Une production très encadrée
Assurant environ 80 % de la production nationale, les Asturies sont le principal producteur de cidre dans le pays. Il faut dire que dans cette région particulièrement verte, les pommes sont les reines avec plus de 500 variétés recensées sur ses terres. Cependant, seules 76 d'entre elles sont autorisées par l'Appellation d'Origine, qui sont, elles-mêmes, classées en huit catégories, selon l'acidité et la concentration en composés phénoliques. Elles sont cultivées dans toute la Principauté sur près de 930 hectares, notamment autour des villes de Gijón, Villaviciosa, Nava et Siero. On compte au total 758 plantations, réparties entre 358 producteurs. Tout le long de la production est régi par un cahier des charges précis et pointilleux, contrôlé à chaque moment par le Conseil de réglementation. Tout commence au printemps lorsque les pommiers en fleurs dégagent leur parfum délicat pour ensuite développer leurs fruits durant tout l'été et terminer leur maturation en octobre. De là, durant les mois de récolte, les inspecteurs effectuent une pléthore de contrôles dans les plantations, surveillant entre autres les livraisons, le rendement des parcelles et la traçabilité. Dans les llagares (caves à cidre), les pommes sont ensuite triées, lavées, broyées puis pressées, selon certains procédés traditionnels. Là aussi, les contrôles sont rigoureux : les inspecteurs surveillent régulièrement les mouvements de moût et de cidre entre les pressoirs, du début de la production jusqu'à la mise en bouteille, qui elle-même devra suivre certaines réglementations. Enfin pour garantir la qualité des produits protégés, des échantillons de cidre sont prélevés pour être ensuite analysés dans un laboratoire accrédité avant que les bouteilles soient mises sur le marché. Chacune d'entre elles est marquée par un sceau de garantie, avec un numéro personnalisé.
Les différents types de cidre
L'AOP « Sidra de Asturias » comprend trois produits différents : le cidre naturel traditionnel, le cidre naturel Nouvelle Expression et le cidre mousseux. Le premier est sans doute le plus réputé auprès des Asturiens, lui qui est consommé dans les cidreries, selon une méthode traditionnelle. C'est un cidre fermenté d'un jaune paille intense, plutôt transparent, qui n'a pas besoin d'être filtré. Il doit être « escanciado », c'est-à-dire servi de très haut pour aérer la boisson. La technique se révèle être tout un art, que les Asturiens aguerris maîtrisent avec précision et concentration. Elle consiste à porter la bouteille en l'air, au bout du bras droit et de coller son bras gauche à la cuisse gauche avec le verre posé sur la paume et bloqué entre le pouce et l'index. Une fois la position adoptée, le cidre est déversé d'une hauteur considérable, pour s'éclater contre le verre en une sorte de mousse, témoignant de la bonne « oxygénation » du cidre. On ne sert traditionnellement qu'un culín, soit juste une petite quantité, qu'on ne boira même pas en entier puisque la dernière gorgée sera utilisée pour rincer le verre, avant de le passer à son voisin. Toute une coutume sacrée aux Asturies, qui se partage dans la bonne humeur, les rires et parfois les chansons. On distingue ce cidre traditionnel de celui naturel Nouvelle Expression, servi généralement à table. Il est élaboré de la même manière que le premier, à l'exception près qu'il est filtré avant la mise en bouteille. Sa robe est d'une couleur jaune citron, avec des reflets verts et or, et des microbulles. Pour terminer, le cidre mousseux, qui bénéficie lui aussi de ce label de qualité, se démarque par ses fines bulles. À la différence des deux autres, il subit une seconde fermentation soit en bouteille, soit dans les fûts. C'est une boisson fermentée de couleur jaune pâle, avec des reflets dorés. Outre ces trois AOP, il existe d'autres types de ce breuvage en Asturies, cependant moins consommés. On peut citer le cidre doux, le bio ou encore celui de glace, qui commence à séduire la population. Ce dernier est élaboré en congelant la pomme ou son jus dans les caves à cidre, afin de reproduire les conditions du givre dans une pommeraie. Cette boisson, qui conserve l'acidité du cidre tout en étant équilibrée par une bonne dose de sucre, est consommée généralement au dessert.
Les caves à cidre renommées
Avec 80 caves à cidre reconnues dans la région par l'AOP, il sera difficile de faire son choix au moment de consommer dans une cave à cidre (chigre) ou lors de l'achat de bouteilles dans le commerce. De nombreuses maisons sont réputées pour leur savoir-faire traditionnel, perpétué de génération en génération par la même famille. Chaque année, le Conseil de Régulation du Cidre des Asturies organise un concours du meilleur cidre des Asturies, désigné selon différentes catégories de l'AOP, permettant de faire leur promotion auprès de la population. C'est ainsi qu'en 2020, le cidre naturel traditionnel Val de Boides de Llagar Castañón, entreprise familiale fondée en 1938, a été primé meilleur de sa catégorie. Ce cidre est d'une couleur jaune pâle, à l'arôme fruité, équilibré par une pointe d'acidité, qui s'accompagne harmonieusement avec le poisson, les fruits de mer et la viande. Du côté du cidre naturel Nouvelle Expression, le meilleur prix a été décerné au nectar Pomarina, pour la troisième année consécutive. Il est élaboré par le groupe Gaitero, l'un des fleurons du cidre asturien qui, depuis 1898, produit du cidre sur les rives de l'estuaire de Villaviciosa, à La Espuncia. Enfin, c'est le cidre Solaya de Sidra Quelo qui a obtenu la meilleure récompense dans la catégorie des naturels pétillants. Cette entreprise familiale, aujourd'hui installée à Tiñana, près d'Oviedo, peut se vanter de ses plus de 50 ans d'expérience dans ce domaine, elle qui respecte les procédés traditionnels, tout en misant sur la qualité. Outre ces marques primées et reconnues, il en existe bien d'autres qui sont mises en exergue à l'occasion d'autres concours et festivals. Pour les découvrir, rien de tel que de faire la tournée des chigres dans la ville de Gijón où l'on en trouve à tous les coins de rue ou encore à Oviedo, au fameux boulevard du cidre, situé dans la rue centrale Gascona. Vous pourrez en déguster dans d'autres villes telles Avilés, Navia et Villaviciosa. Et sacre final, le cidre, son processus de fabrication, les pratiques culturelles qui y sont liées et la manière dont sa production est devenue un élément caractéristique du paysage asturien ont été inscrits au patrimoine immatériel de l'Unesco en décembre 2024.