Une biodiversité remarquable et des espaces protégés (parcs nationaux)
Immense territoire, la Sibérie est composée de différents écosystèmes à la biodiversité exceptionnelle : taïga, toundra, montagnes et volcans, banquises et espaces côtiers. Le territoire est couvert à 60 % de forêts (qui représentent 25 % des forêts mondiales) et abrite une des plus importantes zones humides de la planète, les marais de Vassiougan, comprenant des réserves d’eau douce et la plus grande tourbière du monde d’un seul tenant. Le voyageur n’aura que l’embarras du choix pour découvrir la diversité des espaces protégés, et leurs paysages à couper le souffle. La Sibérie compte ainsi de grands parcs nationaux, dont plusieurs situés autour du lac Baïkal. En 2018 le pays a annoncé la création de la plus importante réserve naturelle de Russie, soit 6 milliards d’hectares. Il s’agit de la Réserve naturelle des nouvelles îles sibériennes. Ces espaces associent protection des milieux, recherches scientifiques, mais sont aussi aménagés pour accueillir les touristes, avec des sentiers pour les randonneurs, tels que le Baïkal trail.
Le Parc national Zabaïkalski, situé sur la rive est du lac Baïkal, est aussi un lieu de recherches scientifiques. Il permet de découvrir des milieux très divers dont un patrimoine naturel et culturel tel que les îles Ouchkani, le cap Tourali, ou des sources chaudes.
Le Parc national de Pribaïkalski, situé quant à lui sur la rive ouest du lac Baïkal, comprend les bassins collecteurs d’eau, issus des rivières et un relief montagneux. Là encore, la faune, la flore et les paysages présents sont exceptionnels, de même que les formes géologiques et hydrologiques, tel le Rocher au Chaman sur l’île d’Olkhon. Les sources de la rivière Angara constituent un site d’étape pour des populations d’oiseaux migrateurs. L’île d’Olkhon, accessible au visiteur, est un lieu de nidification pour certaines espèces d’oiseaux. La ligne de train Circum-Baïkal, très prisée des touristes est une manière pittoresque de découvrir une partie du parc.
Le Parc national de la Tounka, à l’ouest du lac Baïkal, est principalement constitué de montagnes, certaines atteignant plus de 3 000 mètres d’altitude. Le paysage qui le compose est celui de la taïga et de la toundra montagnardes, traversé d’ouest en est par la vallée du Tounkinskaïa. Le parc comprend un vaste ensemble de rivières, des lacs d’origines glaciaires ainsi que des sources d’eau chaude minérale.
Le Parc national Alkhanaï. Situé en Sibérie orientale, il abrite le mont Alkhanaï, montagne sacrée pour les Bouriates, les Mongols, les bouddhistes et les chamanes. Lieu de pèlerinage et de quiétude, il accueille également les touristes. Les milieux naturels composent de magnifiques paysages de montagnes, de forêts, cascades et sources. Le parc abrite également des sites culturels.
Le Parc national d’Anyuyski. Situé en Sibérie Orientale, dans une zone peu densément peuplée, il revêt un intérêt écologique important, en tant que continuum entre les montagnes du Sikhote-Alin et la basse plaine, inondable du fleuve Amour. Il constitue une zone humide remarquable, abritant de nombreuses espèces endémiques. Le parc est aussi l’habitat du tigre de l’Amour et d’autres espèces menacées.
On citera également le Parc national de la Bikine, habitat du tigre de Sibérie et le Parc national du Tchikoï, au sud-est du lac Baïkal, qui protège l’écosystème de la rivière Tchikoï. La magnifique et sauvage péninsule du Kamtchatka abrite quant à elle plusieurs espaces protégés, dont le Parc naturel du Kamtchatka du Sud dans l’Extrême-Orient russe et le Parc naturel de Nalytchevo, avec ses sublimes paysages de volcans, mers et montagnes, et ses ours polaires.
Des ressources naturelles exploitées et un lourd passif environnemental
La Sibérie est également un immense réservoir de ressources en eau. À l’image de ce qui s’est passé pour la mer d’Aral, réduite à une portion congrue et sacrifiée à la culture intensive et polluante du coton, les réserves en eau de la Sibérie ont été également utilisées sans parcimonie, contribuant à l’assèchement de certaines zones et tourbières. Quant aux autres ressources naturelles présentes (or, argent, nickel, pétrole, gaz, charbon), elles ont été exploitées sans grande précaution environnementale : on retiendra l’image de gaz brûlés dans de grandes torchères. Tout cela a conduit à l’émission d’effluents toxiques, dans l’air, les sols et l’eau des rivières, des lacs et des mers. Le développement du nucléaire pendant l’ère soviétique a également laissé des déchets d’uranium dont la gestion est parfois déficiente, sans compter les tonnes d’uranium envoyées par la France dans les années 1990 dont une partie pour être enrichie et l’autre stockée à l’air libre en tant que déchets. En effet, selon une enquête parue en 2009, près de 13 % des matières radioactives produites par le parc nucléaire français auraient ainsi transité dans le complexe atomique de Tomsk-7. Plus récemment, en août 2019, une explosion nucléaire sur une base nucléaire à proximité de Nyonoksa a fait huit morts et rejeté des nucléotides dans l’atmosphère. La Russie vient de mettre en service, en décembre 2019, la première centrale nucléaire flottante, l’Akademik Lomonossov, dans les eaux de la péninsule des Tchouktches. Capable de fournir l’électricité d’une ville de 100 000 habitants, faut-il y voir une action concrète en matière de lutte contre le réchauffement climatique ou un potentiel « Tchernobyl flottant » ? Elle devrait en tout cas être reliée début 2020 au réseau de la ville de Pevek.
Feux de forêt et fonte du permafrost : la bombe climatique ?
Le réchauffement climatique est plus marqué en Sibérie que dans le reste du monde. Il a pour conséquence la réduction de la banquise, la fonte du pergélisol, et de grandes sécheresses induisant une plus grande fréquence d’incendies. Selon l’Organisation météorologique mondiale, la température observée en juin 2019 en Sibérie était de dix degrés supérieure à la normale de la période 1981-2010. Celle-ci aurait un lien avec les feux qui ont détruit plus de 15 millions d’hectares d’arbres ce même été 2019 en Sibérie (dans les régions de Krasnoïarsk, Irkoutsk, Yakoutie, Transbaïkalie et Bouriatie). Que dire de la fonte du permafrost (ou pergélisol) ? Ce sol gelé en permanence couvre à peu près 50 % de la Russie, et principalement la Sibérie. Il contient des matières organiques – donc du carbone – piégées pendant le pléistocène (période glaciaire). En fondant, le sol libère du CO2. Exposées à l’air, les matières organiques vont également être dégradées par des bactéries qui vont émettre à la fois du CO2, mais également du méthane, puissant gaz à effet de serre. D’après les scientifiques, la contribution de la fonte du pergélisol au réchauffement climatique pourrait, à l’horizon 2100 devrait être comprise entre +1 et +7 °C. Quand on sait que le permafrost de l’Arctique a déjà commencé à fondre, avec une avance de 70 ans sur les prévisions des experts du GIEC (Groupe d’Expert Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat), et qu’il contient également un immense stock de mercure, il y a quand même sujet à inquiétude. En Sibérie, la fonte du permafrost entraîne déjà des glissements de terrain et des inondations, notamment dans la région de Yakoutie, où les fondations des habitations sont dangereusement menacées. Le pergélisol pourrait aussi libérer des virus oubliés et présenter des risques sanitaires dont l’ampleur demeure encore inconnue. Le décès d’un enfant en Sibérie en 2016 par la maladie du charbon (anthrax) serait lié au dégel d’un cadavre de renne mort de cette maladie…
Des réactions différentes face à la nature et aux risques : entre déni et inquiétude
On est en droit de s’interroger sur les politiques et les actions menées en matière d’environnement dans la région. La Sibérie est une terre encore empreinte de chamanisme, où le respect de la nature est prégnant. Les populations autochtones présentes dans les territoires sibériens dépendent souvent des ressources naturelles pour vivre. On s’étonnera donc que 61 % des Russes affichent un climato-scepticisme. Certains même y voient une aubaine : une augmentation des températures permettrait en effet de rendre des terres jusque-là impropres à la culture, tout simplement cultivables. D’autres, notamment des scientifiques et des associations, œuvrent pour sensibiliser les populations aux menaces du réchauffement climatique, et mettent en place des actions concrètes. Ainsi le géophysicien Sergueï Zimov et son fils Nikita ont-ils créé « Pleistocéne Park », un centre de recherche scientifique associé à la North-East Scientific Station (NESS). L’idée est de recréer l’écosystème du pléistocène, afin de protéger le permafrost. Il s’agit plus précisément de faire disparaître la toundra au profit d’un milieu steppique. Pour ce faire, les scientifiques ont introduit dans le parc des bisons, chevaux et autres herbivores – à défaut de mammouths – afin de transformer la végétation. Le travail de ces animaux : piétiner et se nourrir de la toundra pour favoriser la création de prairies, qui elles, absorbent moins la chaleur du soleil et limiteraient donc la fonte du pergélisol. Au niveau politique, la Russie a signé les accords de Paris, même si dans les faits peu d’actions ont été mises en œuvre, le pays affichant un bilan carbone positif en incluant l’effet « puits de carbone » de ses forêts dans le calcul de ses émissions de gaz à effets de serre. Des efforts restent à mener en terme notamment d’utilisation des énergies fossiles, de qualité de l’air, de gestion des déchets, et de gestion environnementale au sens large des activités industrielles, présentes et passées.