirent les artistes de tous horizons. La plupart des îles possèdent au moins une galerie d’art. Ces galeries d’art contemporain offrent un précieux tremplin aux artistes grecs qui aspirent à une carrière internationale.
Officiellement interdit en Grèce, le street-art s’épanouit en Crète, à La Canée. La fresque, tradition picturale héritée de la culture byzantine, s’intègre en douceur sur l’île. Pour preuve, Héraklion a lancé un festival de street-art en 2016.
Aux antipodes des graffitis contestataires, les artistes des rues entretiennent avec l’environnement naturel une relation symbiotique appréciable. Avec humour et talent, ils font écho à la beauté de l’île.
Le Musée d’art contemporain de Crète, à Rethymnon, s’est établi sous le fort vénitien et le musée archéologique. Le lieu a fusionné avec la galerie dédiée au peintre Lefteris Kanakakis et le Centre d’art contemporain. Les 600 œuvres d’art grec de la collection permanente couvrent la période de 1950 à nos jours, de l’abstraction à la création numérique.