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Soda bread © David Pimborough - Shutterstock.com.jpg

Mode de vie et produits du terroir

Lorsque l'on parle de produits irlandais, on pense bien sûr à la pomme de terre. Apparue dans le pays vers 1580, son omniprésence en Irlande n'est pas plus une question de goût qu'une question politique. En effet lorsque l'île était sous le joug anglais, les Irlandais catholiques avaient uniquement accès à de minuscules parcelles et se replièrent vers la culture de la pomme de terre, dont le rendement sur des petites surfaces est largement supérieur aux céréales. La dépendance à ce légume-racine fut si forte que lorsque l'épidémie de mildiou – un champignon parasite de la pomme de terre – frappa l'île au milieu du XIXe siècle, les conséquences furent désastreuses, causant une famine qui entraîna la mort de près d'un million d'Irlandais et un exode massif vers les USA.

Parmi les autres légumes, citons le chou frisé, les carottes, le chou blanc, les navets, alors que traditionnellement les céréales les plus cultivées étaient le seigle, l'orge et l'avoine. Le blé, plus gourmand en nutriments, a plus de mal à pousser dans les landes et aux abords des tourbières. Des terres par contre idéales pour l'élevage des moutons, mais aussi des bœufs. L'agneau du Connemara ou Uain Sléibhe Chonamara bénéficie d'une IGP. Le porc est également consommé depuis des temps immémoriaux et permet de réaliser bacon, saucisse et bien d'autres produits. Citons par exemple le Timoleague brown pudding IGP et le Sneem black pudding IGP, deux recettes de boudins noirs à base de sang de porc, de céréales et d'épices. Les Irlandais sont de gros consommateurs de produits laitiers. L'imokilly regato AOP est un fromage à pâte dur au lait de vache de la région de Cork.

Pour une île aux quelque 6 200 km de côtes, qui plus est très poissonneuses, la consommation de poissons et de fruits de mer est étrangement basse en Irlande. Les raisons trouvent aussi leurs racines dans la colonisation anglaise, où le droit à la navigation était très restreint pour les Irlandais. Sur terre les parcelles souvent trop petites pour offrir des conditions d'élevage décentes, les locaux prospectaient les plages à la recherche de fruits de mer, devenant alors le symbole de la misère et de l'humiliation coloniale. Cependant depuis la fin du XXe les Irlandais se réapproprient ces ressources : maquereau, morue, merlu, aiglefin, mais aussi moules, homard, crabe, etc. Les huîtres de Galway et les crevettes de la Baie de Dublin sont très réputées. Les poissons d'eau douce comme la truite sont également populaires. Le saumon irlandais – notamment fumé – est très prisé et celui de Clare Island bénéficie d'une IGP. Les algues telles les carraghénine et la dulse, sont couramment utilisées dans les plats de fruits de mer.

Traditionnellement, le petit déjeuner est copieux, suivi d'un déjeuner assez succinct surtout en ville (souvent un sandwich) et on dîne tôt, vers 18h, puis on déguste un thé et des biscuits plus tard dans la soirée. À noter que le full breakfast ou petit déjeuner complet, fut créé par des paysans qui partaient aux champs. Il vaut mieux donc prévoir une activité physique importante après un tel repas. De nos jours d'ailleurs, il est plus considéré comme une sorte de brunch que les citadins irlandais consomment le week-end, plutôt que comme un vrai petit déjeuner que l'on mange tous les matins.

Les classiques de la cuisine irlandaise

L'Irish breakfast est similaire au petit déjeuner anglais complet et se compose d’œufs, de bacon, de saucisses, de toasts, de haricots blancs à la tomate, de champignons, de tomate grillée, de boudin blanc (white pudding) et de boudin noir (black pudding) avec quelques produits plus locaux : soda bread, boxty (galette de pomme de terre), etc.

Les pommes de terre sont toujours un aliment de base à la plupart des repas. Le colcannon est une purée riche de pommes de terre, de chou avec une dose généreuse de beurre (ou de crème), aromatisée aux oignons verts. Le champ – très proche – ne contient pas de chou. Autre recette emblématique, l'Irish stew (stobhach Gaelach) est un ragoût à base de viande d’agneau, avec pommes de terre, oignons et carottes qui mijotent longuement avec de la bière noire (Guiness). Ce plat traditionnel de la fête de la Saint-Patrick était historiquement composé de viande de mouton, mais aujourd'hui l'agneau ou le bœuf le remplace souvent. À Noël, les Irlandais servent du spiced beef, du bœuf salé et épicé, que l'on fait ensuite mijoter et que l'on coupe en tranches comme un rôti froid.

Le porc tient une place importante et rentre dans la composition du fameux bacon & cabbage, du lard fumé avec pomme de terre et chou bouilli accompagné d'une sauce blanche au persil. Sinon essayez le skirts and kidneys, un ragoût de viande et de rognons de porc ou le coddle, un plat de saucisse de porc, lard, pomme de terre et carotte dans un bouillon. Les crubeens sont simplement des pieds de porc longuement mijotés puis braisés ou panés et frits. En plus du black pudding, on citera aussi le white pudding à base de porc maigre, de foie et d'orge. À l'inverse, les plats de poissons et fruits de mer sont relativement rares et souvent ils sont préparés très simplement. On notera toutefois le très raffiné Dublin lawyer, du homard cuit dans une sauce crémeuse au whisky.

Pains, desserts et boissons

Vous découvrirez que les Irlandais sont très friands de pain, appelé localement soda bread. Le goût de ce pain est très différent de ceux que l’on connaît. Moelleux et croustillant à la fois, il doit son nom au bicarbonate de soude qui remplace ici la levure boulangère. Sa consistance est donc proche de celle d’un gâteau. Sa pâte faite de farine blanche et de farine complète est enrichie de beurre. Elle ne requiert qu’un pétrissage léger et ne nécessite aucun temps de repos. À l’origine, le soda bread était cuit dans une marmite, dans la cheminée familiale. Chaque boulanger irlandais a développé sa variante du soda bread: complet, bis, à l’avoine, cuit en moule. Délicieux avec du beurre et de la confiture.

L'autre pâtisserie traditionnelle est le barmbrack, une sorte de gâteau brioché aux raisins secs, écorces confites et épices. Sans oublier le blaa, un type de petite brioche, très moelleuse. Bien sûr on retrouve aussi des douceurs plus modernes venant du reste de Îles britanniques : carrot cake, scones, cupcakes, apple pie, etc. Ainsi qu'une multitude de gâteaux plus modernes mettant en valeur les produits locaux comme le brownie à la Guiness ou le cheesecake au Baileys.

Des pâtisseries toujours servies avec une bonne tasse de thé. L'Irlande en est le deuxième plus gros consommateur au monde, après la Turquie et juste avant le Royaume-Uni, avec plus de 2 kg par an et par habitant. Ce produit fut importé d'abord par les Anglais au début du XIXe siècle, mais souvent d'une qualité variable, le thé était généralement mélangé avec une bonne quantité de lait, ce qui se fait toujours aujourd'hui. Le Irish breakfast tea est un mélange robuste de noir d'Assam et de Ceylan. Si historiquement le café n’était pas franchement la grande spécialité du pays, les Irlandais en consomment de plus en plus et les cafés – où se pressent des citadins curieux et exigeants – poussent comme des champignons. On retiendra toutefois le grand classique du coin : l'Irish coffee, à base de café et de whisky, couronné de crème fouettée, créé dans les années 1930.

Entre bière et whisky

Les Irlandais sont des grands amateurs de bière et les pubs se fréquentent avec ferveur. La bière est servie en pinte (pint) ou en demi-pinte (half pint ou glass). La plus célèbre est bien évidemment la Guinness, bière stout, presque noire et très amère, à l'arrière-goût de café. Si vous préférez une bière plus douce, essayer la Murphy’s (brune) ou la Smithwicks (rousse). Les bières blondes ne sont pas très répandues, mais la plus célèbre est la Harp, brassée dans la Guinness Brewery, mais vous trouverez aussi de nombreuses bières internationales.

En décembre 1759, Arthur Guinness, âgé de 34 ans, décide de reprendre une petite brasserie désaffectée à St James’s Gate, à Dublin. À l’époque, l’Irlande rurale boit surtout du whisky, du gin, et les bières existantes ne sont pas de bonne qualité. La bière brune d’Arthur Guinness est un tel succès qu’elle supplante toutes les bières brunes anglaises et les évince du marché irlandais. Mieux, elle obtient un franc succès en Angleterre. La bière Guinness est caractérisée par sa couleur sombre due à une orge extrêmement torréfiée. Vers 1820, le qualificatif «stout» (qui caractérise une bière forte et épaisse) est rajouté pour qualifier ce type de bière brune. En 1825, la Guinness stout est présente à l’étranger. Dès 1833, la brasserie Guinness est officiellement la plus grande d’Irlande et en 1914, elle devient la plus importante du monde.

Mais l'or liquide de l'île est le whiskey, produit IGP depuis 1980. D'ailleurs on dit bien «whiskey» en Irlande, et aux USA. L'appellation «whisky» étant utilisée dans le reste du monde. On distingue plusieurs catégories comme le pure pot still whiskey, fabriqué à partir d'orge et d'orge maltée (germée) et distillé dans un alambic. Le single malt whiskey est un whiskey produit dans une seule (single) distillerie à base de céréale maltée, orge ou seigle. Seuls Bushmills et Cooley produisent du Single malt en Irlande. Le single grain whiskey est traditionnellement un whisky à base d'orge non maltée, souvent remplacée aujourd'hui par un mélange de céréales à base de maïs, comprenant aussi de l’orge, de l’orge maltée (maximum 30 %), du seigle et du blé. Seuls Cooley et Midleton produisent du whiskey de grain.

Bushmill, Tullamore Dew et Jameson sont les distilleries les plus connues. Mais le whisky se décline aussi en une multitude de produits comme le Bailey’s ou le Waterford Cream (crèmes de whisky), l’Irish Mist (liqueur à base de whisky, de miel et d’extraits de plantes) et le Hot Port (porto chaud rallongé de whisky avec une rondelle de citron plantée d’un clou de girofle).