MUSÉE FRANCISCAIN ET GALERIE GORICA

Situé dans le monastère catholique de Gorica, ce musée (Franjevački Muzej i Galerija Gorica) est le plus beau du pays. Certes, il ne peut rivaliser avec le fonds du Musée national, à Sarajevo. Mais il dispose d’une présentation nettement plus moderne. Ses collections sont variées et parfois très pointues, notamment celles d’archéologie, d’ethnographie et d’armes anciennes. L’institution a été créée en 1995 en regroupant les fonds du monastère et de l’ancien musée régional qui portait le nom de Hasan Brkić (1913-1965), natif de Livno et qui fut un important partisan et dirigeant de la Bosnie-Herzégovine durant la période socialiste.

Archéologie. La pièce maîtresse du musée est exposée dans un espace à part. Il s’agit du plus ancien et du plus grand textile en laine conservé en Europe : un « manteau » de 3 m de longueur et de 1,7 m de largeur découvert dans un tumulus du poljé de Krupes en 1984. Il date du XIV^e siècle av. J.-C. Les 596 fragments qui le composent ont été reconstitués en 2013 dans le cadre d’un projet européen dans un laboratoire à Zagreb. L’analyse a permis de déterminer que les fibres proviennent de poils de moutons sauvages ou de mouflons des Balkans domestiqués. L’exposition se poursuit dans une salle de 350 m² où est tout d’abord présenté le « cercueil » en bois dans lequel fut mis au jour un défunt revêtu du fameux « manteau ». S’ensuit une belle présentation à la fois chronologique et thématique : poteries du néolithique, objets funéraires de la culture dalmate, stèles, armes et fragments d’églises paléochrétiennes de la période romaine, pointe de flèche des Avars, arrivés des steppes d’Asie au VI^e siècle. Tout est exposé avec soin et clarté. On tique toutefois quant à un raccourci peu scientifique concernant l’arrivée des « Croates » dans la région au VII^e siècle : la différenciation entre les peuples slaves du Sud (Croates, Serbes, Bosniens…) ne commence en fait que deux siècles plus tard. Les objets médiévaux n’en demeurent pas moins magnifiques : bas-reliefs d’églises, bijoux, armes, mais aussi de nouveaux fragments de vêtements. Ces derniers ne datent « que » du XIV^e siècle de notre ère. Ils n’en sont pas moins rares. Ils proviennent de l’ancien monastère franciscain Saint-Jean de Livno disparu pendant l’ère ottomane.

Ethnographie. Cette collection est l’une des plus riches des Balkans avec environ 5 000 objets du XVI^e au XX^e siècle provenant de l’ancien musée Hasan-Brkić ou collectés depuis des décennies par les moines franciscains dans les environs. Elle présente aussi bien de riches costumes et bijoux que des objets du quotidien de familles de toutes confessions. Les broderies des vêtements sont superbes. Il est tout à l’honneur de ce musée « catholique » et « croate » de pointer les similarités entre communautés. Par exemple, à l’exception de quelques croix pendentives, les bijoux étaient semblables pour les femmes musulmanes, catholiques et orthodoxes de Livno.

Numismatique. La plus ancienne pièce de monnaie est ici un didrachme d’argent émis au IV^e ou au III^e siècle avant notre ère par les Ausones, peuple italique de la cité de Calès, aujourd’hui Calvi, en Italie du Sud. On retrouve aussi un tétradrachme celtique, mais surtout des drachmes d’Apollonie d’Illyrie, grande cité grecque de l’actuelle Albanie, qui entretenait des liens étroits avec les Dalmates. Le reste de la collection voit se succéder des monnaies romaines et byzantines, puis celles des souverains bosniens, croates et hongrois qui ont régné sur la région. Surprise : aucun akçe, piastre ou sultani ottoman n’est exposé, alors que c’est le cas pour des ducats vénitiens et des grossos ragusains.

Art militaire. Livno fut une importante place militaire ottomane, avec jusqu’à 2 000 hommes en armes répartis entre la forteresse et la ville elle-même. Ce qui explique la présence d’un vaste éventail de yatagans. Cette lame ottomane recourbée était utilisée aussi bien comme sabre que comme baïonnette une fois fixée au canon d’un fusil. Certains sont superbement ouvragés. Toujours parmi les armes de la période ottomane, le musée conserve des kilijs, des pistolets albanais, un fusil dalmate, une épée polonaise à tête de loup, une masse, un marteau de guerre, ou encore un cimeterre, sabre courbe d’origine persane, portant ici une inscription en arabe en or indiquant qu’elle devait appartenir à un officier. S’ensuit une collection d’armes à feu utilisées par les belligérants durant les deux conflits mondiaux, provenant d’Italie, d’Allemagne, de Slovaquie, du Royaume-Uni, des États-Unis et d'URSS.

Galerie d’art. Très pauvre en œuvres anciennes – quelques tableaux religieux pseudobaroques du XIX^e siècle –, cette galerie fourmille en revanche de créations modernes, pour certaines très intéressantes. Une grande partie de la collection est composée de travaux réalisés par le peintre Gabrijel Jurkić (1886-1974), natif de Livno et qui passa les dix-huit dernières années de sa vie ici, au monastère, avec son épouse. Ses sobres paysages d’hiver de la région sont assez touchants. Pour le reste, c’est plus discutable. Collectionneurs d’art depuis les années 1950, les moines de Livno ont aussi acquis des œuvres très contemporaines comme une représentation de la Cène de l’artiste bosno-croate Vlatko Blažanović (né en 1953) ou cette Bête du sculpteur bosno-slovène Jakov Brdar (né en 1949).