Chrétiens orthodoxes

Ils sont toujours le plus important groupe religieux du pays. Mais ils ne représentent plus que 46 % de la population, contre près de 70 % au moment de l’indépendance, en 1991, du fait d’un taux de natalité plus fort chez les musulmans. Les orthodoxes du pays sont en outre divisés en plusieurs Églises.

Orthodoxes macédoniens. La très vaste majorité des chrétiens orthodoxes du pays, soit plus de 700 000 fidèles, dépend de l’Église orthodoxe macédonienne. Celle-ci suit le rite byzantin, comme la plupart des Églises orthodoxes, mais en langue macédonienne. Aussi appelée archevêché d’Ohrid, elle a pour siège la cathédrale Saint-Clément-d’Ohrid, à Skopje. Elle a été reconnue « autocéphale » (indépendante) le 9 mai 2022 par le patriarcat œcuménique de Constantinople (à Istanbul, en Turquie), la plus haute instance « morale » parmi les Églises orthodoxes à travers le monde. Depuis sa création en 1958, elle dépendait de l’Église orthodoxe serbe. Mais un long conflit a débuté en 1967, quand l’Église orthodoxe macédonienne a déclaré son autocéphalie (indépendance). Celle-ci n’a alors été reconnue par aucune Église orthodoxe. Les tensions sont devenues plus vives après l’indépendance du pays, en 1991, le patriarcat serbe refusant d’accorder autre chose qu’une simple autonomie au clergé macédonien. Dans les années 2000, les tensions ont rejailli sur les relations diplomatiques avec Belgrade, après que le gouvernement de Skopje fit arrêter des prêtres et moines locaux affichant leur soutien à l’Église serbe. En 2020, c’est finalement le patriarcat œcuménique de Constantinople qui demanda au patriarcat serbe d’accorder l’autocéphalie à l’Église macédonienne. Ce qui fut fait le 16 mai 2022 avec, dans la foulée, une reconnaissance de la part de toutes les Églises orthodoxes. D’un point de vue historique, l’Église orthodoxe macédonienne se veut l’héritière de l’archevêché d’Ohrid. Celui-ci fut fondé vers 990 en tant que siège de l’Église orthodoxe bulgare. Il fut ensuite reconnu comme une Église à part entière par les Byzantins, après leur reprise d’Ohrid, en 1018, et demeura autocéphale jusqu’en 1767. Aujourd’hui, l’Église orthodoxe macédonienne est organisée en douze éparchies (diocèses), dont quatre pour la diaspora en Europe, en Amérique du Nord et en Océanie. En Macédoine du Nord, elle compte environ 2 000 églises et monastères, 500 prêtres actifs (qui, selon le rite byzantin, sont mariés pour la plupart) et plus d’une centaine de moines et moniales.

Orthodoxes serbes. Ils sont environ 40 000, répartis entre deux institutions sous une même autorité religieuse. Un peu plus de la moitié appartient à la minorité serbe et dépendent du patriarcat serbe de Belgrade. Ils disposent d’un clergé serbe et suivent le rite byzantin en serbe et en vieux-slave. L’autre partie est composée de Macédoniens qui font partie de l’Église autonome dite de « l’archevêché orthodoxe d’Ohrid » (à ne pas confondre avec « l’archevêché d’Ohrid », c’est-à-dire l’Église orthodoxe macédonienne). Cette Église autonome a été fondée en 2002 dans le contexte du conflit sur l’autocéphalie de l’Église orthodoxe macédonienne. Elle dépend elle aussi du patriarcat serbe. Mais elle dispose d’un clergé le plus souvent macédonien qui suit le rite byzantin en macédonien et en vieux-slave.

Autres orthodoxes. Ils sont environ 50 000 Albanais, Aroumains, Bulgares, Monténégrins et Grecs. Chacune de ces communautés suit en théorie le rite byzantin dans sa propre langue. Mais comme les Églises orthodoxes d’Albanie, de Bulgarie, du Monténégro et de Grèce n’entretiennent pas de clergé sur place, la plupart de ces croyants fréquentent les lieux de culte des Églises macédonienne ou serbe. La majorité des Albanais orthodoxes s’identifie d’ailleurs au groupe ethnique des Macédoniens.

Musulmans sunnites

Ils forment le deuxième groupe religieux du pays avec entre 520 000 et 590 000 fidèles, soit presque un tiers de la population. Le sunnisme est une des deux grandes branches de l’islam, regroupant 85-90 % des musulmans à travers le monde. L’autre grande branche, le chiisme, n’existe ici que de manière ultraminoritaire.

Histoire et organisation. Les sunnites sont présents sur le territoire depuis l’arrivée des Ottomans, à la fin du XIVe siècle. Ils se sont développés avec l’installation de colons turcs, mais surtout avec plusieurs vagues d’islamisation favorisées par une fiscalité avantageuse. Après le départ des Ottomans, en 1912, plus de la moitié des fidèles ont fui, notamment en Turquie, jusque dans les années 1970. À partir de 1947, les musulmans de la république socialiste de Macédoine furent intégrés au sein de la Communauté islamique de Yougoslavie, dont le siège se trouvait à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine. Depuis l’indépendance, en 1991, c’est la Communauté religieuse islamique de Macédoine du Nord qui supervise l’ensemble des musulmans du pays, à l’exception des soufis qui disposent à présent de leur propre organisation. La Communauté a son siège à Skopje, où elle possède aussi la faculté sciences islamiques fondée en 1998. Les sunnites de Macédoine du Nord bénéficient du soutien financier de pays à majorité musulmane, notamment la Turquie et les royaumes arabes du golfe Persique.

Populations. La communauté sunnite de Macédoine du Nord se compose de quatre groupes « ethniques ». La vaste majorité sont les Albanais : environ 400 000 fidèles. Ceux-ci vivent principalement à Skopje, à Tetovo et le long des frontières avec l’Albanie et le Kosovo. Parmi les quelque 600 mosquées du pays, ils disposent des plus prestigieuses, notamment la mosquée Colorée de Tetovo et les mosquées Sultan-Murat et Mustafa-Pacha de Skopje. Viennent ensuite les Turcs, avec environ 70 000 fidèles, puis les Roms, Ashkalis et Balkano-Égyptiens, avec entre 50 000 et 100 000 fidèles. Le quatrième groupe de sunnites sont les Slaves : environ 16 000 Bosniaques, 4 500 Torbèches et 150 Gorans.

Musulmans soufis

Ils seraient entre 30 000 et 50 000, principalement albanais, répartis entre six confréries de derviches. Ils appartiennent au courant mystique et ésotérique de l’islam : le soufisme. Celui-ci a joué un rôle important dans l’islamisation des Balkans durant l’ère ottomane.

Bektashis. C’est la confrérie soufie la plus influente et la plus importante du pays avec aux alentours de 20 000 fidèles et de nombreux sympathisants parmi les sunnites. C’est aussi le courant le plus tolérant de l’islam. Par exemple, les femmes ne sont pas voilées et prient aux côtés des hommes dans les tekkés, les lieux de culte des soufis. Les derviches bektashis tolèrent aussi la consommation d’alcool. Parmi les éléments centraux du mouvement figurent l’étude du Coran et de la Bible, les sciences, les droits de l’homme, la poésie et le respect des autres religions. Empruntant certains éléments au chiisme, le bektashisme est né en Thrace grecque au XVIe siècle selon les préceptes de Haci Bektas Veli, un sage perse ou turc du XIIIe siècle. En Macédoine du Nord, le tekké Arabati-Baba de Tetovo est un lieu important : en 1912, c’est ici que fut transféré le siège de la confrérie, lorsque celle-ci fut chassée de Turquie. Mais le prestigieux complexe est l’objet d’un conflit : depuis 2002, il est en partie occupé par des radicaux sunnites. Au total, la confrérie compte trois tekkés à Tetovo et huit autres dans les villes de Skopje, de Bitola, de Štip, de Veles, de Kičevo, de Makedonski Brod, de Dibar et de Prilep. Elle est surtout implantée en Albanie. Le siège mondial du bektashisme se trouve à Tirana. Il supervise environ 7 millions d’adeptes, principalement en Turquie, aux États-Unis et en Albanie.

Halvetis. Aussi appelés les khalwatis, ils forment la deuxième confrérie du pays avec des tekkés à Ohrid, à Struga, à Kičevo, à Gostivar, à Kočani, à Vinica, à Štip, à Radoviš et à Strumica. Les halvetis constituent l’une des plus grandes confréries soufies au monde avec environ 20 millions d’adeptes.

Rufaïs. Ceux-ci possèdent des tekkés à Skopje, à Veles, à Kočani, à Vinica, à Radoviš et à Strumica. La confrérie est célèbre pour sa cérémonie : l’Ijra. Celle-ci consiste à entrer en transe, puis à se percer les joues, le cou, le larynx ou le ventre avec des objets pointus dont la taille évolue en fonction du degré de spiritualité des derviches. Les rufaïs sont davantage implantés au Kosovo voisin.

Naqshbandis. Ils sont parmi les soufis les plus rigoristes et les plus présents à travers le monde. En Macédoine du Nord, ils possèdent au moins deux tekkés, à Veles et à Štip.

Melamis. Aussi connus sous le nom de malamatis, ils sont considérés comme plus proches du chiisme que du sunnisme. Deux tekkés à Radoviš et à Strumica.

Kaderis. Ils possèdent au moins un tekké à Debar. Avec les autres confréries soufies, les Kadéris sont regroupés depuis 2019 au sein du Siège des soufis de Macédoine du Nord, à Skopje.

Chrétiens catholiques

Ils sont environ 17 000 répartis en deux mouvements aux rites bien distincts mais dirigés par le même évêque.

Catholiques de rite byzantin. Aussi appelés les « uniates », parce qu’ils ont choisi « l’union » avec le pape, ils sont environ 11 000 fidèles dans le pays. Il s’agit en majorité de Macédoniens vivant dans le sud-est du pays, autour de Strumica. Dirigé par un clergé qui comptait 14 membres en 2023, ils appartiennent à l’Église grecque-catholique macédonienne. Celle-ci dépend du Vatican et a pour siège la cathédrale de la Dormition-de-la-Mère-de-Dieu, à Strumica. Cette Église est dite « grecque » parce qu’elle suit le rite byzantin, comme la plupart des Églises orthodoxes. Ainsi, ces catholiques vénèrent les icônes, assistent à des liturgies (et non à des « messes »), les prêtres portent le sticharion (et non l’aube) et le kamilavkion (chapeau cylindrique noir). Autre différence de taille avec le clergé catholique « classique » : les prêtres sont autorisés à se marier et à avoir des enfants. La petite Église grecque-catholique macédonienne a été fondée en 2001 en tant qu’exarchat apostolique : une « Église particulière » relevant directement du pape. Elle est l’héritière du « vicariat apostolique bulgare de Macédoine » créé en 1859 par des prêtres orthodoxes qui préféraient se soumettre au pape plutôt qu’au patriarcat orthodoxe grec de Constantinople. En 2018, elle a été élevée au rang d’éparchie : c’est l’équivalent d’un diocèse dirigé par un évêque. Cette éparchie fait partie de la Conférence épiscopale internationale des saints Cyrille et Méthode. Celle-ci a son siège à Belgrade et regroupe les communautés catholiques de rites romain et byzantin de Serbie, de Macédoine du Nord, du Kosovo et du Monténégro.

Catholiques de rite romain. S’ils sont très peu nombreux – environ 6 700 fidèles –, leur communauté compta une personnalité bien connue : mère Teresa (1910-1997), née à Skopje de parents albanais du Kosovo. Comme elle, ces catholiques résident surtout dans la capitale. On les trouve aussi à Bitola, à Štip et à Ohrid. Ils font partie du diocèse de Skopje, dont le siège est la cathédrale du Sacré-Cœur, à Skopje. Suivant les mêmes rites que les catholiques romains de France ou d’Italie, ils sont principalement macédoniens, albanais, croates et slovènes. L’origine du diocèse remonte au Ve siècle, mais il fut officiellement fondé en 1816. Du fait de sa petite taille, la communauté est dirigée par l’évêque de l’Église grecque-catholique macédonienne. Le diocèse fait à la fois partie de la Conférence épiscopale internationale des saints Cyrille et Méthode et de l’archidiocèse de Vrhbosna. Ce dernier couvre essentiellement la Bosnie-Herzégovine et a son siège à Sarajevo.

Chrétiens protestants

Ils seraient environ 12 000 répartis entre onze différentes Églises protestantes. Voici les quatre mouvements les plus importants.

Méthodistes. La communauté compte environ 2 500 fidèles, principalement dans la région de Strumica et à Skopje. C’est le plus ancien et le plus important groupe protestant du pays. Les conversions commencèrent en 1873 avec l’arrivée de missionnaires américains. Ceux-ci visèrent en particulier les catholiques de rite byzantin. Le méthodiste le plus connu du pays est Boris Trajkovski qui fut président de la République de 1999 jusqu’à sa mort dans un accident d’avion en 2004.

Évangélistes. Ils sont environ 2 000, à Skopje, à Bitola, à Prilep… Le mouvement s’est implanté dans le pays à partir de 1988. La communauté se compose de Macédoniens et de Roms.

Baptistes. Implantés dans le pays depuis 1928, ils seraient environ un millier, principalement à Radoviš.

Congrégationalistes. Le mouvement existe depuis 1987 en Macédoine du Nord. Il compte environ 600 fidèles, principalement des Roms. Le siège se trouve à Šuto Orizari, le grand quartier rom de Skopje.

Autres croyants

Juifs. La plus ancienne religion monothéiste du territoire de la Macédoine du Nord ne compte plus que 70 à 250 adeptes. La présence du judaïsme remonte à la période romaine, avant le développement du christianisme. Si la communauté a prospéré sous la protection des Ottomans avec l’arrivée de séfarades chassés d’Espagne, elle fut quasiment rayée de la carte en 1943 par les Allemands. Les descendants des survivants de la Shoah vivent aujourd’hui à Skopje, à Bitola et à Štip. Une synagogue est ouverte au culte dans la capitale.

Hindouistes. Les fidèles de la troisième plus importante religion au monde sont présents dans le pays depuis 1988 à travers deux organisations : l’Association internationale pour la conscience de Krishna et le mouvement du gourou Sathya Sai Baba. Celles-ci comptent plusieurs centres à Skopje et un autre à Štip.

Témoins de Jéhovah. Les adeptes de ce mouvement millénariste d’inspiration chrétienne affirment être plus de 1 200 dans le pays avec un centre à Skopje et un autre à Bitola.

Mormons. Les fidèles et missionnaires du mouvement chrétien de « l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours » sont présents ici depuis les années 1990. Ils comptent trois centres à Skopje, à Bitola et à Ohrid.

Scientologues. L’Église de scientologie est un des derniers mouvements religieux reconnus par l’État, en 2017. Il existe un centre à Skopje.

Athées et agnostiques

Ils représentent moins de 1 % de la population. C’est le même cas dans presque tous les pays des Balkans où les populations se définissent principalement par rapport à leur appartenance à une religion et/ou à des traditions culturelles religieuses.