La double vie de Cracovie

Le cinéma polonais fait partie des précurseurs de l'histoire du cinéma, et ce dès l'invention du Pleograf par Kazimierz Prószyński en 1894. Quelques mois à peine avant la première projection des frères Lumière, ce varsovien d'origine lance l'industrie cinématographique de son pays avec un appareil de prise de vue et de projection qui fait aujourd'hui partie des ancêtres du cinéma. Celui-ci n'arrivera cependant pas à concurrencer l'appareil des frères Lumière, et sa commercialisation sera arrêtée dès 1903. C'est d'ailleurs avec un cinématographe Lumière que fut réalisée la première projection publique de cinéma polonaise, plus précisément au Théâtre Julius-Słowacki, à Cracovie, le 14 novembre 1896. Après l'armistice en 1945, la cité verra la création d'un institut cinématographique, mais dont l'activité s'arrêtera dès 1947 au profit d'une nouvelle école de cinéma, installée à Łódź.

Dans les années soixante-dix, Cracovie sera le décor du film L'homme de marbre (1977), du grand cinéaste polonais Andrzej Wajda. Racontant l'histoire d'un maçon ayant participé à la construction de Nowa Huta, une « cité idéale » communiste, aujourd'hui englobée comme un quartier de Cracovie. En vous promenant dans ces rues rectilignes, vous pourrez vous replonger dans l'atmosphère très particulière de cette époque et de ce film, mélangeant images d'archives et reconstitution, pour un drame impressionnant. Deux ans plus tard, c'est au tour de Krzysztof Kieslowski de capter la vie de la cité dans Amator (1979), une fiction où un travailleur s'achète une caméra avec l'intention de filmer les premiers jours de son enfant, avant de se retrouver à dénoncer la censure du régime. Le cinéaste reviendra en 1991 pour ce qui est sans doute son film le plus célèbre, La double vie de Véronique (1991) avec la comédienne française Irène Jacob. Les histoires de deux femmes, l'une polonaise, l'autre française, dont les vies sont intrinsèquement liées. Vous reconnaîtrez aisément la place du marché de Cracovie dans le film, ville où réside Weronika. Dans les années 2000, une nouvelle génération de cinéastes proposera un cinéma plus commercial à destination du public polonais, avide de paysages et de récits auxquels ils peuvent s'attacher. Juliusz Machulski réalise par exemple Vinci (2004), un film comique mettant en scène le vol d'œuvres d'art, entre le Musée des princes Czartoryski, l'Académie des Beaux-Arts et les prestigieux Hotel Grand et Hotel Francuski. Quasi intégralement tourné à Cracovie, le film vous fera voyager entre les quartiers de Nowa Huta, Kazimierz et Planty, à l'instar du – beaucoup plus sérieux – Katyn d'Andrzej Wajda, relatant les terribles massacres perpétrés par les troupes soviétiques en 1940. Une belle façon de visiter la ville sur écran, avant de la découvrir au gré de vos promenades.

De Spielberg à Jim Carrey

De par son histoire récente, Cracovie a été le lieu de tournage de nombreuses productions autour de l'holocauste, dont la principale est sans aucun doute La liste de Schindler, la grande œuvre de Steven Spielberg consacrée à l'histoire d'Oskar Schindler. L'usine d'Oskar Schindler, rue Lipowa, apparaît bien sûr dans le film, ainsi que le tristement célèbre camp d'Auschwitz-Birkenau, non loin de la ville. L'appartement d'Oskar Schindler, rue Straszewskiego, la gare de Kraków Główny, la basilique Mariacka ainsi que le pont Pilsudski constituent certains des lieux les plus marquants utilisés dans le film, qui évolue entre les différents quartiers de Cracovie dont Kazimierz, l'ancien quartier juif. Cette grosse production hollywoodienne, avec Liam Neeson dans le rôle d'Oskar Schindler, a rencontré un succès planétaire qui a grandement bénéficié à la ville. Des itinéraires en lien avec les multiples lieux de tournage seront à récupérer dans les bureaux d'informations du centre-ville, et n'hésitez pas à vous renseigner également lors de votre visite de l'usine Schindler, abritant une exposition permanente sur la ville sous l'Occupation. Autre production – plus mineure – tournée dans la région, Hiver 42 - Au nom des enfants (2001) est un long-métrage américano-polonais du réalisateur Jerzy Bogajewicz. Avec Willem Dafoe et le jeune Haley Joel Osment (plus connu pour ses rôles dans Le sixième sens et Forrest Gump), ce film narre l'histoire d'un jeune enfant juif contraint de se réfugier dans une famille polonaise, en dissimulant le secret de son identité. Malgré un budget conséquent et un casting de renom, le film n'est pas sorti en salles aux États-Unis, et s'est soldé par un échec commercial. Il en va de même pour Dark Murders, autre collaboration entre Hollywood et la Pologne, avec Jim Carrey et Charlotte Gainsbourg. Bâti autour d'un fait divers et de l'enquête qui s'ensuit, le récit n'a su convaincre ni le public ni les journalistes, récoltant des critiques désastreuses à sa sortie. Préférez sans aucun doute les films polonais présentés précédemment, pour élargir vos horizons avec de nouvelles cinématographies.

Les écrans de Cracovie aujourd'hui

Cracovie compte un bon nombre de cinémas, allant du complexe multi-salles au cinéma indépendant à un seul écran en passant par les salles art & essai et les ciné-clubs. Malgré la pandémie, le public reste au rendez-vous, et l'on continue à pouvoir voir des films polonais ou étrangers en version originale, selon le lieu choisi. Du côté du Kijów, vous trouverez un cinéma international et grand public, tandis qu'au Kino Mikro, vous pourrez déguster un repas ou boire un café en découvrant un film d'art & essai ou de cinéma indépendant. Une programmation similaire au Kino Pod Baranami, avec un cachet différent bien sûr. N'hésitez pas à vous renseigner avant votre départ, vous pourriez même voir des films projetés en français dans l'une ou l'autre salle de la ville !

Côté festivals, Cracovie accueille l'un des plus vieux festivals de cinéma d'Europe, le Festival du film de Cracovie. Depuis 1961, celui-ci dédie sa programmation aux courts-métrages, à l'animation et au documentaire, et se déroule chaque année – ou presque – au mois de juin. L'occasion de projections en plein air, d'une belle ambiance festive, et d'un grand rendez-vous pour tous les cinéphiles de Pologne et d'ailleurs. Si vous en faites partie, c'est un événement à ne rater pour rien au monde.