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Un contexte économique et culturel prospère

Le courant des primitifs flamands trouve son origine dans la prospérité de la Flandre à la fin du Moyen Âge. Plaque tournante commerciale, Bruges surtout, attiraient de riches négociants et banquiers venus de nombreux pays. Au-delà des paroisses ou chrétiens mécènes qui souhaitent embellir leurs églises, on assiste à l’émergence de ces artistes en vogue dans les salons bourgeois au XVe siècle, à commencer par Jan Van Eyck, au service des ducs de Bourgogne. Sa vie est d’ailleurs bien romancée dans l’Historium Brugge. Beaucoup d’artistes s’installeront dans son sillage. Petrus Christus a pour clientèle la bourgeoisie et les marchands étrangers fortunés, comme plus tard Hans Memling. Ces peintures sont commanditées en premier lieu pour illustrer des scènes religieuses et des portraits, plus rarement des peintures narratives et des sujets mythologiques. Memling devient le portraitiste le plus demandé à Bruges.

Des techniques de peinture inédites

Grâce à la nouvelle technique du glacis, cette peinture à l’huile permet une luminosité et une pureté des couleurs, ainsi qu’une transparence des nuances novatrice. Elle utilise des pigments naturels en poudre, végétaux ou minéraux, de l’huile de lin comme liant, de l’essence de térébenthine comme solvant et des résines naturelles en vernis. Gérard David, l'un des derniers représentants des primitifs flamands, s’inspirera de ses prédécesseurs pour dépeindre des paysages et le ciel avec une expression picturale dramatique et l’emploi de clair-obscur saisissant de contrastes et des modelés subtils. Une maîtrise aboutie de cette technique à l’huile. Plus consistante, cette nouvelle peinture à l’huile permet une finition plus minutieuse ; séchant plus lentement, elle peut se travailler de façon plus méticuleuse.
De plus, ces peintures sont réalisées sur des panneaux en bois peints, en général du chêne, sous forme de diptyque, triptyque ou polyptyque, des deux faces de chaque panneau. Le fameux retable de L’Agneau mystique des frères Van Eyck ne compte pas moins de 12 panneaux et donc 24 peintures ! Le spectateur peut admirer des compositions différentes, selon que le retable soit ouvert ou fermé.

Des peintures édifiantes de réalisme

L’Agneau Mystique, commencé par Hubert Van Eyck et achevé par son frère Jan en 1432, est un chef-d’œuvre fondateur de ce mouvement pictural. Le style Van Eyck se retrouve dans la reproduction d’espaces en trois dimensions en perspective aérienne, dans la plasticité des formes et dans la représentation réaliste des personnages et du décor inédite. Jan Van Eyck a porté la peinture des détails (notamment le rendu des matières) à un sommet jamais atteint avant lui. La transition entre l’art gothique médiéval plus iconoclaste et l’art Renaissance empreint d’humanisme prend ici tout son sens. Après lui, Petrus Christus reprend son idée de précision réaliste et y ajoute d’autres formes de perspectives. L’autre grand pionnier des primitifs flamands avec Van Eyck se nomme Robert Campin, qui réalise lui aussi des représentations réalistes et non plus symboliques de personnages, de décors ou d’objets dès la fin du XIVe siècle. Il croque avec un réalisme fascinant, à travers le prisme des scènes religieuses, le quotidien des petites gens comme des bourgeois, comme dans son Triptyque de l’Annonciation. Formé dans l’atelier de Campin, Rogier van der Weyden s'installe à Bruxelles et devient le peintre officiel de la ville au service des ducs de Bourgogne. En s’inspirant de la toile de La Vierge du chancelier Rolin réalisé par Van Eyck, il peint vers 1450 deux retables sur la Justice (La Justice de Trajan et La Justice d’Archambaud), malheureusement détruits dans un bombardement de la Seconde Guerre mondiale. Autre grand maître du réalisme, le Gantois Hugo van der Goes, qui s’illustre avec le Triptyque Portinari, dont le panneau central, L’Adoration des bergers, commandé par un riche négociant italien et exposé au fameux musée des Offices à Florence, a joué un rôle dans l’émergence de la peinture Renaissance en Italie. Il réalise de grands chefs-d'œuvre dont une version du Jugement dernier (vers 1445), magnifique de réalisme et d’expressions de visages des personnages.

Le souci du détail et de la symbolique

L’autre grand nom des primitifs flamands à illustrer le légendaire Jugement dernier se nomme Jérôme Bosch. Commandé dans les années 1500 par Philippe Ier le Beau, ce triptyque est saisissant ! On est encore aujourd’hui surpris de découvrir cette série de tableaux dépeignant des monstres, la nudité dans l’horreur et la luxure à une époque si prude. Chaque détail de cette œuvre est travaillé à l’extrême, imbriquant des dizaines de scènes les unes dans les autres. On pourrait passer des heures à observer ces tableaux. Pourtant, Bosch était loin d’être un excentrique hérétique, au contraire, c’était un bourgeois parfaitement intégré à sa société contemporaine. Sa représentation de cette scène religieuse est très avant-gardiste, à l’instar du Jardin des délices, son autre grande toile en rupture avec les peintures de l’époque. Il inspirera le grand Pieter Brueghel l’ancien, à l’aune de la Renaissance nordique, qui peindra la terrifiante Tour de Babel dans cette même veine.

Où voir les tableaux des peintres primitifs flamands ?

Même si aujourd’hui la plupart sont plutôt exposés dans les musées les plus prestigieux aux quatre coins du monde, et finalement très peu en Belgique, on peut découvrir certaines toiles des maîtres de la peinture flamande primitives. Parmi les masterpieces, on peut citer au Sint-Janshospitaal (l’Hôpital Saint-Jean)Le Mariage mystique de Sainte Catherine, le Triptyque de Jan Floreins et la fameuse châsse de sainte Ursule. Au GroeningemuseumLa Vierge au chanoine Joris van der Paele de Jan van Eyck, le Triptyque Moreel de Memling et le Jugement dernier de Jérôme Bosch, au Musée royal des Beaux-Arts d’Anvers qui vient de rouvrir cette année Dieu le Père entouré d'anges chanteurs et musiciens de Memling et Santa Barbara de Nicomedia de Van Eyck. Et surtout, le fameux Agneau mystique de Van Eyck à nouveau exposé dans la cathédrale Saint-Bavon à Gand, sa place originelle, après une restauration de plusieurs années aux rayons X. Quelques toiles de chaque primitif flamand sont aussi exposées au musée Oldmasters à Bruxelles.