LE BAL DU DIMANCHE AUX COCOTIERS NIGHT CLUB
L'une des institutions de Port Mathurin qui était autrefois en plein air, un lieu où se sont croisées les générations de l'île
Autrefois en plein air, désormais couverte, c'est l'une des institutions de Port Mathurin et notre coup de cœur éternel : un lieu où se sont croisées et se croisent toutes les générations de l'île, toutes les catégories sociales, toutes les familles… et où s’immerger dans le saint des saints de la culture locale. Cent pour cent dans son jus et miraculeusement intouché par le temps qui passe, l’endroit, sous ses allures de salle des fêtes de village, distille une atmosphère vieillotte délicieusement surannée. Admirer la peinture murale côté rue (fresque), passer le seuil, payer son ticket au guichet, traverser la cour et se laisser absorber par la semi-obscurité de la salle et l’ambiance authentiquement décalée qui règne en ce dancing improbable ! En soirée, la musique actuelle prend le pas sur le reggae ou le séga, et l'endroit est plutôt fréquenté par les jeunes qui viennent y partager un bon moment de détente et se défouler entre amis sur des musiques rétro, modernes ou locales.
C'est le dimanche après-midi qu'il faut venir, de 13h à 17h, quand le troisième âge se déchaîne sur des rythmes de séga tambour. Salle un peu étouffante, souvent bondée, orchestre sur scène, banquettes en Skaï disposées autour de la piste centrale traversée de piliers en béton. Les dames sont assises en rangs d'oignons, très élégantes dans leurs beaux habits du dimanche : coiffures soignées, atours choisis, maintien un peu compassé, visages incroyables témoins d’une vie au grand air balayée par les vents et les embruns. Un même souci de la mise se distingue chez la plupart des hommes : sans être généralisé, le costume n'est pas rare ou au moins le pantalon à pinces, et l'on porte parfois un chapeau, comme c'était encore le cas il n'y a pas si longtemps… Quand les notes de l’accordéon et du tambour s'égrènent, les codes sociaux s'affichent : ce geste léger de la main que l'homme esquisse pour inviter une dame, et la valse ou la mazurka qui s'ensuit, cadencée, fièrement accomplie, sans même un échange de paroles, avec ce plaisir simple dans les yeux, et cette fierté dans le regard qui croise celui de l'étranger. C'est l'occasion de vivre un moment sincère, vrai, émouvant de la vie rodriguaise : ce petit bal du dimanche où les voyageurs curieux sont accueillis en hôtes de marque, invités à danser par les anciens, et dont ils repartent comme déracinés, dépaysés, en laissant un bout de leur cœur dans la touffeur d'une salle de bout du monde…