MOSQUÉE HADUM

Construit entre 1575 et 1595, ce monument (Xhamia e Hadumit, Hadum džamija) constitue l’épicentre de la ville. C’est la plus ancienne et plus prestigieuse mosquée de Gjakova/Đakovica. La mosquée Hadum est aussi le seul grand bâtiment de la période ottomane à avoir partiellement survécu aux destructions de mars 1999. C'est ce qui en fait toute la valeur. Mais à force de modifications, de dégradations et de reconstructions, l’édifice conçu par Mimar Sinan a perdu beaucoup de son authenticité.

Histoire

Principal centre de diffusion de l’islam dans la région, la mosquée a été créée par deux hauts fonctionnaires de l’Empire ottoman. Après quatre siècles sans encombre, sa quasi-destruction en 1999 en a fait un symbole international pour la protection du patrimoine culturel et religieux.

Commanditaire et architecte. Le commanditaire de l’édifice est Hadum Soliman Aǧa Bizeban. En 1582, celui-ci fut le premier Darüssaade aǧası (chef des eunuques du harem impérial) de l’Empire ottoman. Cette fonction assura une certaine aisance financière à cet Albanais natif de Guska (6 km au sud-ouest). Pour ériger la mosquée, Hadum (« serviteur » ou « eunuque » en turc) fit appel, vers 1575, au plus grand artiste de l’histoire ottomane : Mimar Sinan (1489-1588), architecte en chef des sultans et concepteur d’environ quatre cents édifices. Pas certain toutefois que le vieux mimar (« architecte » en turc) soit venu superviser les travaux sur place. Il n’en a de toute façon pas vu la fin. Pour des raisons qu’on ignore, le chantier dura deux décennies et fut achevé six ans après sa mort.

Style. Alors que le reste du complexe était influencé par l’architecture locale, c’est le style ottoman « classique » qui fut adopté pour la mosquée elle-même. Le soin apporté au décor et la gamme de matériaux utilisés démontrent également un certain raffinement. Toutefois, s’il s’agit bien d’une des plus belles mosquées du Kosovo, celle-ci n’a en rien la grandeur ni la puissance des autres bâtiments conçus par Sinan, comme la mosquée Süleymaniye d’Istanbul ou la mosquée Selimiye d’Edirne, pour ne citer qu’elles.

Transformations. La mosquée a été transformée en 1842, en particulier avec l’ajout d’un porche d’inspiration arabo-andalouse. Mais le reste du bâtiment a passé les siècles sans encombre. Classé « monument culturel d'importance exceptionnelle » par la Serbie en 1955, la mosquée a été entièrement rénovée en 1968. Mais trente ans plus tard, les forces serbes la prirent pour cible dès le début de l’intervention aérienne de l’Otan, le 24 mars 1999. Le porche fut incendié et le minaret décapité à l’arme lourde. En tombant, le haut du minaret causa la perte de la précieuse bibliothèque islamique située à côté. En fait, la quasi-totalité du complexe fut détruit, et seul l’intérieur de la mosquée fut relativement épargné.

Droit international et rénovation. Parmi les 225 mosquées détruites ou endommagées durant la guerre du Kosovo, celle-ci devint un symbole. Le 26 mars 1999, deux jours après l’attaque de la mosquée Hadum, un protocole additionnel à la convention de La Haye fut créé pour renforcer la protection des biens culturels en cas de conflit. C’est sur le cas particulier de cette mosquée, que le président serbe Slobodan Milošević eut à répondre devant le Tribunal international de La Haye, le 9 avril 2002. Le chantier de reconstruction et de rénovation commença, lui, en l’an 2000 sous la direction de l’Arabie saoudite. En 2003, deux associations britannique et américaine prirent le relais. La mosquée et son nouveau complexe furent achevés en octobre 2005, à l’exception de la bibliothèque, ajoutée en 2016.

Visite

Le complexe comprend la mosquée ainsi qu’une école islamique (medersa), une fontaine pour les ablutions, un cimetière et une bibliothèque.

Architecture. Orientée au sud-est en direction de La Mecque, elle est précédée d’un porche surmonté de trois dômes. Celui-ci abrite la porte en bois, particulièrement décorée. Les murs de pierre mesurent plus de 1 m d’épaisseur. Le minaret, haut de 31 m, se dresse à droite de la mosquée. À l’intérieur, huit piliers supportent de larges demi-coupoles. Le dôme central mesure 13,50 m de diamètre et s’élève à 12,60 m au-dessus du sol. Onze fenêtres, réparties à raison de trois par côté, sauf pour la façade qui n’en compte que deux, apportent de la lumière à la salle de prière. Tous les dômes sont couverts de plomb.

Décors. Complètement refaits en 2000-2005, les décors intérieurs sont particulièrement riches. Le vert et, surtout, le bleu dominent la palette utilisée pour réaliser ces fresques de style albano-ottoman : motifs floraux, cyprès, deux grandes mosquées ottomanes, motifs géométriques, arabesques et calligraphies de versets du Coran. Une attention particulière a été apportée à l’acoustique. Les murs supérieurs sont perforés de petits trous. Chacun de ces trous est relié à un petit tube circulant dans le mur et permettant aux sons une diffusion optimale.

Mobilier. Le mihrab, visible face à l’entrée, est finement sculpté et décoré. À droite de celui-ci, le minbar, utilisé lors du prêche de la grande prière du vendredi, est orné de décors en bois sculptés et peints. Le balcon, ou mahfili en turc, est construit en bois et repose sur des piliers en bois peints de motifs géométriques. Réservé aux femmes, il dispose d’une entrée séparée depuis l’escalier du minaret. Le jardin abrite des tombes anciennes dont les pierres gravées sont particulièrement belles. Sur le côté droit, se trouve la nouvelle bibliothèque.