Brèves origines du cinéma de Grèce

Même si le cinéma grec n’a acquis ses lettres de noblesse que dans la seconde moitié du XXe siècle, il est tout à fait intéressant de remonter jusqu’à ses origines, mêlée à l’histoire des Balkans. En effet, c’est dans la Macédoine que l’on peut chercher les premières occurrences cinématographiques de la région. Dès 1905, les frères Yanaki et Milton Manaki réalisent ce qui est aujourd’hui reconnu comme le premier film de l’histoire tourné dans les Balkans. Grand-mère Despina, une captation de soixante secondes mettant en scène la grand-mère des cinéastes alors supposément âgée de 114 ans, est aujourd’hui conservé précieusement à la Cinémathèque de Macédoine. Les frères Manaki poursuivront quant à eux leur travail de photographie et de documentation pendant près de cinquante ans, laissant derrière eux des milliers de mètres de pellicule. Ils sont considérés comme les pères du cinéma en Macédoine, et ont influencé de nombreux réalisateurs et producteurs en Grèce pendant toute la première moitié du XXe siècle. Leurs films, disponibles en ligne gratuitement, sont une porte ouverte incroyable vers le passé de la région.

C’est également à cette époque que, dans le contexte des Jeux olympiques intercalaires de 1906, sont tournées les premières images cinématographiques en Grèce, et qu’ouvre la première salle de cinéma à Athènes.

Il faudra cependant attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 1950 pour que le cinéma grec connaisse un « âge d’or », même si celui-ci est déjà reconnu en 1944 à l’occasion des Oscars, qui récompensent l’actrice Katina Paxinou pour son rôle dans Pour qui sonne le glas, classique du cinéma hollywoodien. À cette période, le nombre de productions augmente, et les talents se révèlent, avec comme premier moment marquant la projection de Stella, du réalisateur chypriote Michael Cacoyannis, en 1955. Un réalisateur qui deviendra célèbre avec Zorba le grec, grand succès critique et commercial des années 1960. En parallèle, la réalisatrice Maria Plyta débute une carrière qui durera plusieurs décennies. Avec plus d’une vingtaine de films à son actif, cette cinéaste réussit à s’imposer dans l’univers très masculin du cinéma grec, et ses productions dévoilent un autre pan de la société de l’époque. 1960 marque également la tenue du premier festival de cinéma à Thessalonique, événement qui a fêté en 2023 sa soixante-quatrième édition. Neuf ans plus tard, le réalisateur gréco-français Costa Gavras remporte le prix du jury à Cannes avec Z, un thriller politique fustigeant le régime grec. Une œuvre puissante qui s’exportera de l’autre côté de l’Atlantique, remportant à la fois le Golden Globe et l’Oscar du meilleur film étranger en 1970.

Essor du cinéma grec contemporain

Dans la seconde moitié du XXe siècle, la Grèce se développe comme vivier de cinéastes indépendants. Une initiative soutenue dès les années 1980 par la nouvelle ministre de la Culture Melina Mercouri, ancienne star du cinéma grec et hollywoodien. En 1998, Theo Angelopoulos remporte la Palme d’Or au Festival de Cannes avec L'Éternité et un jour, salué par un jury présidé par Martin Scorsese. Malheureusement, ces succès critiques ne se traduisent pas forcément par une popularité auprès du public national, dans un marché très concurrentiel dominé par les productions hollywoodiennes. Il faudra attendre le tournant du siècle pour que des comédies ou des films plus populaires fassent leur apparition sur les écrans grecs, amenant à de très grands succès au box-office. Parmi ceux-ci, on peut citer Un ciel épicé de Tassos Boulmetis (2003), ou encore El Greco, du cinéaste Yannis Smaragdis (2007), biopic consacré au célèbre peintre du même nom.

Dans les années 2010, le cinéma grec regagne en popularité à l’étranger grâce aux cinéastes de ce que l’on appelle désormais la « Weird Wave », avec en tête Yórgos Lánthimos. Un cinéma « bizarre » où l’absurde, la contemplation et les personnages en perdition se côtoient et s’entrechoquent dans leur quête existentialiste. Un style cinématographique bien particulier que le réalisateur exportera jusqu’à Hollywood avec The Lobster (2015), ou tout récemment avec Pauvres Créatures (2023), mettant en scène Emma Stone, Mark Ruffalo ou encore Willem Dafoe.

Autre figure de proue de ce mouvement, la réalisatrice et productrice Athina Rachel Tsangari – qui co-produit les trois premiers films de Lánthimos – tourne courts et longs métrages dans les années 2000, tout en jouant quelques rôles au cinéma, notamment avec Richard Linklater. Un cinéaste qui, comme de nombreux autres, choisira les paysages idylliques des îles grecques pour de nombreux tournages.

Des canons de Navarone à Mammia Mia, tournages marquants des îles grecques

Si l’on pense bien évidemment à la célèbre comédie musicale Mamma Mia !, nombreux sont les films – grecs ou internationaux – qui ont fait halte sur les plages de sable fin des îles grecques. Dès 1957, Hollywood part à la conquête de la région avec Ombres sous la mer de Jean Negulesco. Premier film en anglais de l’actrice Sophia Loren, elle y crève littéralement l’écran. Un film qui la propulsera vers le statut de star, l’une des plus grandes icônes de la décennie. Dans ce film, vous reconnaîtrez les îles du golfe Saronique, avec Hydra dans le rôle principal de cette fiction où romance et réflexion sur le patrimoine archéologique grec se mélangent habilement. Poros et les îles Égéennes apparaissent également parmi les pépites de ce film captivant. Autre production hollywoodienne tout aussi captivante, Les Canons de Navarone reste l’un des films de guerre les plus marquants des années 1960. Ici, c’est Rhodes et son port qui sont à l’honneur, et plus particulièrement la baie de Ladiko, à vingt kilomètres au sud de la ville, où vous découvrirez la splendide Anthony Quinn Beach, du nom de la star hollywoodienne faisant partie des rôles titres de ce chef-d'œuvre du septième art américain. Un film qui met également en scène David Niven et Gregory Peck, un casting cinq étoiles pour un grand moment de cinéma.

Vingt-sept ans plus tard, c’est au tour du cinéma français de s’inviter en Grèce, et plus précisément Luc Besson avec son film Le Grand Bleu (1988). Un film qui nous emmène tout autour de la Méditerranée, et notamment le long des côtes des îles de Ios et d’Amorgos, et dans la baie de Kalotaritissa, et qui inaugure la collaboration entre le cinéaste et l’un de ses acteurs fétiches, Jean Reno, révélé par cette œuvre audiovisuelle impressionnante.

Au début des années 2000, l’attrait de la région se fait à nouveau sentir auprès d’Hollywood. Matt Damon et le réalisateur Doug Liman prennent leurs quartiers sur l’île de Mykonos pour le tournage de la scène finale de La Mémoire dans la peau (2002). Le quartier de la petite Venise y est aisément reconnaissable. N’hésitez pas à marcher sur les traces de l’acteur américain, mais évitez les acrobaties en scooter qu’il pratique dans ce thriller d’espionnage, vous pourriez ne pas en ressortir indemne.

Par contre, rien ne vous empêche de vous rendre dans les Sporades et de chanter à tue-tête les tubes de Mamma Mia !, comédie musicale culte de 2008 avec rien de moins que Meryl Streep, Amanda Seyfried, Pierce Brosnan, Colin Firth ou encore Stellan Skarsgård au casting. Si le film n’a aucuns secrets pour vous, sachez que son tournage a principalement eu lieu sur les îles de Skópelos et de Skhiatos. La fameuse chapelle où est censé être célébré le mariage iconique existe réellement : il s’agit de la chapelle Agios Ioannis, mais dont l’escalier d’accès risque de vous faire pâlir avant même l’ascension. Attention par ailleurs : depuis la sortie du film, les îles sont devenues des destinations très touristiques. Si vous souhaitez vous y rendre, pensez à réserver bien à l’avance votre « Mamma Mia Experience ». Ou peut-être préférez-vous éviter les foules, et simplement revivre le film depuis votre chambre d’hôtel, loin des flux de fans.

On vous le disait, Richard Linklater (réalisateur de Boyhood, mais aussi de bien d’autres pépites du cinéma indépendant américain) s’est entiché de la Grèce. Et c’est là qu’il tourne une bonne partie de Before Midnight (2013), troisième volet de sa trilogie initiée avec Before Sunrise (1995) et Before Sunset (2004). Une expérience cinématographique impressionnante, puisqu’elle met en scène Ethan Hawke et Julie Delpy à trois époques de leur vie différentes, incarnant les mêmes personnages. C’est toutefois du côté de Pylos que vous pourrez retrouver les décors de ce film, que l’on ne peut que vous recommander parmi les films tournés dans les paysages sublimes de la Grèce d’aujourd’hui.

Dernière étape de notre périple cinématographique, le tout récent Les Cyclades du réalisateur français Marc Fitoussi (2022). Une escapade en trio portée par Laure Calamy, Olivia Côte et Kristin Scott Thomas, le film parfait pour vous emporter sur le chemin des vacances, sur les côtes de l’éternel paradis d’Amorgos.

Où voir du cinéma dans les îles grecques ?

Si les multiplexes se cantonnent aux grandes îles, vous pourrez néanmoins retrouver des écrans sur la plupart des îles de la région, de Mikonos à Paros en passant par Amorgos et bien d’autres. Sur l’île de Patmos, le Aegean International Film Festival vous donne rendez-vous chaque année au mois de juillet, tout en se déclinant également en version itinérante au travers de la mer Égée. Et que serait les vacances d’un cinéphile en Grèce sans les nombreux cinémas en plein air qui fleurissent sur les îles pendant l’été ? Sur Paros, rendez-vous au Cine Enastron, qui prend ses quartiers dans le Parc principal de Naoussa. Sur Santorin, le Cine Kamari prend place dans le village du même nom, un lieu paradisiaque où l’on vous offrira même une petite couverture pour survivre aux nuits les plus fraîches de la saison. Selon l’île où vous séjournez, renseignez-vous ! Le cinéma se déguste en Grèce été comme hiver, dès que le soleil est couché.